La bulle au cœur de la tendance

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Tandis que la consommation d’alcool baisse considérablement ces dernières années, de nouvelles boissons et des sodas colonisent le marché CHR. Créés pour composer des cocktails ou pour être consommées seuls, les tonics et ginger beers se renouvellent en France.

bouteilles de tonic
Tonic Fever-Tree. Crédit : DR.

À l’ombre du traditionnel gin tonic démocratisé par la marque Schweppes, les innovations se multiplient. D’abord outre-Manche puis aujourd’hui dans l’Hexagone, l’engouement autour des pétillants ne cesse de croître. Appréciées pour leurs vertus désaltérantes, ces boissons que l’on surnomme aujourd’hui les « tonics » étaient à l’origine destinées à un tout autre usage.

En effet, ces breuvages gazeux et légèrement amers tirent leur goût si particulier de la quinine. Une molécule naturelle extraite de l’écorce de quinquina, un arbuste originaire d’Amérique du Sud. La quinine était alors utilisée par les Conquistadors du XVIe siècle comme remède pour traiter la fièvre ou encore le paludisme. Dans les recettes actuelles, les tonics contiennent généralement une quantité réduite de cette substance, qui peut également être remplacée par d’autres substituts amers, comme la gentiane ou le quassia amara. Simples à marier, ils facilitent la réalisation des cocktails et remettent au goût du jour le gin. Adaptés aux tendances du moment, les softs et mixers connaissent depuis plusieurs années des mutations : moins caloriques, moins sucrés, consommés avec une quantité réduite – voire sans alcool – ou encore plus respectueux de l’environnement et de notre corps. Ce secteur se renouvelle continuellement.

Des toniques largement démocratisés 

Pour répondre à la demande des consommateurs, l’ensemble du marché s’adapte. En effet, à en croire les fabricants et distributeurs de tonics, ce sont d’abord les marques de spiritueux qui ont donné le la. « Le marché explose car les groupes alcooliers poussent à la consommation de tonics, notamment avec les long drinks », affirme Meriadec Buchmuller, P-DG et fondateur de la marque Hysope, des cocktails plus légers et composés à 75% de tonics.

Un point de vue partagé par Lucile Letort, responsable marketing pour la brasserie Lancelot, qui nuance néanmoins le propos : « Les tonics ont également été largement démocratisés par Schweppes », leader incontesté du marché. Si le géant, spécialiste de la bulle, continue de vendre des millions de bouteilles et canettes à travers le monde, d’autres marques marchent aujourd’hui dans son sillage. Pour contrer le tarif attractif et l’expertise de Schweppes dans ce domaine, ses concurrents s’orientent vers une même voie : « la premiumisation ». Les mixers premiums colonisent le marché français pour apporter aux consommateurs une offre différente, de par son goût et sa composition, et dans un objectif résolument haut de gamme.

L’âge d’or du premium mixer

En 2003, Fever-Tree voit le jour et se donne pour but d’apporter un regard neuf sur le marché du tonic. Les cofondateurs de la marque remarquent un intérêt croissant des consommateurs pour les aliments et boissons haut de gamme, mais semblent néanmoins négliger les mixers. Mélanger des spiritueux de qualité avec un tonic médiocre leur apparaît alors comme une ineptie. « Le goût et la qualité sont très importants pour nous. Pour notre tonic, nous avons cherché la meilleure quinine que nous avons sourcée en République démocratique du Congo », explique Ludovic Derigny, responsable France pour Fever-Tree. Une substance qui provient de « l’arbre à fièvre » ou Fever-Tree, qui donnera son nom à la marque. Avec une gamme de six tonics différents, la firme propose une large palette aromatique.

Des mixers pensés pour composer des cocktails et « qui ne dénaturent pas le spiritueux », détaille Ludovic Derigny. Outre le sourcing des ingrédients, la marque revendique la puissance des bulles de ses bois-sons. Vingt ans après sa création, Fever-Tree fait la promotion de sa nouvelle recette : le Mediterranean Tonic Water, composé d’huiles essentielles de thym citronné de Provence et de romarin. Implantée depuis 12 ans dans l’Hexagone, la marque anglaise peut se targuer de vendre 6,4 millions de bouteilles en CHR, avec un réseau de distribution de 4 000 bars.

Côté français, le secteur devient lui aussi concurrentiel et de nombreuses entreprises affichent fièrement leur identité tricolore à l’image d’Hysope. Attachée à son terroir, la société cultive sa différence en proposant des produits à base de quinquina, mais aussi d’hysope, une plante aromatique venue tout droit de Méditerranée et qui apporte elle aussi de l’amertume aux tonics. « Notre plus-value tient dans notre savoir-faire aromatique », expose Meriadec Buchmuller. Certifiées bio, les boissons présentées par Hysope sont fabriquées en France à partir d’ingrédients sélectionnés par des nez basés à Grasse (Alpes-Maritimes), capitale mondiale du parfum. Vendus à 80% en CHR et embouteillés à Cognac, le plus d’un million de bouteilles estampillées Hysope sont consommées à « 90% en cocktails ». Présentées dans des contenants en verre, ces boissons doivent répondre aux critères du « perfect serve » – autre tendance premium mise en avant par les marques – qui consiste à servir le tonic directement devant le client. En Bretagne, la brasserie Lancelot a elle aussi décidé de se faire une place sur ce marché. Après son célèbre Breizh Cola, l’entreprise lance, en 2023, le Breizh Tonic. Créé en lien avec le barman François Badel, ce nouveau mixer adapté aux cocktails dispose d’un bouchon refermable pour garantir ses qualités effervescentes. Composé de houblon bio, ce produit affirme les origines de la maison qui l’a vu naître. « Nous avons voulu quelque chose d’aromatique et peu sucré, un produit qui s’accorde bien avec l’alcool dans les cocktails sans le cacher ou le gâcher », détaille Lucile Letort. Un objectif que partage la gamme Gaston’ic de Tessendier, conçue pour s’accorder avec le gin Mr. Gaston. « Ce qui nous intéresse, c’est le mariage des produits », témoigne Amélie Bruyer, responsable commerciale pour Tessendier. Présenté, quant à lui, en canette 100% recyclable et certifié bio, le Gaston’ic cultive un look rock et doit son amertume à l’usage du quassia amara.

Softs et ginger beers

Si tous les tonics peuvent être dégustés seuls, certains professionnels choisissent de se positionner sur le sans-alcool. UMÀ décide de travailler différemment ses tonics en réalisant des infusions de ses matières premières. « Nous nous inspirons de la recette originale du Schweppes Tonic des années 1980. Aux écorces de quinquina et d’orange amère auxquelles nous ajoutons de la gentiane » explique Paul Mariani, cofondateur de la marque. Mais si chez UMÀ les tonics ne représentent que 5% des ventes, le produit phare de la marque est tout autre. Surfant sur la vague du sans-alcool, l’entreprise française a pris le parti de produire des ginger beers, une boisson traditionnellement obtenue à partir de la fermentation de gingembre, et réalisée ici grâce à une infusion.

Non alcoolisé, ce produit peut se déguster seul ou composer des cocktails tels que le Moscow Mule ou le Dark and Stormy. Boisson subtile et épicée, la ginger beer est « une alternative à la bière ou au vin », affirme Paul Mariani. Avec sa bouteille semblable à celle d’une bière, la boisson présentée par UMÀ devient un « sans-alcool socialement acceptable ». Un positionnement de « soda gastronomique » défendu par la marque. Ce secteur, en pleine expansion, a permis notamment au spécialiste du tonic, Fever-Tree, de multiplier par deux ses volumes entre 2019 et 202. Fever-Tree propose des produits sur ces deux marchés (tonics et ginger), ou encore à Hysope d’attirer une large clientèle, allant de 18 à 70 ans. Ces boissons gazeuses de caractère pourraient ainsi continuer à faire de nouveaux adeptes.

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