Pourquoi les salariés des CHR sont moins payés qu’ailleurs en France ?

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Moins de cadres, des salaires plus bas que la moyenne à tous les échelons, l’hébergement-restauration stagne en bas de la moyenne des salaires tous secteurs confondus. Un boulet structurel que traînent les CHR depuis longtemps, et qui tend à s’aggraver depuis la crise de 2008, alors que les inégalités s’accroissent en France.

« Les salariés des CHR sont les moins bien payés de France ». Dans cet article, La Revue des Comptoirs vous a présenté les chiffres qui prouvent que l’hébergement-restauration est (bien) installé au bas du classement des secteurs qui paient le moins bien leurs salariés en moyenne. Néanmoins, il était nécessaire d’apporter nuances et éclaircissements à ce propos. En effet, un secteur contient toutes sortes de métiers, à des échelons de catégorie socio-professionnelle (CSP) plus ou moins hauts, et cette hétérogénéité peut interroger sur l’exactitude de cette affirmation. Avec le concours de Fabien Guggemos, chef de la division salaires et revenus d’activité à l’Insee, nous avons pu néanmoins vérifier que non seulement le constat est réel et avéré, mais également qu’il provient d’un mal structurel profond. 

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« Au niveau le plus agrégé de la nomenclature d’activités décomposant l’économie en une vingtaine de secteurs, l’hôtellerie-restauration est le secteur où le salaire moyen est le plus bas, affirme-t-il. Après, la moyenne cache de l’hétérogénéité. Il est certain que si on descend à des niveaux plus précis, on va trouver des activités de services qui rémunèrent encore moins qu’en restauration. »

À tous les échelons, les salariés des CHR sont moins payés en moyenne

Ces activité moins rémunératrices restent cependant à la marge. Cadres, professions intermédiaires, employés… En moyenne, les salaires sont plus bas dans les CHR que dans tout autre secteur en France. Dans le détail, ils sont plus bas de manière systémique, CSP par CSP. Un cadre en France gagne en moyenne un peu plus de 4.000 euros nets par mois. En hôtellerie ou en restauration, il en gagnera 3.200, soit 25 % de moins. Les cuisiniers et commis de cuisine gagnent 1.700 euros en moyenne, les employés de l’hotellerie (accueil, réception…), 1.600 euros, les employés polyvalents (femmes de chambre), 1.500 euros… « À niveau de poste équivalent, presque tous gagnent en réalité moins en moyenne par rapport aux autres secteurs », constate Fabien Guggemos, expert à l’Insee. 

Ajoutons à cela un potentiel effet de structure, où le nombre de cadres serait moins conséquent dans les CHR, et nous obtenons une masse de bas salaires, tirant la moyenne vers le bas et l’enchainant encore plus au fond du classement national. 

Concernant le poids des grands groupes et des chaînes dans le niveau de salaire moyen, l’Insee préfère ne pas se prononcer, par manque de données et d’analyses fines sur la question. Cela dit, d’après l’étude de Pôle emploi en date de 2017, quatre salariés sur cinq dans l’hôtellerie-restauration sont employés par des structures de moins de 50 salariés. Cela peut donner une idée de l’impact potentiellement limité des poids lourds dans le secteur. 

La hausse des inégalités depuis 2008 enfonce encore plus le secteur

Dans notre article présentant les chiffres de l’Insee, nous avions également mis en lumière la progression du salaire moyen dans les CHR depuis 10 ans. Le constat était alarmant : entre 2008 et 2018, l’augmentation était de 1,25 %, classant l’hébergement-restauration à la troisième place des secteurs ayant le moins progressé sur le salaire moyen.  

« Les inégalités salariales dans l’ensemble du secteur privé ont progressé depuis la crise de 2008, explique Fabien Guggemos. Entre 2009 et 2019, le premier décile de salaire (seuil de rémunération en-dessous duquel se situent les 10 % de salariés les moins payés) a en effet évolué moins favorablement que le dernier décile (par opposition, plancher de salaire des 10 % les mieux payés), alors que la tendance était inverse entre le milieu des années 1990 et 2008. La part de masse salariale qui représente les mieux rémunérés augmente aussi dans le même temps. C’est un mouvement d’ensemble qui se traduit plus fortement dans les secteurs où on retrouve beaucoup de bas salaires, donc l’hôtellerie-restauration. »

Pour compléter sur l’évolution du salaire moyen dans l’hébergement restauration ces dernières années, comparativement aux autres secteurs : en près de dix ans, le salaire moyen dans l’hébergement restauration a progressé de 0,8 % en euros constants (c’est-à-dire une fois ôtée l’inflation), contre + 3,6% dans l’ensemble du secteur privé.

À quel point ce constat influe-t-il l’attractivité du secteur ? 

Le constat établi, nous pouvons revenir à la problématique initiale : les difficultés de recrutement dans l’hôtellerie-restauration. À quel point le niveau moyen des salaires influe-t-il sur l’attractivité du secteur ? « C’est compliqué de l’objectiver, explique le spécialiste de l’Insee. On peut empiriquement imaginer qu’il y a un lien, mais dans les faits on peut difficilement le prouver. Après, cela ne choquera personne qu’on dise que la rémunération joue sur l’attractivité. La demande reste cependant dictée par un certain nombre de facteurs, parmi lesquels notamment aussi les horaires, les conditions de travail. »

Nous allons donc nous attacher à définir dans nos prochains articles ce qui pourrait pêcher du côté des conditions de travail dans le secteur CHR. Un tout autre chantier. 

Dans notre série sur les salaires dans les CHR, à lire aussi : 

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