Nicolas Gounse et Romain Gastel, bistronomiquement vôtre
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L’Académie Rabelais vient de décerner la Coupe du meilleur pot au Guersant, bistrot du 17e arrondissement parisien, dirigé par Nicolas Gounse (47 ans) et Romain Gastel (39 ans). Un tandem complémentaire formé par un entrepreneur, passé par Sup de co Reims, et un pur professionnel de la restauration.

Vers 15 heures, Nicolas Gounse se laisse aller à souffler un peu. Depuis le début du service du déjeuner, avec son associé, Romain Gastel, il est sur les charbons ardents. En ce mois de janvier, une moyenne de 120 couverts sont servis quotidiennement au Guersant, un petit bistrot de 40 places assises en intérieur. Depuis le rachat de ce fonds de commerce en 2022, la fréquentation augmente chaque mois.
«C’était déjà un bistrot qui fonctionnait bien à l’époque du précédent propriétaire, Dominique Sergeant, confie Nicolas Gounse. Nous nous étions fixé l’objectif de maintenir le chiffre d’affaires, mais nous l’avons doublé ! ». Depuis l’automne, la fréquentation du Guersant s’est encore accélérée. Le 18 novembre, Gilles Pudlowski leur décernait le trophée Pudlo des Jeunes bistrotiers de l’année. Quelques semaines plus tard, l’Académie Rabelais annonçait qu’à partir de ce mois d’avril 2025 la Coupe du meilleur pot trônera sur le comptoir de marbre du bistrot du boulevard Gouvion-Saint-Cyr.
Une belle mise en lumière
Mais le coup de publicité le plus énorme a eu lieu en janvier, avec la publication d’un influenceur qui a consacré un film d’une minute à l’établissement. «En une semaine, nous avons eu 800 000 vues sur Tiktok et Instagram, ce qui provoque une affluence encore plus forte dans le restaurant », assure Nicolas Gounse. Ce petit bistrot des années 1930, installé au pied d’un immeuble HLM, le long des boulevards des maréchaux, ne manque pas d’atouts. À deux pas de la porte de Champerret, il peut compter sur une clientèle d’affaires. En outre, ce quartier assez peuplé attire la clientèle de la ville voisine de Levallois-Perret (Hauts-de-Seine), le soir. Mais surtout, l’offre du Guersant défie toute concurrence avec une formule entrée et plat, ou plat et dessert, à 22 €, qui fonctionne au déjeuner comme au dîner.
« Romain m’a gentiment ramené aux fondamentaux de la brasserie »
«Aujourd’hui, les clients veulent contrôler étroitement leur budget nourriture au restaurant, estime Nicolas Gounse. Un fois rassurés sur ce point, cela ne les empêche pas d’être décontractés sur leurs dépenses en matière de vin. » Pour autant, le patron ne force pas la note. Même s’il pratique des coefficients multiplicateurs maximaux de 4 sur «les petites appellations », son coefficient moyen en matière de vin n’excède pas 2,75. «Mon comptable n’arrête pas de me le reprocher, mais mes serveurs ont la main trop généreuse », se lamente en souriant le bistrotier, tout en offrant au même moment une tournée à deux nouveaux clients.
Cette atmosphère bon enfant où les classes sociales se mélangent fait aussi partie des charmes du lieu. Dans cet établissement authentique, Nicolas et Romain évoluent dans un univers qui correspond à leurs attentes. Nicolas Gounse rappelle qu’avant son arrivée, en 80 ans d’existence, le Guersant n’avait connu que quatre propriétaires. Les deux hommes n’excluent pas d’être présents dans les murs au moment du centenaire de l’enseigne. Tout en respectant la patine du décor, ils modernisent les installations et préparent un projet de couverture de la terrasse de 35 places, qui leur permettrait de refuser moins de clients durant l’hiver.
Un duo complémentaire
Si Romain Gastel est un homme du métier, formé au lycée hôtelier Théodore Monod d’Antony (Hauts-de-Seine) et passé par l’Hôtel de Crillon (Paris 8e), Nicolas Gounse n’est pas arrivé si tardivement dans la profession. Cet ancien élève de Sup de co Reims (Marne) a travaillé auparavant durant 10 ans dans le luxe, chez Cartier.
À l’âge de 31 ans, il décide de vendre son appartement parisien pour faire l’acquisition d’une brasserie, le Village (Paris 7e). «J’avais remarqué que le secteur de la restauration offrait des retours d’investissements les plus rapides avec des emprunts remboursables en sept ans ». Ce propos d’un novice pourrait prêter à sourire, mais c’est sans connaître la détermination de Nicolas. Il est parvenu à doubler la fréquentation de cette première brasserie qu’il revend quatre ans plus tard, réalisant au passage une honnête plus value.Il confesse cependant des erreurs de jeunesse : «Au départ, j’ai souhaité ne pas être dépendant d’un chef, en proposant des produits labellisés avec peu de transformation : saumon Barthouil, huîtres Gillardeau. J’ai tenu quatre jours. La brasserie se vidait de ses clients. Romain, qui était à l’époque mon employé, m’a gentiment ramené à la raison et aux fondamentaux de la brasserie. Nous avons remis en place des formules et des plats du jour. »
Nicolas a cédé le Village parce qu’il estimait avoir atteint «un plafond de verre » difficile à dépasser en termes d’activité. Associé avec Romain, il a ensuite créé le Village Kléber, rue Copernic (Paris 16e). Cette expérience positive a été cependant moins concluante que la précédente. «J’ai souhaité créer un concept bistronomique trop sophistiqué qui ne me correspondait pas, rappelle-t-il. La traversée de la crise sanitaire n’a pas arrangé les choses. Nous avons préféré tenter cette nouvelle aventure au Guersant. » Bien leur en a pris !