Café, les méthodes douces arrivent en force
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Le café filtre traîne sa réputation de jus de chaussette au point qu’il a été longtemps boudé au profit de l’expresso. La méthode douce amène pourtant des arômes intéressants et un café plus pur en tasse, tout en créant de nouveaux rituels de service. Pierre de Chanterac, spécialiste du café et barista multirécompensé, nous donne des clés de compréhension de ces techniques importées du monde entier.
Chemex, V60 Aeropress, cold brew… Ces termes s’affichent de plus en plus sur les cartes des cafés. Le développement du café de spécialité, qui se caractérise par une attention particulière accordée à la qualité du café vert, à sa torréfaction et à la manière dont il est extrait, incite la restauration à explorer ces autres manières de faire le café. « On a tellement amélioré les qualités de filtres et de moulins qu’on peut obtenir des résultats sublimes avec des méthodes douces ! », lance d’emblée Pierre de Chanterac, sélectionneur de café et barista, lauréat notamment du concours Coffee in Good Spirits 2025 et champion du monde de café Ibrik en 2023. Ces ustensiles permettent de réaliser de nouvelles recettes de café en faisant varier le mode d’extraction pour déployer les arômes, l’acidité et la caféine à différents niveaux.
Les nouveaux filtres
Le porte-filtre V60, imaginée par l’entreprise japonaise Hario dans les années 1960, est la technique d’extraction par gravité la plus proche du filtre en tissu. Seulement, l’extrémité du cône est conçue de sorte à concentrer la surface d’extraction pour une extraction plus lente et plus complète des arômes. Le temps de contact entre l’eau et la mouture est particulièrement significatif dans la préparation d’un café et constitue toute la subtilité des recettes. L’eau est versée à l’aide d’une bouilloire à bec effilée pour maîtriser un flux continu et un geste précis pour couvrir l’ensemble des grains, en deux ou trois passages où la quantité d’eau varie selon les recettes. Les ondulations présentes sur le porte-filtre permettent à l’eau de s’étendre sur toute la mouture en évitant que le filtre en papier adhère à la paroi. Cette préparation demande 5 à 6 min. de préparation jusqu’au service mais offre la possibilité d’une belle démonstration à table. « Le V60 sur guéridon, c’est la crêpe Suzette moderne », estime Pierre de Chanterac.
Dans l’optique d’un service spectaculaire, la cafetière à siphon est aussi une option. Avec ses deux globes en verre, elle utilise le principe de l’expansion et de la contraction de la vapeur d’eau pour permettre une filtration par dépression. Le principe de la cafetière Chemex est assez proche de celui de la V60 et ravira les amateurs de design puisque l’objet a été imaginé en 1941 par l’Américain Peter Schlumbohm d’abord dans un but esthétique. Sa particularité vient des filtres utilisés, très épais et peu poreux, qui laissent passer très peu de matière pour un résultat en tasse extrêmement pur. La cafetière à piston propose, pour sa part, un résultat moins net, du fait de la sédimentation importante liée à l’absence de filtration, mais permet d’extraire un bon café très simplement. La mouture est largement infusée dans l’eau, puis pressée au fond de l’ustensile. Il convient seulement de choisir une taille de cafetière adaptée au nombre de tasses à servir car le café doit être servi immédiatement après avoir été pressé pour éviter la poursuite de l’infusion et le développement d’une amertume.
Retour en grâce
La technique de l’Ibrik, d’origine turque, sans doute l’une des plus anciennes, consiste à extraire le café par une cuisson dans le sable chaud, sur des braises ou avec un micro-brûleur. Si le support de chauffe peut tout à fait être modernisé, l’utilisation de la timbale en cuivre et le départ à froid donnent à ce café un caractère bien trempé. Le café est réduit en poudre, on y ajoute l’eau froide, puis le pot est placé sur une source de chaleur. Plus l’eau chauffe, plus le café monte dans l’Ibrik avant d’être versé dans la tasse au moment de l’ébullition. « C’est une méthode délicieuse, ça ne ressemble ni à un expresso, ni à un café filtre mais c’est une synthèse des deux. Très doux comme un filtre mais avec plus d’intensité, une texture enveloppante, soyeuse et une perception de sucrosité. C’est la méthode la plus aboutie pour moi en termes d’extraction », note Pierre de Chanterac.
Bien que les cafetières soient souvent disponibles dans différentes tailles, les méthodes douces sont peu adaptées à la préparation d’un seul café. C’est pour répondre à cela que l’Aeropress est née en 2005, aux États-Unis. L’ustensile est pensé pour être nomade et ne nécessite aucun filtre additionnel. La mouture puis l’eau sont ajoutées dans le corps de l’Aeropress, le filtre est vissé après 1 min. d’infusion pour faire passer le café par une légère pression, à la manière d’une seringue. Le filtre retient plus de matière ce qui laisse un café assez net en tasse avec des arômes assez développés.
L’extraction à froid, un concentré caféiné
Le cold brew (est tendance, mais malheureusement assez dévoyé. L’infusion à froid dont il est question livre en réalité une expérience de dégustation particulièrement pointue. Le café doit infuser de 8 à 12 h dans l’eau froide ou à température ambiante, puis être filtré. En l’absence de chaleur, l’acidité se développe peu au profit d’un autre type d’aromatique, et le taux de caféine explose. Le cold drip monte d’un cran la complexité et nécessite de s’équiper d’une tour d’égouttement. Ce procédé permet à l’eau froide de tomber au goutte-à-goutte sur la mouture, et de la traverser lentement, pendant plusieurs heures.