Moutarde de Dijon, le plébiscite d’un condiment bourguignon
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Élaborée à partir de graines, la moutarde de Dijon est un accompagnement traditionnel de notre cuisine. Cet exhausteur de goût ancestral de Bourgogne investit les tables des bistrots hexagonaux et quelques restos internationaux.
« C’est un incontournable de l’épicerie fine française », affirme à raison Marc Désarménien, directeur général de la Moutarderie Fallot, la plus vieille entreprise produisant de la moutarde de Dijon et de la moutarde à l’ancienne. Au sein de ses deux boutiques-ateliers de Beaune et Dijon (Côte-d’Or), la maison Fallot (créée en 1840) perpétue le savoir-faire des artisans moutardiers. « Nous écrasons les graines de moutarde à la meule de pierre, qui sont mélangées avec du vinaigre, du saumure ou du vin blanc, explique le patron de la société bourguignonne, rachetée par son grand-père en 1928. Notre procédé permet d’avoir une qualité exceptionnelle de pâte : elle est épaisse et granuleuse. Nos proportions de matières nobles sont importantes. Notre “extrait sec” – ce qui mesure le pourcentage en graines – fait la différence avec les entrées de gamme. On est plus sur une moutarde premium. »
De concert avec l’association Moutarde de Bourgogne (regroupant producteur et fabricants de la région), sa société a participé à « relancer la culture des graines » de moutarde en Bourgogne. Celle-ci avait connu un déclin après la Seconde Guerre mondiale, au profit de graines importées d’outre-Atlantique (Canada, États-Unis). Cette initiative a été accompagnée par le dépôt d’un dossier de demande d’Indication géographique protégée (IGP) pour la Moutarde de Bourgogne, qui a abouti favorablement en 2009, tandis que la moutarde de Dijon ne possède aucune appellation reconnue (voir encadré). « On ne peut rien faire, c’est devenu un nom générique, ce n’est plus protégeable, regrette Marc Désarménien. Les Américains et les Asiatiques en fabriquent, on ne peut plus protéger un nom aussi répandu. » La Moutarde de Bourgogne IGP se doit, elle, d’être fabriquée à partir de graines originaires exclusivement de Bourgogne, et avec plus de 16 % de vin blanc aligoté de Bourgogne produit dans la région. Dans cette dynamique, un dossier a été déposé en 2023 pour reconnaître « une moutarde IGP à l’ancienne toujours produite en Bourgogne », confie le directeur général de la Moutarderie Fallot.
Une notoriété sans reconnaissance
Elle est certainement plus connue que la ville dont elle porte l’attribut. La moutarde de Dijon est l’un des condiments les plus célèbres de la cuisine tricolore. Pourtant, si elle fut réglementée par une ordonnance des échevins de Dijon le 10 août 1390, cette moutarde au « vinaigre fin » n’est aujourd’hui reconnue par aucune appellation officielle de qualité (AOP ou IGP). Le terme « moutarde de Dijon » n’est donc pas juridiquement protégé, précise le ministère de l’Agriculture : « Si la recette doit utiliser des graines de moutarde brune, du vinaigre, du sel et de l’acide citrique, rien n’empêche que cette fameuse moutarde soit fabriquée ailleurs qu’à Dijon. Quant aux ingrédients, leur provenance peut être très lointaine. » Mais dans les faits, « 90 % de la production consommée en France reste toutefois produite autour de Dijon », tout comme « 50 % de la consommation européenne ».