Ergonomie : optimiser son bar

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Le barman a plusieurs ennemis : les mouvements inutiles, les allers-retours, le besoin de se courber et les charges lourdes. Un bar aménagé en tenant compte de ces contraintes permet de fluidifier le service et de fidéliser les collaborateurs.

Comptoir vu du dessus
Comptoir vu du dessus

Un café, trois pressions, puis un quart de vin et deux softs, avec et sans glaçons ! » Derrière le bar, en plein service, il est préférable d’avoir tout à portée de main pour servir les commandes en un temps raisonnable. Et cela tient en grande partie à l’agencement du bar.

Où ranger les bouteilles, et les verres, à quel niveau placer le plan de travail et l’arrière-bar ? Ce dernier, autant que la cuisine, mérite une réflexion minutieuse qui profitera à l’efficacité du service et au confort de travail des collaborateurs. « Dans un restaurant, le bar est moins mis en évidence. À l’inverse, il est plus imposant dans une brasserie, notam ment parce que la longueur de plateau nécessaire est plus importante, souligne Pascal Gros, gérant de l’entreprise France comptoirs bar à Corbas, spécialisée dans sa fabrication et son aménagement.

Les normes d’installation sont les mêmes, c’est la réflexion autour du projet qui est différente. » C’est bien là l’enjeu majeur de l’aménagement : penser l’installation selon le fonctionnement de l’établissement, les habitudes de travail des barmen et les envies des clients.

ÉVITER LES KILOMÈTRES

Quelques règles, si elles n’ont rien d’obligatoire, permettent de poser de bonnes bases. Comme en cuisine, la hauteur de plan de travail idéale est de 90 cm ; elle permet de travailler sans solliciter les épaules et sans se baisser outre mesure. Dans le même but, il est préférable d’éviter les éviers trop profonds dans lesquels il faut plonger la tête la première pour attraper les petites cuillères. En plaçant le lave-verre en dessous, on évite des manutentions pénibles dans l’espace de travail et les risques de glissade sont limités. « Au bar, on piétine, souligne Christophe Ballue, contrôleur de sécurité des risques professionnels à la Cramif. Pour améliorer cette posture statique, on peut installer un sol souple, qui amortit les mouvements. » Le confort de travail tient également à la manière dont le personnel est chaussé. Un amorti est nécessaire pour préserver le dos. France comptoirs bar recommande par ailleurs à ses clients d’installer une estrade de 10 cm derrière le bar. « On règle ainsi plusieurs questions : cela permet de faire passer les réseaux de plomberie et la pente d’évacuation, la ligne python des pompes à bière, et cela place le serveur légère ment plus haut que le client ce qui facili te les échanges lors des commandes. Il est plus aisé en outre d’attraper la vaisselle sale posée sur le comptoir. » Pour éviter les pas superflus, les spécialistes recommandent également de positionner la pompe à bière, la machine à café et la caisse en triangle, « pas trop loin les unes des autres mais suffisamment pour permettre à plusieurs personnes de travailler en même temps sans se gêner », explique Pascal Gros.

Généralement, un espace de 80 cm entre le comptoir et l’arrière-bar est préconisé pour faciliter la circulation, surtout si l’espace est en cul-de-sac. Une mauvaise conception peut en effet coûter cher en allers-retours. « Nous venons d’opérer une rénovation dans un établissement dont le gérant parcourait chaque jour 22 km derrière son comptoir, ajoute-t-il. Le plateau avait été allongé de façon démesurée, sans repenser l’ensemble de l’aménagement. En réalité, un bon aménagement de bar, c’est déjà trouver le bon emplacement. Et ce n’est pas forcément celui où il se trouve avant la rénovation. »

ERGONOMIE VOUS DIT-ON…

Chez Combat, un bar à cocktail parisien (19e arrondissement), les propriétaires du lieu ont choisi de présenter un comptoir d’un seul niveau. « Nous voulions faire voir le travail des mains derrière le comptoir, explique David-Olivier Descombes, architecte et fondateur de l’agence DOD. Nous avons donc imaginé une grande table à 90 cm de hauteur, soit la hauteur de travail d’un bar traditionnel, et nous avons retiré la piste » Deux stations cocktail sont installées en miroir (un point d’eau central, des bacs à glaçons, rince-verres et paniers) sur une longue table tout en Inox pour une esthétique chirurgicale, mais surtout un gain de temps pour l’entretien. « C’est un investissement d’installer un comptoir en Inox. En effet, c’est ce qu’il y a de mieux pour l’entretien, mais on fait des matériaux en stratifié de très bonne qualité aujourd’hui, et je pense que c’est suffisant pour équiper le bar d’un établissement qui a peu de débit de boissons » , note Pascal Gros.

Les modules de rangement répondent à la même logique d’optimisation. « Nous recommandons d’opter pour des tiroirs réfrigérateurs sous le comptoir, indique Pascal Gros. On voit par-dessus et c’est plus aisé pour le charger. De plus, c’est assez modulable puisqu’il existe différentes hauteurs, selon qu’on stocke des petites ou des grandes bouteilles. » Les réfrigérateurs à porte sont néanmoins indispensables et positionnés en arrière-bar pour optimiser l’espace et offrir une ligne nette et esthétique. Le lave-verre et la machine à glaçons sont en revanche cachés sous le comptoir.

Les étagères hautes garnies de bouteilles apportent de l’élégance à l’arrière-bar, mais demandent plus d’efforts pour les barmen. « Il est recommandé d’éviter de solli citer les membres au-dessus du niveau des épaules. L’idéal est de pouvoir officier sans trop faire travailler les articulations » , conseille Christophe Ballue. Les éléments les plus utilisés, comme les glaçons, les bouteilles de vin pour le service au pichet, les softs en bouteille… doivent être accessibles sans contrainte physique. « Pour cela, il faut prendre le temps de comprendre comment travaillent les collaborateurs du bar et quelles sont les boissons les plus commandées par les clients. » L’Agence En place, spécialisée dans la conception de bars et fondée par deux anciens bartenders, a mis au point des équipements inspirés de ceux qu’ils utilisaient lorsqu’ils travaillaient à Londres. « Nous avons créé un standard en matière de speedrack de sorte que les bouteilles soient placées à hauteur de hanche, ce qui permet au barman de rester droit en permanence. Le pire ennemi, ce sont les mouvements inutiles » , explique Frédéric Berthelemy, cofondateur. L’espace de travail de la station cocktail est limité, et tout est à portée de main. « Le rangement doit vraiment être pensé selon les besoins de mise en place exigés par la carte de l’établissement. » Son agence a également mis au point un système de gouttière incrustée dans le comptoir, à 40 cm du barman, qui lui permet de préparer le cocktail à la vue du client, à une hauteur de 110 cm, plus confortable pour travailler. « En matière de prévention des risques, le gain obtenu grâce aux aménagements n’est pas mesurable immédiatement. C’est une amélioration sur le long terme » , rappelle Christophe Ballue. Pour lutter contre la précarité ergonomique des établissements et inciter les chefs d’entreprise à lancer une démarche, un dispositif d’aides financières a été mis en place par la Cramif en partenariat avec l’Umih et le GNI- Synhor cat (lire ci-dessous). « Les aides permettent d’accéder à du matériel plus cher et plus pointu, souligne Christophe Ballue. Mais il ne s’agit pas seulement d’acheter du matériel, c’est également faire évoluer la culture d’entreprise. »

Un bar en cuisine ?

Au restaurant Bleu grill français, à Paris, le bar a purement et simplement disparu de la salle. « Le patron voulait miser sur l’activité restauration sans offre bras serie », explique David-Olivier Descombes, architecte et fondateur de l’agence DOD. Le bar a ainsi trouvé sa place dans l’office, avec un comptoir de caisse et d’envoi pour unique relais en salle. « Nous a v ons simplement installé un point d ’eau, une pe tite machine à glace, une pe tite machine à café, la cais se e t une vitrine à desserts, explique l’architecte. Les bois sons sont préparées en cuisine, et nous a v ons étudié le réaménagement pour créer une boucle de circulation logique pour le ser vice permettant de récupérer les plats chauds puis les bois sons au pas sage. » Cette option d’aménagement permet de gagner de l’espace en salle, à condition d’être cohérente avec les habitudes du service.

Des aides financières pour les aménagements préventifs

Les professionnels peuvent prétendre à des aides jusqu’à 50 000 euros pour réaliser leurs projets de réaménagement. Le dispositif est valable jusqu’au 30 août 2019. Les aides permettent notamment de financer une étude ergonomique dans un établissement, des équipements techniques (monte-charge, monte-fûts, aspiration centralisée plus performante…), des outils de travail (lave-verre avec osmoseur pour prévenir les coupures, plonge à capot à condensation pour limiter l’essuyage…). La pose de sols antidérapants est également subventionnée. Les aides s’appliquent aux entreprises de moins de 200 salariés, dépendant du secteur CHR et à jour de leurs cotisations. Les dossiers de demande sont à retirer auprès de la Cramif ou de l’Umih.

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