Authentique jusqu’à la pointe

  • Temps de lecture : 5 min

Dans la Meuse, près de Bar-le-Duc, la fromagerie Dongé perpétue la fabrication artisanale du brie de Meaux AOP. Défenseur du terroir, Metro a choisi de proposer ce fromage prisé des bonnes tables.

Depuis 1930, à Cousances-lès-Triconville, on connaît forcément quelqu’un qui a travaillé à la fromagerie Dongé. Dans la commune, celle-ci fait partie de l’histoire locale.

« Un jour on renommera le village », s’amuse un employé. Le décor – une campagne verdoyante – n’a pas bougé depuis que le grand-père, Étienne Dongé, s’est lancé dans l’aventure du brie de Meaux, à l’extrême est du territoire de l’AOP. Seule l’enveloppe de l’entreprise familiale a changé d’allure, une bâtisse de 4 000 m2 en lisière de champ, à la sortie du village, où 35 personnes manient la pelle à brie, entre tradition du geste et installations de dernier cri. Toutes les heures et demie, un nouveau ballet démarre. Le caillé est tranché au sabre avant que les fromagers entament des mouvements cadencés en plongeant la pelle à brie dans la cuve pour mouler les fromages. Très vite, le petit-lait s’échappe par les stores en jonc. « On travaille exactement de la même façon que notre grand-père il y a cent ans », rappelle Luc Dongé. Le lendemain, les bries naissants sont salés à la main et vaporisés de pénicillium. « Nous préférons ne pas l’intégrer dans la pâte pour éviter que des champignons se développent dans le fromage. » Direction la chambre de préaffinage pour huit jours. La croûte duveteuse commence à apparaître, et le temps fait son œuvre. La famille Dongé est affineur depuis 1989. Un travail de précision, réalisé à froid. « Il est plus lent et permet aux arômes de mieux se développer. Le fromage est un produit vivant, il a besoin de temps. » Résultat : un fromage long en bouche, sans être puissant, des notes variées de champignons, très boisées. Une base idéale pour développer un brie aux truffes, sur lequel les fromagers travaillent avec exigence pour l’année prochaine. Dans cette maison, le brie est respecté jusqu’au moment où il quitte sa cave d’affinage, et chaque colis est préparé à la commande. « On propose un produit qu’on est les premiers à apprécier. On y met notre âme. C’est une aventure collective. » De plus en plus de tables lui accordent leurs faveurs, mais la première vitrine du Brie de Meaux AOP Dongé reste celle des crémiers et épiceries fines. À Nancy, L’Épicerie du goût de Marie de Metz Noblat n’en proposerait aucun autre. « J’achète leur brie tout simplement parce que c’est le meilleur, annonce-t-elle. Il a une particularité qu’on ne retrouve pas ailleurs : il ne présente aucune amertume et la croûte n’est pas cartonnée, ce qui est rare. Ce produit va vraiment maturer et pas se dégrader. » Là encore, l’éloge de la lenteur prend tout son sens.

Les Dongé peuvent compter sur une belle qualité de lait fourni par une quarantaine de producteurs à 30 km à la ronde. Tous répondent au cahier des charges fixé par la fromagerie sur l’hygiène de la traite et l’alimentation des animaux. « Nous échangeons constamment avec eux. Nous les connaissons personnellement. Si le lait n’était pas de qualité, nous ne pourrions pas faire le fromage que nous souhaitons », explique Luc Dongé.

« Nous pouvons revendiquer une qualité constante avec un fromage au lait cru », note Luc Dongé (à dr.), petit-fils d’Étienne Dongé, qui a repris la tête de l’entreprise familiale en 2002 avec son frère, Jean-Michel (à g.).

Lors de la construction de la nouvelle fromagerie en 2015, il a fallu recréer l’écosystème et l’hygrométrie optimale pour la production du brie de Meaux Dongé. Pari réussi, les 1 000 tonnes de brie qui transitent chaque année dans les salles de la fromagerie s’y développent comme si de rien n’était.

Le lait est chauffé à moins de 37 °C pour obtenir un caillé pas trop ferme, plutôt lactique. Le fromager le tranche d’un geste sûr à l’aide du traditionnel sabre à brie pour préparer le moulage.

Chaque fromager moule le brie à sa façon, avec des couches plus ou moins visibles. Ce qui représente 25 à 30 litres de caillé par moule. Une signature dans le geste qui donne une identité à chaque roue. La fromagerie produit environ 1 000 bries par jour.

Les bries de Meaux sont retournés deux fois par semaine jusqu’à ce qu’ils soient prêts pour la dégustation. Les consommateurs les plus exigeants devront attendre huit semaines pour un affinage à cœur, qui se fait lentement, au fil des différentes salles d’affinage dont l’hygrométrie et la vitesse de l’air sont scrupuleusement contrôlées.

Les bries sont emballés à la commande. « C’est une fierté de vendre ce terroir meusien dans le monde entier. » La fromagerie exporte en effet 25 % de sa production.

Une dégustation de brie se prépare, le fromage a besoin de respirer : « Il faudrait que la commande soit prise au début du repas, préconise Luc Dongé. Cela permettrait d’anticiper la mise à température ambiante, même si trente minutes suffisent. Je l’associe avec un vin blanc légèrement minéral et bien équilibré, un bourgogne par exemple. Et il ne faut pas avoir peur de le cuisiner. Il se marie bien avec du pain d’épices, du curcuma. »

PARTAGER