Terrasses, les gérants sur la sellette

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Être verbalisé pour un dépassement de terrasse sur la voie publique est une chose. Mais recevoir une pluie d’amendes suite à cette contravention en est une autre. D’autant que c’est généralement le gérant de l’établissement qui est appelé à régler les sommes et non le propriétaire.

terrasse
Image d'illustration. Crédit : DR.

Comme dans toutes les villes, des restaurateurs sont verbalisés. Soit pour occupation du domaine public sans autorisation préalable, soit pour des terrasses dépassant les dimensions prévues. Rien de plus normal, serait-on tenté d’écrire. Pour autant, Paris se distingue dans ce domaine. Deux écueils surgissent. Le premier concerne la procédure d’amende forfaitaire elle-même. Comme cela est prévu par les articles 529 et 530 du Code de procédure pénale et mise en œuvre par l’Officier du ministère public (OMP), ce dernier étant sous le contrôle du procureur de la République. Un schéma qui présente de graves dysfonctionnements, selon Philippe Meilhac, avocat au barreau de Paris spécialisé dans les CHR. Contrairement aux verbalisations pour manquements au code de la route, comme des excès de vitesse, aucun courrier n’est envoyé par recommandé, mais par lettre simple.

Cela concerne dans un premier temps l’avis de contravention initial, puis 45 jours plus tard l’avis d’amende forfaitaire majorée en cas d’absence de réponse du contrevenant. Parfois, le premier courrier ne parvient pas à temps au destinataire, voire n’arrive jamais. « Le fait de ne pas utiliser de courriers recommandés est de toute évidence une question budgétaire« , tient à souligner Philippe Meilhac. Il n’est donc pas rare que le restaurateur soit informé de l’engagement des poursuites qu’au moment où, n’ayant reçu ni l’avis de contravention initial ni l’amende forfaitaire majorée, son compte bancaire est saisi du montant fortement majoré de l’amende. Une situation kafkaïenne. « Concrètement, poursuit-il, l’exploitant est d’abord informé par sa banque d’une saisie bancaire, puis il reçoit, quelques jours plus tard, une notification de l’exécution cette fois par recommandé. Pour autant que cela soit extrêmement désagréable, il demeure possible d’agir dans les 30 jours à la réception de cette notification ». Autrement dit, pas de temps à perdre pour faire appel.

Abus de droit ?

Le second problème concerne le représentant légal d’un établissement. En effet, les poursuites sont engagées en son nom, une personne physique, et non pas au nom du propriétaire du fonds de commerce. Pour autant, l’agent verbalisateur, comme l’OMP, a la possibilité de vérifier au Registre du commerce et des sociétés l’identité de l’exploitant, qui est le plus souvent une société. À cette manière de procéder s’ajoutent des verbalisations à la chaîne pour une même contravention. Et Philippe Meilhac de renchérir : « Il n’est pas rare que plusieurs avis soient dressés à quelques minutes d’intervalle, voire dans la même minute, ce qui relève d’un abus de droit (voir encadré ci-contre) ». La situation a pris une telle ampleur qu’elle a conduit les organisations syndicales, informées et sollicitées par leurs adhérents, à demander à « l’État d’arrêter de prélever les comptes personnels des restaurateurs« , suite à un communiqué du 1er juillet dernier dans lequel elles expliquaient avoir saisi le Premier ministre.

A priori, l’information semble être remontée jusqu’à l’Officier du ministère public du tribunal de police de Paris. Ce dernier a pour mission de contrôler l’action des policiers municipaux. Cependant, les verbalisations continuent de pleuvoir. Et, Philippe Meilhac, de conclure : « Ces verbalisations en série permettent à l’État de prélever des sommes considérables. Ainsi, l’autorité municipale va pouvoir suspendre ou abroger les autorisations d’occupation du domaine public existantes. Un exploitant confronté à une verbalisation importante doit donc mettre en place une vraie stratégie pour éviter de crouler sous les amendes et de perdre son autorisation. » D’où l’intérêt d’être accompagné par un homme de loi.

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