Installée en Haute-Loire, la Cave du Boucher aiguise son savoir-faire d’affineur sur des viandes d’exception du Massif Central. Avec à la clé, des pièces affinées de 30 à plus de 150 jours, qui révèlent des arômes singuliers. Une méthode d’orfèvre qui séduit les restaurateurs.

Sur les hauteurs volcaniques de Saint-Germain-Laprade, à quelques kilomètres du Puy-en-Velay et à près de 1 000 mètres d’altitude, la Cave du Boucher perpétue une tradition familiale depuis quatre générations. Une boucherie auvergnate qui a su évoluer avec son temps et qui propose désormais des pièces de bœuf d’exception. « Nous faisons partie des six maîtres affineurs français. Et c’est important de faire la différence avec la maturation qui est à la mode actuellement. Car avec l’affinage, on ne retrouve pas de goût fort, mais une tendreté exceptionnelle et une explosion de saveurs qui évoluent avec le temps d’affinage. Nous gérons les viandes fraîches comme des affineurs de fromages », explique Thomas Bessette, dirigeant de la Cave du Boucher.
Cette approche minutieuse et longue de la pièce bouchère, l’Auvergnat la doit à un voyage au Canada, « là où cette tradition d’affinage existe depuis longtemps ». De retour sur ses terres, il s’est lancé après deux années d’ajustement dans cette nouvelle vision de la viande. Comment ? En jouant sur l’hygrométrie, la température et la ventilation de ses caves altiligériennes, pour nourrir les enzymes présentes dans la chair, de 30 à plus des 150 jours. Mais attention, cette méthode ne peut pas s’appliquer partout : « Seuls 30 % des animaux abattus dans l’année remplissent les critères pour rentrer en cave », précise Thomas Bessette, tandis que les autres seront vendus de manière traditionnelle.
Aubrac et salers en tête
L’élevage reste la clé de voûte d’une viande bien affinée, avec « des vaches nourries à l’herbe et sans ensilage, achetées directement aux éleveurs. Et des animaux engraissés à volonté de six à dix mois avec un peu de céréales en plus du foin », signale le boucher, qui propose ses pièces exclusives aux restaurateurs de Rhône-Alpes Auvergne – comme Christian Têtedoie à Lyon – ou ailleurs – à l’instar de Gérald Passedat à Marseille. Avec une préférence pour les races rustiques de montagne, comme l’Aubrac et la Salers, élevées dans le Massif Central. Chaque pièce sera unique et suivra son propre rythme. « Ce sont les carrés de côtes qui décident, pas moi ! », estime Thomas Bessette. Comme ce morceau singulier affiné 840 jours… Le record de la maison.
Ainsi, les côtes, rumstecks laissés sur leur os et autres hellbones et tomahawks laissent exprimer toute leur originalité à travers le temps. « De 30 à 50 jours d’affinage, on reste sur des arômes de fraîcheur, de noisettes. Ensuite, de 50 à 70 jours, ce sera plus poussé sur cette note de noisette. Puis, de 70 à 90 jours, on vire sur le sucre. On retrouve alors des saveurs de pruneaux, de figues et même d’abricots secs, détaille le boucher. À partir de 90 jours jusqu’à 120 jours, ces arômes sucrés restent très présents avec des notes beurrées. Et, à partir de 120 jours, le bois, l’écorce, le lichen, le sous-bois s’invitent à la dégustation. C’est assez stupéfiant, et c’est ce qui séduit les chefs ».
Et que se passe-t-il au-delà de 150 jours ? La cave parle de grands crus, qui reviennent sur des goûts plus sucrés ou de noisette, ou explorent des nuances de cidres et d’herbes fraîches, « cela dépend de chaque animal », note Thomas Bessette. Son savoir-faire d’orfèvre s’appuie sur une exigence : celle de l’assiduité et de l’observation quotidienne. En prenant soin de continuer à écrire une belle histoire de réussite à l’auvergnate, depuis 1931.