Moules, huîtres, marc de café…l’heure du recyclage

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Par praticité, par manque de moyens ou par méconnaissance, les restaurateurs externalisent de plus en plus le recyclage de leurs biodéchets à des prestataires. Start-up et associations s’engagent dans un mode vertueux.

biodéchets restaurants
Kévin Villeur (Ascovada), lors d’une récolte des déchets organiques des restaurants du nord du Médoc pour les valoriser. Crédit : Julia Castaing

Le Verdon-sur-Mer, 6h30 du matin, une station balnéaire située à l’estuaire de la Gironde. Kévin Villeur, équipé de bottes en caoutchouc et d’un imperméable, démarre le véhicule de l’association pour commencer sa tournée. Malgré le mois de juin, celle-ci se fera sous la pluie. Employé de l’association Ascovada, créée en 2019, Kévin Villeur récolte les déchets organiques des restaurants du nord du Médoc pour les valoriser. Au départ du Verdon-sur-Mer, il fait une boucle d’environ 70 km à bord de sa camionnette électrique pour rendre visite à la quinzaine d’adhérents de l’association. Des restaurants mais aussi un Ehpad et un grand marché alimentaire.

Quand il récupère un seau plein, il en laisse un vide en échange. Et cela, tous les matins en haute saison et de manière hebdomadaire l’hiver. Le roulement permet au restaurateur de n’avoir rien à gérer. Depuis 2019, Ascovada œuvre dans la récupération des biodéchets des restaurants pour le compostage. « C’est un vrai avantage pour les restaurateurs de ne pas traiter eux-mêmes leurs déchets », atteste Pascal Saurais, le président de l’association.

Double avantage

Simon Iung, gérant du restaurant L’Immortelle, dans la commune de Vendays-Montalivet, est adhérent d’Ascovada depuis l’ouverture de son établissement en 2022. « Ce procédé n’offre que des avantages, l’association récupère tout, les restes mais aussi les coquilles de moules et d’huîtres et le marc de café », énumère-t-il. Et d’ajouter: « Le roulement quotidien permet qu’il n’y ait aucune odeur et que nos poubelles soient beaucoup moins lourdes. » En effet, la Smicotom, société de traitement des déchets du Haut Médoc, ne passe pas tous les jours. « L’été avec la chaleur, les déchets pourrissent. Ils deviennent liquides et cela sent vraiment mauvais », déplore Simon Iung.

Pour lui, cela présente donc un double avantage, de praticité et d’écologie. « Ce n’est pas compliqué à mettre en place, ni un gros investissement. Du reste, nous ne pouvons plus s’en passer. » De fait, ils n’ont eu aucun mal à faire adopter les bons gestes au reste de l’équipe, sensibilisée à l’impact environnemental. Précurseurs, les employés de L’Immortelle n’ont pas été perturbés par la loi Antigaspillage pour une économie circulaire (Agec) qui oblige désormais les restaurateurs à trier leurs biodéchets pour les valoriser.

« L’association récupère tout, les restes mais aussi les coquilles de moules et d’huîtres et le marc de café. »
Simon Iung, au restaurant L’Immortelle

Après avoir récolté les seaux auprès de ses différents adhérents, Kévin Villeur se dirige vers l’un des plus gros marchés du département, celui Vendays-Montalivet. Il récupère une dizaine de bidons de coquilles d’huîtres de la veille qu’il charge dans sa remorque pour se diriger en direction vers la commune.

Sur place, il dépose une partie des déchets dans La ferme du bourg, une exploitation maraîchère en agriculture biologique, dirigée par Stefan Matthys. Ces déchets serviront de nourriture pour les animaux ou bien comme compost pour les. cultures. « Nous n’avons rien inventé. Nous ne faisons que reprendre les méthodes des anciens, souligne-t-il. Nos partenaires sont de vrais cuisiniers qui aiment travailler les légumes et savent s’adapter à la production disponible, car on n’a pas toujours tout. Tout dépend de la météo, des prédateurs et des récoltes. »

Un cercle vertueux

C’est justement à la ferme du bourg que L’Immortelle s’approvisionne en légumes. Une sorte de cercle vertueux, où les restes des légumes d’hier nourrissent ceux d’aujourd’hui, et qui nourriront ceux de demain. C’est son aversion du plastique qui a poussé Pascal Saurais à créer cette association. Gérant d’un camping au Verdon, il y a d’abord installé un bac de compostage en 2017 avant de se former au compostage. « Quand j’allais au restaurant, je me demandais toujours où allaient les assiettes, remarque-t-il. Au début, c’était presque du bénévolat, puis on s’est professionnalisés, j’ai employé une personne à l’année car j’avais créé un service dont les restaurateurs ne pouvaient plus se passer, même en augmentant le prix. »

« Quand j’allais au restaurant, je me demandais toujours où allaient les assiettes. »
Pascal Saurais, fondateur d’Ascovada

Désormais maître composteur, Pascal Saurais détaille les étapes d’une science à ne pas confondre avec un dépotoir. Il faut remuer régulièrement les biodéchets des restaurants dans un coffre en bois pour les oxygéner afin d’éviter la moisissure, recouvrir d’un structurant comme le broyat de bois qui va apporter le carbone. « Un bon compost est un mélange d’azote et de carbone qui va favoriser la décomposition par les petits animaux notamment les vers esienia », explique-t-il. Une fois le bac plein, il faut tout retourner pour le laisser ensuite en maturation entre six et neuf mois.

Le compost connaît alors une montée en température, des insectes se relaieront pour une désagrégation de la nourriture en compost. Pascal Saurais n’a pas prévu de le commercialiser. « Je voulais juste contribuer à retirer la nourriture des ordures ménagères », souligne-t-il. Dans l’agglomération bordelaise, l’entreprise BicyCompost collecte également les déchets organiques depuis 2021. Des restaurateurs, des collectivités, des entreprises mais aussi des particuliers avec des bornes d’apport volontaire dans les quartiers. Comme Ascovada, la start-up fournit des seaux à ses clients allant de 10 à 120 litres, qui sont ensuite envoyés à Péna environnement à Saint-Jean-d’Illac, à proximité de Bordeaux. « Nous allons récolter la matière à la source mais ce n’est pas notre métier de la transformer, précise Lily Ponthieux, responsable marketing. Le compostage est un métier à part entière. »

iBicyCompost
BicyCompost compte 280 clients sur Bordeaux métropole et se développe sur le Libournais et le bassin d’Arcachon. Crédit : BicyCompost

Entre 16,50 et 25 € le passage, BicyCompost compte 280 clients sur Bordeaux métropole et se développe sur le Libournais et le bassin d’Arcachon. Trois collecteurs se chargent des tournées, une à deux fois par semaine selon la volonté des clients, à vélo ou en véhicule électrique. Pour être encore plus rentable et couvrir une large zone, l’entreprise a développé un algorithme pour optimiser les collectes et faire le moins de kilomètres possible.

Créée en 2021 par Pacôme Becerro et Terence Burcelin, BicyCompost a été récompensée par le programme NA20 de la French Tech Bordeaux. Celui-ci vise à mettre en lumière des start-up qui concilient performance économique et impact positif. En Nouvelle-Aquitaine mais aussi partout en France, des jeunes entreprises fleurissent pour proposer des solutions de collecte et de tri comme Moulinot, BinHappy ou encore les Alchimistes qui se développent sur tout le territoire. Ils oeuvrent pour une meilleure gestion des biodéchets des restaurateurs.

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