La période estivale est propice aux découvertes et les clients sont demandeurs. L’occasion d’enrichir sa carte de références inattendues et une invitation à la convivialité. Parmi les incontournables de la saison 2025, des vins orange, du frais où on ne l’attend pas, une recherche de proximité tant dans l’histoire du vin que dans son prix.

La consommation du vin en France ne se dément pas. Cette boisson devance toujours la bière, malgré un léger recul, selon le baromètre 2025 publié par l’agence Sowine. L’été marque généralement un regain dans la demande, comme le constate Georges Laureau, cofondateur du groupe de restauration Mifa group (Gegeor, Teillebou, Chonbou et Zincou) : « Entre juin et septembre, nos ventes augmentent de 1,5 point en volumes. » Sans surprise, le vin blanc devrait remporter la mise, particulièrement les Sancerre, Chablis, et bien sûr Chardonnay, dont le succès ne faiblit pas. La période estivale pourrait également offrir « un regain d’intérêt aux moelleux à sucrosité maîtrisée qui trouveraient leur place à l’apéritif, servis très frais », indique le distributeur France Boissons.
Côté rosé, les coteaux provençaux restent les stars incontestées. « Les clients les consomment désormais un peu comme un “blanc de soif” », estime Georges Laureau. Pour autant, la couleur s’affranchit de plus en plus de la saisonnalité à la faveur de quelques vignerons audacieux qui viennent dynamiser les cartes avec une autre lecture, notamment sur des rosés plus foncés ou élevés en fûts, et une élévation globale du niveau proposé sur ces vins. « Cette dynamique est notamment soutenue par une forte valorisation des côtes-de-provence, portée en partie par l’acquisition de domaines par de grandes maisons, qui contribuent à faire rayonner les crus classés de la région », souligne France Boissons. Le distributeur met également en parallèle l’évolution des usages dans la consommation du vin. « Ce sont les moments conviviaux, comme le happy hour ou l’apéritif, qui sont désormais privilégiés. La progression du blanc et du rosé, perçus comme plus adaptés à cette consommation en dehors des repas, découle naturellement de ces moments. »
Cibler les jeunes consommateurs
Le baromètre Sowine met en évidence une attente de nouveauté plus perceptible que par le passé. « Il ressort une envie plus manifeste pour les vins légers, autour de 8° à 10°, et de la curiosité pour les cocktails à base de vin, rapporte Sylvain Dadé, cofondateur de l’agence Sowine. C’est un potentiel intéressant pour les vins tranquilles, d’autant que certains sont pensés pour être de bons partenaires pour ce genre de créations. Le vin peut tout aussi bien se révéler en cocktails que des spiritueux, et cela participe à une forme de décontraction autour du vin. »
Décomplexer la consommation constitue un autre enjeu, d’autant que le profil des consommateurs rajeunit fortement. Sylvain Dadé confirme que les 18-25 ans induisent une dynamique intéressante pour le secteur (+ 6 points en un an). « Le vin peut répondre à leurs envies de naturalité, de typicité et de diversité organoleptique, c’est un signal encourageant pour les producteurs. Mais pour se connecter à ce public, il faut renouveler l’approche avec des produits qui répondent à leurs préoccupations, mais aussi avec un discours plus décontracté sur le vin de manière générale, loin du totem français. Il y a un enjeu à restaurer une image conviviale du vin, d’autant plus en été. »
De plus en plus de vignerons ont compris le message et travaillent désormais aussi des cuvées en rouge taillées pour l’été, et notamment, à servir rafraîchis (voir encadré). La consommation de vin rouge souffre d’une décroissance du fait de l’évolution des usages. Avec le réchauffement climatique et des vins qui titrent de plus en plus haut, les vins légers comme les Beaujolais (11° ou 12°) s’invitent fréquemment sur les cartes aux côtés des vins de Loire ou des Bourgogne, pour élargir la proposition vers des rouges plus sur le fruit. « Il commence à y avoir de jolies choses en pinot noir, mais aussi sur des Malbec, comme au Château Combel-la-Serre, avec des vins légers, sur le fruit un peu croquant et avec peu de tanins », note Georges Laureau.
Satisfaire la curiosité
Cette saison encore, on ne pourra pas passer à côté des vins effervescents, le prosecco en tête. La catégorie est en nette progression, portée notamment par l’appétence pour les cocktails à base de mousseux, « dans laquelle les vins français ont tout intérêt à trouver une place », estime Sylvain Dadé. France Boissons observe que le champagne ne profite pas de cette dynamique, « probablement en raison de son prix, dans un contexte économique incertain ». Cette dimension incite également les restaurateurs à adapter le format de leur offre. Le vin au verre se vend mieux qu’en bouteille. Mais cela découle peut-être aussi d’une curiosité à satisfaire. « L’été est la porte ouverte aux originalités, les gens sont plus ouverts, observe Georges Laureau. Durant cette période, on référence davantage de vins nature, voire même un peu déviants et qui sortent de l’ordinaire, comme le Domaine de Ganevat dans le Jura. » Cet été pourrait donc voir la consécration des vins orange, dont se saisissent des vignerons.
Il attise la curiosité des plus jeunes consommateurs et représente un terrain d’exploration pour les palais plus affûtés. « Ces vins ont l’avantage de ne pas être trop amers, et ils accompagnent bien les plats d’été comme le ceviche ou le tartare. Ils développent du gras tout en gardant de la fraîcheur », indique Georges Laureau, qui a eu un coup de cœur pour le travail de Fabien Jouve, du Mas del Périé en AOC Cahors, avec « des vins plus frais, plus vifs, moins rouges ». Les blouges, ces assemblages de raisins blancs et de raisins rouges, viennent aussi bousculer le nuancier. Le domaine Laballe, dans les Landes, a imaginé un mariage syrah-chenin pour Blouge, un vin aussi chatoyant à l’œil – avec sa robe cerise – qu’à la dégustation.
Le nez est aguicheur, avec une note de groseille légèrement poivrée en bouche, toujours sur les petits fruits rouges juteux avec une fin acidulée tout en légèreté (11,2°). De quoi alimenter le fond en plus de la forme. C’est un secteur en plein boom. Rien qu’en 2024, une trentaine d’acteurs sont apparus sur le marché français et les ventes ont bondi de 20 % en 2024, selon un sondage Circana. « Le vin sans alcool reste un segment de niche, bien que l’on observe une multiplication des offres sur le marché, souligne France Boissons. Ce développement s’inscrit dans une tendance plus large du “moins mais mieux” et le vin sans alcool a un véritable potentiel. » Toutefois, il ne convainc pas totalement et n’arrive pas encore à la hauteur des bières et cocktails no-low. Selon le baromètre Sowine, un quart des consommateurs qui s’y intéressent n’a pas trouvé le produit qui les satisfait. « La croissance de la catégorie dépendra d’un travail rigoureux sur la qualité des produits et d’un positionnement clair », estime-t-on chez France Boissons. Car l’attente est forte.
Et l’accélération devrait se poursuivre en 2025. Moderato, l’un des pionniers français, a bouclé une nouvelle levée de fonds en fin d’année 2024 pour finaliser son déploiement en GMS en 2025. À Bordeaux, la première cave à vins sans alcool a ouvert en novembre dernier. Des indicateurs qui induisent une premiumisation du marché. L’un des leaders mondiaux du vin sans alcool, le Français Maison Chavin en a fait sa marque de fabrique. Ses référentiels parlent de cépages, de terroirs et de vinification, pas seulement de l’absence d’alcool et de calories moindres. Mathilde Boulachin, la fondatrice de l’entreprise, explique vouloir « montrer que les vins désalcoolisés peuvent offrir de grandes émotions de dégustation avec un profil gastronomique, qui est la quintessence du savoir-faire constitué depuis la création de Chavin. La catégorie sans alcool se structure par le haut ». La période estivale pourrait se révéler décisive pour certaines catégories du vin en France, et accélérer la transition dans la consommation.