La reprise de fonds de commerce à la barre, mode d’emploi

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Avec les faillites en chaîne annoncées des exploitants les plus touchés par la crise, certains entrepreneurs vont s’intéresser aux opportunités de reprises de fonds de commerce à la barre du tribunal, que ce soit en redressement ou en liquidation judiciaire. La procédure est en effet différente selon les cas. Baptiste Robelin, avocat associé chez DJS Avocats, se penche ici spécifiquement au cadre applicable au redressement judiciaire.

Barre, justice, tribunal
Barre, justice, tribunal. Image d'illustration.

Acheter un restaurant pour 6 % de son chiffre d’affaires ? C’est tout à fait possible. C’est même le prix moyen des reprises à la barre des entreprises de plus de 20 salariés. Mais avant tout, comment savoir qu’une entreprise est en redressement judiciaire ? La loi prévoit que toute cession judiciaire d’actifs doit faire l’objet d’une publicité préalable.

Il existe ainsi des sites spécialisés (CNAJMJ, ASPAJ, etc.). Il est également possible de se renseigner auprès de votre avocat s’il est spécialisé dans ce domaine. L’ensemble des éléments nécessaires pour établir votre offre (le bail, l’état du passif, le nombre de salariés, etc.) vous sera ensuite communiqué, à titre confidentiel, par l’administrateur judiciaire en charge de la cession.

À quel moment déposer une offre de reprise ?

Théoriquement, l’offre d’un repreneur peut intervenir à tout moment, dès lors que l’entreprise tombe en redressement judiciaire. Toutefois, en pratique, la cession n’interviendra qu’à titre subsidiaire, s’il apparaît qu’aucun plan de redressement n’est possible. Il vaut mieux donc attendre que l’administrateur judiciaire publie la date de dépôt des offres. Il conviendra alors de respecter strictement ce délai, sous peine d’irrecevabilité de votre offre.

Que doit contenir l’offre de reprise ?

L’offre doit comporter la désignation précise des biens, des droits et des contrats inclus, des prévisions d’activité, le prix offert, les modalités de règlement, et les garanties souscrites en vue d’assurer son exécution. C’est un document relativement technique et il est vivement recommandé de se faire accompagner par un spécialiste afin d’éviter les pièges.

Les différents candidats peuvent-ils avoir connaissance des offres des autres repreneurs ?

Oui. C’est d’ailleurs la différence majeure avec le régime des reprises en liquidation judiciaire où les offres sont en principe présentées sous pli cacheté, sans phase méliorative. En cas de redressement judiciaire, les offres reçues par l’administrateur judiciaire sont déposées auprès du greffe du tribunal et peuvent être consultées par l’ensemble des candidats. Il est ainsi plus facile de se positionner, en ayant connaissance des offres de ses concurrents. Le candidat repreneur est autorisé à améliorer son offre de reprise jusqu’à deux jours avant l’audience finale. En revanche, une fois déposée, l’offre d’un candidat ne peut plus être retirée ni diminuée.

Qui peut faire une offre de reprise ?

L’auteur de l’offre ne peut être ni le dirigeant personne physique de l’entreprise en redressement judiciaire, ni les dirigeants de la personne morale, ni leurs parents, grands-parents, enfants, petits-enfants, frères et sœurs et leurs alliés, qu’ils agissent directement ou par personne interposée, sous peine d’encourir des peines d’emprisonnement et d’amende, la nullité de l’acquisition, et d’avoir à payer des dommages-intérêts. Le tribunal opère un contrôle et exige en conséquence une attestation selon laquelle le candidat ne tombe pas sous le coup de ces incapacités.

« Le candidat à la reprise doit apporter au tribunal toutes les garanties nécessaires justifiant qu’il est en possession des fonds et pourra régler le prix de cession immédiatement. » Baptiste Robelin, avocat associe chez djs avocats

Baptiste Robelin, avocat associe chez djs avocats

Qui décide de l’offre retenue, et selon quels critères ?

C’est le tribunal qui décide de l’offre retenue, et non l’administrateur judiciaire. C’est en effet un jugement qui arrête le plan de cession. Contrairement aux idées reçues, l’administrateur ne fait donc pas ce qu’il veut.

Comment paye-t-on le prix de cession ?

Le candidat à la reprise n’a pas la possibilité d’assortir son offre de conditions suspensives liées à l’obtention d’un crédit, comme c’est le cas pour les ventes classiques. Il doit donc apporter au tribunal toutes les garanties nécessaires justifiant qu’il est en possession des fonds et pourra régler le prix de cession immédiatement s’il est désigné repreneur.

Reprend-on les contrats en cours et les salariés de l’entreprise ?

Sur ce point, le repreneur a le choix. Il doit indiquer au tribunal la liste des contrats qu’il entend reprendre, et des postes de travail qu’il souhaite préserver. Notons toutefois que la reprise des contrats de travail est souvent un critère déterminant pour le tribunal, qui aura tendance à privilégier l’offre qui préserve le plus d’emplois possible.

Reprend-on le passif de la société en redressement judiciaire ?

En principe non, à une exception près : l’article L. 642-12 alinéa 4 du Code de commerce impose au repreneur de reprendre les crédits en cours ayant servi à financer l’acquisition (ou l’amélioration du fonds de commerce) s’ils sont grevés d’un nantissement. Il est donc essentiel de connaître le montant des échéances restant à courir sur ces crédits, s’il en existe. Le repreneur devra impérativement en tenir compte lorsqu’il fixe le prix de son offre.

Comment se déroule la cession en pratique après le jugement du tribunal ?

Une fois le candidat repreneur désigné, les opérations de cession se déroulent d’une manière habituelle, comparable aux ventes classiques.

Les actes de cession sont passés par le repreneur auprès de l’administrateur judiciaire, et le plus souvent rédigés par l’avocat du repreneur.

À noter : une fois le jugement rendu, le repreneur n’est pas autorisé à se désister ni à contester l’opération en invoquant l’existence de vices cachés. Il est donc essentiel de bien étudier les éléments du dossier avant de se lancer dans une opération. 

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