Un restaurant proposant une activité d’épicerie ne date pas d’hier. Mais le concept de restaurant hybride, mêlant activité de restauration à une autre, plus ou moins éloignée, a connu un vif regain d’intérêt à la faveur de la pandémie de Covid-19. Un concept qui nécessite d’être bien pensé pour réussir.

L’expérience apparaît depuis quelques années comme l’élément le plus important dans un restaurant, ce que recherchent avant tout les consommateurs. En effet, 77% des consommateurs aimeraient retourner dans un lieu où ils ont vécu une expérience « waouh », selon l’étude de Food Service Vision datant de septembre 2022. Devant ce constat, de nombreux professionnels se sont lancés dans le pari de mêler à la restauration un univers différent, parfois éloigné du premier (coiffure, vente de vêtements, décoration), pour aboutir à un restaurant hybride. « L’hybridation répond à cette attente, avec une expérience su samment atypique », confirme François Blouin, président de Food Service Vision, entreprise spécialisée dans l’expertise de la consommation hors domicile. Le concept possède en outre un atout de poids.
« Il permet de faire passer plus de temps sur place au client », ajoute-t-il, et c’est alors qu’une « bataille du temps passé » se joue. Le phénomène d’hybridation se révèle loin d’être nouveau, comme l’indique Bernard Boutboul, président de Gira : « Il existe depuis une quinzaine d’années, avec des fromageries restaurants, des fleuristes restaurants ou encore des épiceries restaurants. » La genèse est même à chercher encore plus loin dans le temps. « Il s’agit d’un phénomène très ancien dont l’exemple typique est la trattoria italienne avec la vente de produits d’épicerie fine, qui existe depuis des dizaines d’années », explique François Blouin. Par ailleurs, la tendance des restaurants hybrides a pu connaître un coup d’accélérateur lors de la pandémie de Covid-19. Et pour cause, « elle a forcé les professionnels à tester d’autres modèles. D’un côté, il y avait les métiers non essentiels tels que les restaurants qui ont dû développer la vente à emporter, les bocaux ou encore les marchés de producteurs locaux. Et de l’autre, les professions essentielles, avec les épiceries ou les boucheries qui, elles, ont eu l’occasion de proposer une offre de restauration », expose le président de Food Service Vision. Ce dernier distingue d’ailleurs trois types de restaurants hybrides: tout d’abord, les restaurateurs qui font évoluer leur activité en se développant sur l’épicerie; ensuite, « les métiers de bouche (cavistes, épiciers, fromagers) qui ont étendu leur offre de consommation sur place »; enfin, ceux hors des métiers de bouche (décoration, habillement, fleuriste, coiffeur, etc.).
Néanmoins, « je constate un seul problème : l’un des deux univers prend toujours le pas sur l’autre », assure Bernard Boutboul. Il cite en exemple le caviste Nicolas qui a ouvert des bars à vin. « La quasi-totalité de son chiffre d’affaires est réalisée par la cave; les gens ne rentrent pas manger chez un caviste », poursuit-il, avant de tenter de donner une explication : « Les consommateurs ne comprennent pas. Il vaut mieux avoir deux commerces côte à côte. » Enfin, la part des restaurants hybrides dans l’offre de restauration peut être estimée entre 5 et 10%, selon François Blouin, qui conclut : « La cohérence fera la réussite du concept. »