La bière qui descend des montagnes d’Auvergne

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Fin 2018, la Brasserie 360 a ouvert ses portes à Salers, sous l’impulsion d’Alexandre Vermeersch. Installée dans un site naturel, l’entreprise joue la carte du développement durable et réalise une authentique bière de terroir.

Brasserie 360 Salers
La Brasserie 360, est sortie de terre à Saint-Martin-Valmeroux, près de Salers, à l’initiative d’Alexandre Vermeersch. Crédit L'Auvergnat de Paris.

C’est à un Cantalien, originaire des Flandres, royaume de la bière, que l’on doit la première réalisation d’envergure de brasserie artisanale, née dans le Cantal. La Brasserie 360, qui est sortie de terre à Saint-Martin-Valmeroux, près de Salers, à l’initiative d’Alexandre Vermeersch, ne passe pas inaperçue au carrefour des Quatre-Routes de Salers. L’imposant bâtiment de béton qui apparaît sur ce plateau offre, comme son nom l’indique, une vue à 360° sur le panorama des montagnes qui entourent Salers. L’architecte a veillé à ce que cet édifice articulé sur deux niveaux s’intègre parfaitement dans le superbe décor naturel qui l’entoure. 

La Brasserie 360° résulte en effet d’un projet qui s’inscrit dans la durée, à la fois radicalement engagé dans le développement durable, mais aussi totalement enraciné dans un territoire. Une démarche qui préfigure l’ère des bières de terroirs. Aujourd’hui, les amateurs de ce breuvage recherchent des bières d’origine qui portent l’empreinte d’un sol. Beaucoup conviennent que le premier marqueur du terroir est l’eau à partir de laquelle on brasse. À ce niveau, alimentée par une eau de montagne dont la composition serait proche de celle de l’eau de Volvic, la brasserie bénéficie d’un argument qualitatif évident. Mais Alexandre Vermeersch et ses associés sont allés plus loin, tout d’abord en utilisant l’orge cultivé par des partenaires régionaux et maltée à Saint-Germain-Lembron (Puy-de-Dôme) par la Malterie des Volcans. Dans un deuxième temps, ils souhaitent sécuriser cet approvisionnement en prenant le contrôle de huit hectares de terre près de Saint-Flour, où ils font actuellement pousser de l’orge brassicole bio qui, après maltage, entrera dans l’élaboration de leur futur brassin. L’origine du houblon représente la seule concession du brasseur vis-à-vis des principes du locavorisme. La ressource est devenue tellement rare en France qu’il faut le plus souvent recourir à des produits d’importation. D’ailleurs, l’origine du houblon fait l’objet d’une dérogation dans la certification bio.

Une inscription dans le développement durable

Jusque dans son fonctionnement, la brasserie s’efforce de respecter les règles du développement durable, dans une gestion raisonnée de la ressource d’eau, mais aussi dans l’approvisionnement énergétique. Grâce à la proximité d’une centrale de méthanisation, les drêches (résidus du malt brassé) sont utilisées par la centrale. En retour, la brasserie reçoit de l’eau chaude qui lui permet de chauffer le bâtiment et d’assurer le préchauffage des cuves de brassage. Ce dispositif permet de diviser par quatre la facture énergétique. Longtemps cadre actionnaire d’une importante entreprise de logistique aurillacoise, Alexandre Vermeersch a souhaité, il y a deux ans, se lancer dans une nouvelle aventure entrepreneuriale plus personnelle. « Je ne connaissais à l’époque rien à la bière », reconnaît-il. C’est son frère, Jean-Jacques, le célèbre patron de la distillerie Couderc, à Aurillac, qui l’a amené à s’intéresser au produit. L’élaborateur de gentiane est également associé avec le négociant Pierre Desprat et les deux hommes caressaient depuis des années l’idée de créer une brasserie totalement cantalienne qui viendrait compléter la gamme fabriquée par les Brasseurs du Sornin (Loire) et commercialisée par Desprat vins. Mais l’implication croissante du négociant dans la Cave Saint-Verny avait fait passer ce projet au second plan. 

« Je cherchais une activité où je pourrais entreprendre localement, poursuit Alexandre Vermeersch. Mon frère m’a proposé de m’associer à ce projet de brasserie. Je me suis documenté et j’ai demandé un rendez-vous à Pierre Desprat. Je lui ai dit que non seulement je voulais m’associer au projet, mais que je voulais le conduire. » C’est ainsi qu’Alexandre Vermeersch est devenu le patron de l’entreprise et l’actionnaire majoritaire. Pierre Desprat, Jean-Jacques Vermeersch et Serge Patay, gérant des Brasseurs du Sornin, accompagnent l’aventure en tant qu’actionnaires minoritaires. En moins de deux ans, Alexandre Vermeersch s’est complètement investi dans ce projet. Il est devenu un spécialiste du produit à la suite d’une première formation à l’Institut français des boissons, de la brasserie et de la malterie de Nancy. Cet apprentissage a été complété par un diplôme universitaire décerné par le département biotechnologies de l’université de La Rochelle. Le patron de la brasserie 360° a ensuite dû réunir le financement de son installation. Il a bénéficié de l’aide de la communauté de communes du Pays de Salers, qui a pris en charge la construction du bâtiment, moyennant un investissement de 1,30 M€. En contrepartie, la brasserie versera durant quatorze ans un loyer à la communauté avant de devenir propriétaire des murs à l’issue de cette période. Grâce à ce montage financier, Alexandre Vermeersch et ses associés ont pu équiper la brasserie de matériel haut de gamme. Ils ont investi 1 M€ dans ce secteur. En 2019, la brasserie sera ainsi en mesure de produire près de 1500 hl. La capacité de production devrait ensuite croître de 500 hl/an au gré de l’ajout de cuves de fermentation. Il faut enfin préciser que cette implantation dans une zone de revitalisation rurale a facilité l’accès au crédit et devrait offrir à l’entreprise quelques avantages fiscaux.


Un bâtiment ambitieux

Depuis le carrefour, seul le niveau supérieur de la brasserie est visible. À l’exception des broyeurs de céréales, il est entièrement dédié à l’accueil du public, avec un comptoir d’accueil et de dégustation. Au mur, les visiteurs peuvent visualiser des éléments sur le brassage et même une photo d’Émile Duclaux, Aurillacois disciple de Pasteur qui réalisa des travaux sur la bière. Cet espace de vente dispose d’une licence IV et pourra accueillir à l’avenir des opérations événementielles. Depuis une table de verre offrant une vue sur le sous-sol, il est possible d’observer la salle de brassage animée par Romain Chauvin, un jeune maître brasseur, et son adjoint, David Lainé. Outre les cuves de brassage, ils disposent d’une série de cuves de fermentation de 40 hl qui conservent le brassin durant près d’un mois. Une seconde fermentation s’effectue en bouteille. Une pièce à température contrôlée a été prévue pour assurer la garde des bouteilles durant huit jours avant leur départ vers les points de vente. Pour le conditionnement des fûts jetables, les brasseurs disposent d’une centrifugeuse qui élimine les lies et permet aux cafetiers de servir une bière claire. Une gamme Sulfurik est entièrement dédiée aux CHR. Via le réseau de Desprat vins, elle touche déjà 260 établissements. Elle est produite dans les trois couleurs (blonde, ambrée et blanche), comme la marque Crat’R, qui concerne également les cafés et restaurants, puisqu’exclusivement conditionnée en fûts. Une troisième marque, Basaltik, est réservée au CHR. Des bières saisonnières voient régulièrement le jour. Enfin, la brasserie vient de dévoiler sa version de l’IPA, une VPA (Volcanique pale ale).

Sulfurik, une gamme réservée aux CHR.

Le bâtiment.

Les cuves de fermentation.

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