Ancien footballeur reconverti il y a une quinzaine d’années dans les brasseries parisiennes, Joseph Maronne contrôle aujourd’hui quatre adresses dans la capitale. Pour assurer cette croissance à marche forcée, il met en place une redéfinition de l’offre, et surtout une approche plus souple des ressources humaines.

Mi-mars, Joseph Maronne ouvrait FanFan, dans le nouveau quartier des Batignolles (Paris 17e). L’ancien latéral gauche de l’Aurillac football club affole les chronomètres. Six ans après avoir créé sa première brasserie parisienne, le Poni (Paris 9e), il installe sa quatrième adresse, à quelques pas de Pont Cardinet. Âgé de 41 ans, il incarne une nouvelle génération d’Auvergnats de Paris, en phase avec la période post-Covid. Une semaine après son ouverture, FanFan servait déjà une moyenne de 150 couverts par jour. Joseph Maronne et son associé, Sylvain Salles, ont trouvé d’emblée la formule gagnante. En rachetant le Café Dad’s, qui traversait des difficultés, ils ont souhaité écrire l’avenir sur une page blanche.
L’architecte d’intérieur, Magali Bois, a entièrement repensé le décor avec des matériaux plus chaleureux : de confortables banquettes mettent en valeur les volumes offerts par cet immeuble de construction récente. Sylvain Salles, associé historique du restaurateur et cuisinier de métier (passé par les cuisines de palaces tels que le Ritz et le Bristol), a repensé la carte en jouant sur des classiques revisités, comme la bavette risotto. Des recettes volontairement régressives aux portions généreuses. Le Castaniu family, une poutine à l’auvergnate, plat signature du groupe, est proposé dans les quatre brasseries des entrepreneurs. Ce parti pris convient à une clientèle de bourgeois bohèmes, qui afflue dans les restaurants du duo. Joseph Maronne n’a que faire des recommandations des comptables et des diététiciens, qui le pressent d’avoir la main plus légère sur les portions.
Chez FanFan, le ticket moyen ne dépasse pas 25 € au déjeuner et 33 € au dîner. Dès son arrivée dans la capitale, il a compris que le rapport qualité-prix se positionnait au centre des enjeux concurrentiels. Fils d’agriculteurs de Reilhac (Cantal), il s’est au préalable révélé dans l’équipe de football d’Aurillac, comme joueur et comme éducateur. À l’âge de 27 ans, il décide de changer de vie et profite du tremplin des Auvergnats de Paris pour s’installer dans la capitale, d’abord comme serveur au café Le Marché (Paris 15e), puis avec la signature d’un contrat de joueur au Red Star, alors en National (3e division). « C’est à cette époque que je me suis détourné du football, dont je ne supportais plus l’ambiance, avoue-t-il. Il faut aussi dire que mon expérience en brasserie m’avait beaucoup plu. J’ai senti qu’il y avait un coup à jouer dans ce secteur. »
Il fait même partager son enthousiasme pour le zinc à sa sœur, Marie, qui l’a rejoint à Paris pour effectuer un parcours édifiant. La jeune Cantalienne possède aujourd’hui deux brasseries dans la capitale, L’Abreuvoir (Paris 15e) et Boria (Paris 13e), qu’elle administre depuis Naucelles (Cantal) où elle exploite une vaste brasserie, Marguerite, tout en veillant sur une quatrième adresse, la Coquille, à Arcachon (Gironde). En débutant dans le métier de restaurateur, Joseph Maronne a commencé par la gérance libre des Anges, durant un an avec des associés.
Cette première expérience a constitué un round d’observation, mais c’est en obtenant la gérance libre du Café des deux Moulins (Paris 18e), rendu célèbre par le filmAmélie Poulain, que le jeune homme se fait une réputation en surfant sur le potentiel touristique de l’établissement. Toujours avec Lionel Salle, il enchaîne ensuite avec les gérances du Rouge Bis (Paris 9e) et du Café Augustin (Paris 17e). C’est au Pony Polo, un restaurant argentin en difficulté, qu’il va créer sa première brasserie, le Poni. Il enchaîne en rachetant le pub voisin, où il installe Josy (Paris 9e), un sport bar à la française. En 2022, il s’offre le luxe de passer après le talentueux Pascal Ranger, en lui rachetant les Petites Écuries (Paris 10e) qu’il transforme en Cavale.
Pour assurer une croissance rapide, Joseph Maronne jette toujours son dévolu sur des affaires sous-exploitées, où il décèle un fort potentiel. Il parvient à les remettre sur les rails en analysant la situation au cas par cas. Ce dernier maîtrise parfaitement les nouveaux enjeux commerciaux, à commencer par les réseaux sociaux. Cet ancien sportif a conscience que les ressources humaines constituent le nerf de la guerre. Pour recruter, ce chef d’entreprise qui emploie désormais 110 personnes mise largement sur la cooptation et le dialogue social. « Il est faux de dire que les jeunes ne veulent plus travailler, assure-t-il. Mais aujourd’hui, il faut faire preuve d’une grande souplesse dans les plannings. Il faut aussi prendre le temps d’expliquer le pourquoi d’un ordre. » En retour, Joseph Maronne prête une large oreille aux retours de son personnel sur les réactions des clients, ce qui lui permet de s’adapter en permanence. Cette forme de management contraint d’ailleurs le groupe familial à une croissance continue, comme l’explique le natif d’Aurillac : « Nos meilleurs éléments méritent de nouveaux projets, où ils seront associés ou occuperont des responsabilités plus larges. »