Brasserie La Mont-Dore : la bière acide des montagnes
- Temps de lecture : 5 min
Le phénomène craft beer et le développement des microbrasseries ne cessent de gagner du terrain. Au cœur du massif du Sancy, la Brasserie La Mont-Dore surfe sur la vague de la bière artisanale en proposant des créations originales. Avec une signature particulière : l’acidité.
L’acidité n’est pas un vilain défaut et encore moins un gros mot, quand on évoque la gastronomie. En pleine tendance des IPA et des bières qui jouent la carte de l’amertume, une brasserie auvergnate mise sur un tout autre pilier gustatif. Au Mont-Dore, en plein cœur du massif du Sancy, dans le Puy-de-Dôme, la bière ose afficher sa personnalité, construite sur l’acidité. Un pari de deux amoureux tombés sous le charme des bières acides durant un voyage en Belgique. Ces deux anciens restaurateurs qui ont pris la décision de se lancer dans le monde de la bière par pure passion.
Luc et Marie Ceyssat ont pourtant démarré leur carrière en tant que bouchers-charcutiers. Toujours au Mont-Dore. Le couple a finalement décidé d’embrasser une nouvelle carrière. « Quand on nous a proposé de vendre notre affaire, on a sauté sur l’occasion. On voulait changer », raconte Marie Ceyssat. À quelques rues, La Taverne, bar fermé depuis douze ans, est à reprendre au tribunal. « On s’est dit qu’il n’y avait plus rien pour les jeunes ici, au Mont-Dore, et que cela aurait été bien de relancer ce lieu », se souvient-elle. Une nouvelle vie de restaurateurs s’offre à eux et, très vite, les deux Auvergnats orientent l’esprit vers le pub à l’anglaise, où la bière occupe déjà une place de choix.
La brasserie propose une blonde triple.
Sur le tas, ils apprennent et se souviennent encore de l’ouverture. « La veille, on avait invité le club de hockey sur glace pour qu’on se fasse la main sur les tireuses. Le lendemain, quand on a ouvert, La Taverne affichait complet. Ça a tout de suite fonctionné », se rappellent-ils. De 2010 à 2017, l’affaire marche et, petit à petit, le brassage de la bière s’est invité dans leur quotidien. D’abord de manière amateur, puis au sein du pub, sur une ou deux bières maison, finalement, la passion pour la bière est si forte que le couple décide de se lancer à 100 % dans l’aventure et de vendre La Taverne. La Brasserie du Mont-Dore était née.
Des levures sauvages
Installée dans le centre-ville de la cité thermale, la microbrasserie propose deux styles de bière : « Les normales et les acides, que l’on appelle sour . Mais à terme, je voudrais fabriquer seulement des bières acides, d’ici un an et demi, j’espère » , confie Luc Ceyssat. Pourquoi ce pari de l’acidité ? « J’ai eu un coup de foudre pour ces bières en Belgique. J’ai adoré leurs bières acides, fruitées et non sucrées ». Mais la magie des sours du Mont-Dore réside aussi et surtout dans ses levures, des levures sauvages qui sont naturellement présentes dans la brasserie. « Nous nous sommes installés dans un ancien magasin de fromages et de saucissons : on pense que les levures sont restées. Et je n’ai pas besoin d’ajouter de levures. Tout est déjà présent ici, naturellement », explique le brasseur. Le malt français, issu d’Issoudun, arrive en grains, puis est concassé sur place. Et après avoir cuit ce malt dans l’eau, les cuves sont laissées en fermentation à l’air libre pendant trente-six heures, « alors que normalement, on refroidit très vite, en trente minutes, et on enferme le tout avec les levures. Nous, on fait exactement le contraire », pour laisser les levures naturelles s’inviter dans le mélange malt-eau. D’incroyables levures indigènes, qui travaillent à plein régime. Une fois dans les cuves, les levures viennent manger le sucre ; « on est sur ce que l’on appelle de la fermentation spontanée. Ici, on fait de la bière sans prise électrique », s’amuse Luc Ceyssat.
Les brasseurs auvergnats travaillent avec du malt français.
Grâce à ces levures sauvages, aucune cuve ne ressemble à une autre et c’est ce qui fait toute la richesse de la microbrasserie. Ainsi, dans la brasserie, on observe les cuves qui laissent travailler doucement les levures. « Certaines sont là depuis le mois de janvier et sont encore en train de travailler », note Luc Ceyssat. Ça déborde, ça bulle, ça fermente, « sans rien ajouter. On est vraiment sur des bières vivantes ». La mise en bouteilles a lieu aussi sur place et, là encore, les bières sont loin d’avoir fini leur « affinage » et restent en cave entre 22 et 25 °C pour laisser le temps aux bulles de se former. Certaines peuvent attendre un an. Luc et Marie Ceyssat laissent le temps à leurs bières d’exprimer toute leur personnalité et leur effervescence. « Le processus est long, car on n’ajoute pas de gaz, tout est naturel », expliquent-ils.
Une brune à la griotte, une sour mangue-passion
Et pour sublimer l’acidité de leurs sours , la Brasserie du Mont-Dore mise aussi sur le fruit, en ajoutant de la myrtille, de la framboise ou un mélange de mangue et de fruits de la passion. Et là encore, la brasserie se distingue par son authenticité : tous les fruits sont mixés et cuits sur place. Et pour apporter plus de profondeur aux saveurs et donner une longueur en bouche incomparable, toutes les infusions sont faites à froid. Une infusion à froid également appliquée pour les houblons surannés utilisés par Luc Ceyssat.
La Brasserie La Mont-Dore fabrique elle-même ses purées de fruits, qu’elle intègre dans ses bières à froid.
Depuis décembre 2018, la brasserie possède sa propre boutique, à deux pas des Thermes du Mont-Dore. Et la personnalité ancrée sur l’acidité de la brasserie du Sancy a d’ores et déjà charmé les restaurateurs et cavistes de la région et de Paris. « Toutes nos sours classiques partent sur la table du Pré », le restaurant deux étoiles de Xavier Beaudiment, situé à Durtol, sur les hauteurs de Clermont-Ferrand. Les amateurs de craft beers s’intéressent de près à ces bières acides qui naissent au cœur des volcans auvergnats. « Je cherche l’arôme avant toute chose et j’aime aller chercher des choses que les gens n’ont pas l’habitude de boire », assure Luc Ceyssat ; c’est par cette volonté de se démarquer que la Mont-Dore fait son chemin jusque sur les plus belles tables. « Nous voulons travailler en priorité avec les restaurateurs, notamment sur Paris », confie le brasseur. Sour mangue-passion, miel de châtaignier-épices, ou même brune à la griotte, qui puise son originalité dans cette acidité assumée, la signature des bières du Mont-Dore se lit dans la bouteille et non sur l’étiquette.
Les bières acides se déclinent en version classique, à la myrtille, à la framboise, à la griotte et à la mangue-passion.
Brasserie La Mont-Dore
1, rue Jean-Moulin
63340 Le Mont-Dore
06 75 92 20 13