Cantal : le Séverac mise sur le fermier

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Lancé pour valoriser la production de fromages au lait de salers, version petit format, le Séverac passe un nouveau cap en s’orientant sur la production fermière. Depuis le printemps, Pierre Lantuéjoul réalise son rêve : proposer un fromage fabriqué à la ferme pour mettre en avant la vache acajou.

fromage le Séverac
Pierre Lantuéjoul, créateur du fromage le Séverac, et Guillaume Rongier, producteur de Séverac. Crédit L'Auvergnat de Paris.

C’est un fromage qui a été conçu et qui évolue dans un but bien précis: valoriser le lait de salers et les fromages d’antan fabriqués dans les fermes du Cantal. Pierre Lantuéjoul est un amoureux de son pays qui, par la création de son propre fromage, le Séverac, rend hommage à son arrière-grand-mère Marie Séverac, qui fabriquait plus d’un siècle en arrière le fameux fromage au lait de salers.

Un clin d’œil à son aïeule qui a été mûrement réfléchi. « J’étais déjà dans le cursus agricole, mais pas dans la fabrication de fromage et j’ai mis près de quatre ans à élaborer le produit », dit-il. De longues heures passées auprès d’un ami agriculteur et producteur de salers tradition AOP Jean-Pierre Chauvet, à Raulhac, dans le Cantal, « à tester, expérimenter, goûter. On a commencé par des moules de 5 kg que j’avais dessinés. Puis, on est passé sur des moules de 3 kg, pour arriver sur 1 kg ». Mais pourquoi vouloir faire un fromage plus petit que les habituelles et traditionnelles fourmes du pays ? L’idée est venue d’un simple constat lors d’une rencontre entre Auvergnats à Paris.

Un fromage pensé pour mieux voyager

« Je faisais partie de l’Auvergne Business Club et, lors d’un déjeuner, j’ai rencontré Sébastien Pissavy (cocréateur du site internet jeuxvideo.com, créateur de Catapulte, incubateur d’entreprises à Aurillac et business angel cantalien, NDLR) qui voulait à l’époque lancer un site internet de ventes de produits du terroir, testadaz.com (tête d’âne en patois, NDLR). Je lui ai proposé mon aide car j’avais un réseau de vente à l’export et il m’a envoyé un échantillon de ces produits du terroir qu’il mettait à la vente sur son site », se souvient Pierre Lantuéjoul. Là, le Cantalien fait un constat évident: « Un morceau de cantal sous film plastique ne voyage pas très bien. » L’idée du Séverac vient de germer : « Pourquoi ne ferait-on pas un fromage qui voyagerait bien et serait plus facile à transporter ? »

Quatre ans de réflexion, de recherches ingénieuses pour réussir à mettre tout le terroir cantalien dans un petit fromage, qui pèse à l’arrivée, après affinage, entre 700 et 800 g : Pierre Lantuéjoul n’a pas compté ses heures et n’a pas lésiné sur les moyens. Pour lancer la production, l’homme se tourne vers la coopérative de Saint-Bonnet-de-Salers, qui travaillait déjà avec du lait cru de salers. La petite tomme au lait cru a fait son chemin depuis 2015 et a réussi à se faufiler sur les étals de 80 crèmeries fromageries en France et sur les plus belles tables de la région Auvergne et à Paris, comme chez François Gagnaire, à Anicia, rue du Cherche-Midi, chez Serge Vieira à Chaudes-Aigues (deux étoiles au Michelin) ou chez Adrien Descouls au Broc dans le Puy-de-Dôme (jeune talent Gault & Millau 2019).

Le lait cru de salers à la ferme: l’ADN du Séverac

Jusque-là, le Séverac se déclinait dans sa version classique, avec du lait issu de toutes races de vaches confondues, ou en version 100 % lait de salers, deux versions fabriquées à la coopérative de Saint-Bonnet-de-Salers. Et comme pour son grand frère le salers, plusieurs affinages sont proposés, avec le Cadet pour les fromages affinés entre zéro et trois mois, l’Illustre, entre quatre et six mois, et le Patriarche, qui, lui, passe plus de six mois en cave.

Le fromage cantalien propose trois affinages pour ouvrir la palette des arômes du terroir montagnard.

Le fromage cantalien propose trois affinages pour ouvrir la palette des arômes du terroir montagnard.

Mais Pierre Lantuéjoul ne s’est pas arrêté là dans sa quête de valorisation du lait de salers. « Mon rêve était de proposer du Séverac fermier, fabriqué dans les fermes avec du lait de vaches salers, comme par mon arrière-grand-mère », explique-t-il avec émotion. Depuis le printemps 2019, son vœu est exaucé, grâce au partenariat mis en place avec le GAEC Rongier à Moussages, près de Salers. « La fabrication laitière a toujours lieu à la coopérative de Saint-Bonnet », cette dernière restant majoritaire. Mais désormais, le Séverac se décline aussi sous sa forme « authentique » fermière. Cette évolution colle aussi avec la volonté de Guillaume Rongier, désormais producteur de fromages Séverac, avec ses 60 salers. « Je voulais fabriquer du fromage à la ferme. Quand j’avais 14 ans, je restais l’été ici, dans le Cantal, pour pouvoir faire la traite des salers, près des burons. C’est une vraie passion, une évidence depuis toujours », concède le
jeune homme.

Guillaume Rongier fabrique du Séverac fermier sur son exploitation, avec le lait de ses 60 vaches salers.

Guillaume Rongier fabrique du Séverac fermier sur son exploitation, avec le lait de ses 60 vaches salers.

Désormais, le Cantalien ne se contente pas de traire, mais aussi de fabriquer son fromage. Un Séverac fermier qui, après une semaine passée dans la cave de la ferme, part rejoindre une autre cave à Pierrefort pour finir son affinage qui durera au moins cinq mois, « car avant cela, on ne trouve pas tout le potentiel aromatique du Séverac fermier ».

Car des arômes et des saveurs, le Séverac n’en manque pas. Son petit format lui permet d’offrir un véritable condensé des montagnes cantaliennes. Et à terme, Pierre Lantuéjoul espère constituer « un club de producteurs 100 % lait de salers » et peut-être convaincre de nouvelles générations de se lancer dans la traite de la vache rouge, en proposant un travail valorisant et valorisé grâce, notamment, à une rémunération presque 4 fois plus intéressantes qu’en circuit « traditionnel ». « Pour faire une fourme, il faut 400 litres de lait, et, pour le Séverac, entre 100 et 400 litres suffisent pour produire chaque jour, ce qui permet de fabriquer aussi du fromage en contre-saison. De plus, nous ne demandons pas à faire cailler le lait le soir », explique Pierre Lantuéjoul. « Un véritable confort, car nous pouvons du coup fabriquer seulement le matin », confie Guillaume Rongier. Ce parti pris pour le « fermier » permet aussi au Séverac d’augmenter petit à petit ses volumes, « car aujourd’hui, je n’arrive pas à fournir la demande », explique Pierre Lantuéjoul, qui compte un deuxième élevage de salers produisant aussi du Séverac, le même qui suit le projet depuis le début, celui de Jean-Pierre Chauvet à Raulhac. L’histoire du Séverac continue à s’écrire et le petit fromage du Cantal aux grandes ambitions (vendus à 30 % à l’export) n’a pas fini de charmer par sa qualité et son authenticité. 

Le Séverac a été créé pour valoriser le terroir cantalien en petit format, sans sacrifier la qualité.

Le Séverac a été créé pour valoriser le terroir cantalien en petit format, sans sacrifier la qualité.

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