La filière champagne : entre résilience et vigilance 

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Le champagne est confronté à plusieurs maux. À savoir : baisse des ventes, inflation, incertitudes à la fois politique et géopolitique… Néanmoins, le Syndicat général des vignerons de la Champagne (SGV) ne se montre pas si inquiet mais demeure vigilant.

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Bonne nouvelle, ce qui n’est pas si fréquent : la récolte 2025. Les vendanges ont été très précoces, à l’image de ce qui s’est passé ces dernières années, changement climatique oblige. Elles ont débuté, par exemple, dès le 20 août dans l’Aube. « Nous sommes très satisfaits de ces vendanges », souligne avec un certain enthousiasme dans la voix Maxime Toubart, président du Syndicat général des vignerons de la Champagne (SGV). Et d’ajouter aussitôt : « Nous avons eu de la chance. Les conditions météorologiques étaient parfaites. Les raisins présentent une maturité remarquable et un état sanitaire idéal. Mais il est encore trop tôt pour savoir si nous allons avoir un millésime exceptionnel, même si des oenologues le pensent. »

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Maxime Toubart, président du Syndicat général des vignerons de la Champagne (SGV) ©DR

Le rendement commercialisable est fixé à 9 000 kg/ha, soit 1 000 kg/ha de moins par rapport à 2024. La raison : préserver la valeur dans un marché en baisse en volume. « Nous devons à la fois maîtriser la quantité et la qualité », poursuit-il. Globalement, la production viticole française est estimée à 37,4 millions d’hectolitres cette année, en hausse de 3% par rapport à 2024. Néanmoins, depuis cinq ans, le recul est de 13% en moyenne.

Un contexte économique incertain 

En 2024, les expéditions de champagne se sont élevées à 271,4 millions de bouteilles. En repli par rapport aux trois dernières années qui oscillaient plus ou moins autour des 300 millions.

« Ce qui n’est pas une surprise, constate Estelle Thibaut, directrice générale du syndicat. Nous sommes face à une déconsommation. Néanmoins, l’inflation reflue. D’une manière générale, nous absorbons mieux que d’autres le recul de la consommation. Mais, nous devons demeurer vigilants. Cette année, nous espérons une stabilisation des ventes et une reprise du marché français. » De janvier à fin août 2025, le marché est en léger repli (-1,8%), à 145 millions de bouteilles expédiées, par rapport à la même période en 2024.

Le marché français, c’est 44% des volumes, 36% de la valeur. Même si la France demeure à la fois historique et essentielle, l’international est aujourd’hui le principal débouché du champagne. Les exportations représentent ainsi 56% des volumes et 64% de la valeur.

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Le poids du champagne dans la filière vin
La filière vin regroupe 58 000 exploitations, et 366 appellations. 65% du vignoble français est sous AOC. De plus, elle emploie quelque 440 000 salariés, directs ou non, et elle représente le 3e poste excédentaire de la balance commerciale française. « Le champagne a une place à part, tient à préciser Maxime Toubart, président du SGV. Nous sommes un poids lourd de la filière vin. » Et d’énumérer quelques données : « Nous pesons 5,8 milliards d’euros de chiffre d’affaires au global. Elle représente environ 30 000 emplois directs, dont 15 000 salariés. Auxquels s’ajoutent près de 120 000 travailleurs saisonniers au moment des vendanges. Le vin n’est donc pas seulement un produit culturel : c’est un acteur économique stratégique pour la France et l’Europe.»

Diversifier les débouchés 

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« Aux Etats-Unis, les importateurs, les grossistes et les distributeurs sont inquiets », remarque Maxime Toubart, président du SGV. Une filière américaine qui pourrait perdre quelque 25 000 emplois. ©DR

Cinq pays totalisent 75% des volumes du champagne. A savoir : les Etats-Unis, qui représentent le premier débouché à l’export pour le champagne, la Grande-Bretagne, le Japon et l’Allemagne. « La clarification de la situation tarifaire outre-Atlantique avec l’instauration d’une taxe de 15 % apporte une forme de stabilité, mais les discussions restent ouvertes.»

Le syndicat souhaite en effet poursuivre le dialogue avec l’Administration américaine, via la Fédération des Exportateurs de Vins & Spiritueux de France (FEVS). L’objectif est d’obtenir une exemption définitive des droits de douane. Quoi qu’il en soit, le SGV a bien conscience de la nécessité de déconcentrer ses débouchés commerciaux. Il se montre satisfait de l’accord du Mercosur. Parallèlement, les acteurs du champagne espèrent voir aboutir les discussions avec l’Inde. Actuellement, les produits issus de l’Union européenne sont taxés à 150%. Ils espèrent un accord à 60%, comme c’est déjà le cas pour les articles en provenance du Royaume-Uni. Un combat de longue haleine.

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Au sujet des prix
Pas question de baisser les prix pour le SGV. Et Estelle Thibaut, directrice générale du SGV, d’avancer la raison suivante comme explication : « La Champagne a réalisé des efforts importants sur le plan qualitatif ces dernières années. Certes, avec l’inflation, nous avons dû perdre des clients qui se sont alors tournés vers d’autres produits. Cela est sûrement exact. Par ailleurs, nous avons subi une hausse des charges. Il n’y aura donc pas de baisse des tarifs. Il faut expliquer aux consommateurs que la qualité, la durabilité et autres de nos production, cela a un coût. Le prix demeure abordable et le champagne est une boisson festive offrant le meilleur qualité/prix. » Une bonne nouvelle pour les producteurs de crémant.

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