L’Artisou de Margeride : le fromager qui cherchait la petite bête

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Il ne laisse pas indifférent.

Damien Brun
Damien Brun, salarié et associé à l’Artisou de Margeride.

C’est la présence de ces petites bêtes microscopiques qui vient donner tout le caractère au fromage et qui fait tout son charme. L’Artisou de Margeride fait partie des curiosités culinaires à ne pas négliger dans le Cantal. En altitude, perchée dans les monts de la Margeride, se trouve la ferme du GAEC du Cèdre bleu, à Rageade. Là, les vaches montbéliardes de la famille Bonnafoux paissent tranquillement durant l’été l’herbe riche des montagnes et des vieux volcans pour donner quelques bons fromages dignes de la région auvergnate.

Parmi les bleus d’Auvergne et ceux de Loubières, on trouve un drôle de fromage qui prend forme dans l’atelier de transformation avant de partir à Vieillespesse pour être affiné. Véritable tradition en HauteLoire, mais aussi en Margeride, le fromage aux artisons continue son petit bonhomme de chemin dans les mains de passionnés du terroir.

Une aventure qui a démarré en 1992, lorsque la coopérative de Lastic, à deux pas du col de la Fageole, à la gare de Vieillespesse, ferme ses portes. Elle collectait le lait de plusieurs producteurs du secteur, qui se trouvent alors sans débouchés. C’est ainsi que certains agriculteurs ont saisi l’opportunité de se structurer en syndicat et de travailler en collaboration avec la Fromagerie Dischamp. Parmi eux se trouve la trentaine de producteurs qui va œuvrer dans les années 2000 pour faire revivre le fromage aux artisons, tombé en désuétude. Ils sont alors aidés par l’école fromagère, l’ENILV, à Aurillac, pour développer une pâte molle et apprendre à maîtriser ces fameux acariens, que l’on appelle les artisons. « Au départ, on emportait le lait là-bas pour fabriquer les fromages et les affiner. Mais la commercialisation était maîtrisée par les producteurs », raconte Damien Brun, salarié et associé à l’Artisou de Margeride.

Fabriqués par la famille Bonnafoux

Quand la commune de Vieillespesse fait savoir que les locaux de l’ancienne laiterie située à la gare étaient à reprendre, les producteurs saisissent l’opportunité pour gagner en confort de fabrication et affiner sur le territoire de la Margeride. Au départ de l’aventure, le lait est transformé au Malzieu.

« Les fromages arrivaient à blanc, ici »,

précise Damien Brun. Quelque temps plus tard, le site lozérien du Malzieu n’est plus en mesure d’assurer ce relais. Les producteurs doivent à nouveau trouver une solution pour fabriquer leurs fromages. Ainsi, de porteuse de projet et associée, la famille Bonnafoux va franchir un cap en devenant cette fois-ci productrice et transformatrice de fromages. Un atelier est installé à la ferme en 2012 pour pouvoir faire naître ces fameuses petites tomes et faire perdurer l’art des Artisous.

Aujourd’hui, l’Artisou de Margeride compte 19 associés, toujours impliqués et bienveillants envers cette tradition culinaire auvergnate. La formule est simple : des fromages fermiers au lait cru fabriqués au Cèdre bleu, à Rageade, puis vendus à l’Artisou de Margeride, à Vieillespesse, pour devenir tome aux artisons. Mais pas seulement.

« Depuis deux ans, nous proposons aussi l’Arcueil, qui n’est affiné qu’un mois et sans artisons, pour pouvoir répondre à une demande qui ne souhaitait pas de petites bêtes dans le fromage », sourit Damien Brun. On trouve aussi la petite meule de Margeride, affinée trois mois, sous forme de tome de type de « montagne », de 2 kg. Grâce à son engagement dans la démarche Bleu-Blanc-Cœur, l’exploitation garantit aussi une qualité de lait avec une alimentation équilibrée apportée aux vaches. « Elles sont nourries à l’herbe et avec des tourteaux de lin », riches en oméga-3.

Un affinage de deux mois

Chaque année, ce ne sont pas moins de 40 000 fromages qui sortent des caves d’affinage de la gare de Vieillespesse. Le fromage est fabriqué avec le lait trait le matin même et la veille au soir. Il est stocké dans des cuves de 1 500 litres. Moulés, salés à la ferme de la famille Bonnafoux, ils sont ensuite acheminés à la cave.

« On les retourne deux fois par semainependant 21 jours, le temps de laisser se développer le mucor », explique Damien Brun. Une fois ces trois semaines passées, les fromages sont prêts à être roulés dans les artisons, ces acariens que l’on ne voit bouger qu’au microscope. Les petites tommes sont ainsi roulées une à une dans ce drôle de bain aux allures de poussière. On dit qu’elles ont été « artisounées ». Posées sur des grilles pendant deux mois, retournées encore deux fois par semaine, les pièces vont petit à petit être entamées par les minuscules bêtes et vont former une sorte de croûte poussiéreuse, qui « fait comme des toiles d’araignées, parfois , raconte l’associé.

Une croûte différente, mais aussi un goût différent, « avec un vrai caractère », la petite bête amène toute sa singularité au fromage.

L’Artisou de Margeride a ses aficionados dans la région et se trouve facilement dans les supermarchés de la région, que ce soit à Clermont, à Brioude, à Saint-Flour, à Aurillac, à Saint-Chély-d’Apcher et jusqu’au Puy-en-Velay. Certains restaurateurs font aussi appel à l’originalité du produit pour embellir leur plateau de fromages, à l’image de la Bergerie de Sarpoil, à côté d’Issoire ou du L’Ander, à Saint-Flour. « Nous travaillons aussi avec Bruel et fils, grossiste à Rungis, ou Dischamp dans le Puy-de-Dôme et Magne Distribution en Lozère », indique Damien Brun. À l’avenir, le groupement de producteurs compte encore développer l’Artisou de Margeride et augmenter la production pour que ce trésor de l’agriculture de montagne continue à faire parler de lui.

Sur Internet : www.artisoudemargeride.com

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