Eau microfiltrée : des solutions en cascade pour les restaurateurs

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Sur un marché aussi concurrentiel que celui de l’eau, l’installation de plus en plus durable des solutions d’eau microfiltrée en restauration remet en cause les pratiques des consommateurs aussi bien que celles des restaurateurs. Un réflexe encouragé par les préoccupations environnementales. Depuis quelques années, un tournant majeur est engagé.

Modèle de fontaine Purezza
Modèle de fontaine Purezza

Avant tout, une définition s’impose : l’eau du robinet micro-filtrée a été débarrassée d’un certain nombre de particules (chlore, calcaire, résidus de pesticides, dépôts…) naturellement présentes en suspension. Les minéraux, nécessaires à la qualité d’hydratation de l’eau sont préservés. La méthode est naturelle et ne doit pas être confondue avec l’osmose, qui purifie l’eau jusqu’à en retirer les oligo-éléments.

Les Français ont l’habitude de consommer l’eau du robinet, la proportion est même en hausse significative depuis 2006. Au restaurant, ils sont 37 % à la consommer en carafe, à la fois pour une question de coût (53 %) mais aussi pour réduire l’impact environnemental, un argument qui devient de plus en plus fréquent. Pour les 15 % de sceptiques, c’est plus le goût et le calcaire qui les rebutent. Dans ce contexte, les acteurs de l’eau microfiltrée ont eu beau jeu d’abattre leurs cartes. Depuis 2016, leur part de marché ne cesse d’augmenter.

« Le marché végétait un peu et quand on y est entré [en 2016, NDLR] , on avait la certitude qu’il allait exploser, se souvient Romain Portha, directeur marketing chez Purezza, une marque du géant de la fontaine à eau Waterlogic. La demande sur l’eau minérale est de moins en moins forte, mais les restaurateurs la conservent encore car c’est clairement un élément de marge. En face, la carafe d’eau a un taux de prise de 70 % en CHR, mais avec un service pas toujours de qualité. L’eau microfiltrée, c’est la synthèse des deux. On casse tous les codes, on amène de la flexibilité à la fois dans le service et dans les prix, ce qui plaît autant au restaurateur qu’au client. »

Les arguments de cette solution sont en effet séduisants : une bonne action pour la planète en abandonnant les bouteilles jetables, adieu le stockage et la manutention des caisses d’eau, une eau de bonne qualité et neutre en goût à volonté, un coût moindre pour le client, la possibilité de multiplier son utilisation (à table, en cuisine, en chambre, en séminaires…).

Un marché en plein boom

« Malgré la crise, les CHR sont en train de construire le monde d’après et le healthy prend de plus en plus de place », note Sonie Gervais, directrice marketing professional chez Brita. Le nombre de commandes a explosé et les investisseurs se bousculent pour miser sur le secteur : Castalie a bouclé en juin dernier un tour de table à près de 20 millions d’euros auprès de poids lourds comme Amundi et Seb. L’entreprise a contribué à faire décoller le marché depuis son arrivée en 2011 avec une offre qui va droit au but : 2 machines fiables et « anti-obsolescence programmée ». Ce tour de table va permettre au fabricant d’aller un peu plus loin dans le service de maintenance grâce à l’ajout de carte data sur les machines pour permettre de déclencher automatiquement des inspections préventives. Chez Brita également, la nouveauté passe par la connectivité. La fontaine Bottler laissera sa place dès le mois de mars à une nouvelle machine, la Vivreau Fill dotée d’un dosage automatique, d’un cloud pour suivre l’usage, et d’éléments d’hygiène renforcés, qu’on retrouvera aussi en septembre sur la remplaçante de la Vitap. L’autre gros atout du fournisseurs, c’est de s’être attaqué à la filtration de l’eau vers les équipements (machine à café, fours, lave-vaisselle) pour prévenir l’encrassement calcaire et améliorer les préparations. Un gros travail est aussi mené pour prévenir les rétro-contaminations, notamment sur les fontaines à usage public (hôtellerie notamment).

Chez Exquado, nouveau venu sur le marché en CHR, « c’est avant tout un métier de service, c’est primordial d’être au plus près des utilisateurs ». Si la marque sous-traite en Europe la fabrication de ses machines et des consommables associés, elle s’est dotée d’une force d’intervention de proximité avec 11 entrepôts en France et 40 techniciens itinérants pour assurer la maintenance du parc. Ce qui permet à l’entreprise de faire baisser le coût des interventions. La logique de proximité est également au cœur de la stratégie de Cryo, un acteur qui a choisi de se créer une niche dans le marché, en s’adressant « aux puristes de l’eau » . L’ingénieur-concepteur de la marque utilise un procédé d’adsorption (sic) au charbon actif à très haute densité des polluants qui permet un degré de filtration extrême. « On va le plus loin possible pour restituer l’eau comme à son origine, sans l’abîmer. » Parmi les clients de l’entreprise, des chefs étoilés, des chais réputés. « En utilisant une eau aussi pure, les chefs cherchent à récupérer le maximum de saveurs pour leurs fonds. »

Des perspectives d’évolution

Avec l’explosion de la vente à emporter, les acteurs de l’eau microfiltrée entrevoient la possibilité de s’y frayer un chemin. Castalie édite déjà des gourdes en verre de 30 cl et Purezza s’apprête à mettre sur le marché une bouteille écoconçue dans un matériau végétal réutilisable, recyclable et biodégradable, qui permettra aux restaurateurs de les remplir pour la vente à emporter. Certains d’entre eux ont d’ailleurs déjà commencé à faire sortir l’eau microfiltrée de leurs établissements en proposant en VAE des bouteilles consignées.

Un rappel cependant, il n’est pas autorisé de vendre à l’unité des bouteilles d’eau microfiltrée à moins de le stipuler sut l’étiquette. Mais ce n’est qu’une formalité…

Faut-il faire payer l’eau microfiltrée ?

Voici ce que prévoit la loi (arrêté du 8 juin 1967) concernant l’eau à table au restaurant : « Le prix du repas comporte obligatoirement le couvert, à savoir le pain, l’eau ordinaire, les épices ou ingrédients, la vaisselle, verrerie, serviettes, etc., qui sont usuellement mis à la disposition du client à l’occasion du repas. » Une eau prélevée sur le même réseau que celle d’une carafe gratuite, mais débarrassée de ses impuretés est-elle toujours ordinaire ? Peut-on la faire payer ? Le débat semble assez tranché, à la fois auprès des pourvoyeurs de fontaines que des utilisateurs : oui, mais raisonnablement.

« L’eau a toujours été une source de marge pour les restaurateurs, il n’y a pas de raison qu’elle ne le soit plus, surtout s’ils investissent pour en servir une de qualité », estime Romain Portha chez Purezza.

Grâce à un prix plus attractif, il touche davantage de clients et la marge est toujours au rendez-vous. Et en démultipliant les usages, la marge s’améliore. Chez Brita, on recommande de faire payer seulement l’eau gazeuse quand chez Exquado aussi, l’eau microfiltrée doit bien avoir un prix « mais pas au même niveau qu’une eau en bouteille. Installer ce type de système pour améliorer la qualité de l’eau et limiter l’impact environnemental est un effort de la part du restaurateur, c’est légitime qu’il veuille le rentabiliser ». Le consommateur serait d’ailleurs prêt à payer pour l’eau microfiltrée, selon une étude CHD expert qui démontre que « 76 % des Français pensent que l’eau filtrée est une offre intéressante ».

« Il est en attente d’un produit nouveau qui répond à ses attentes. Nous recommandons à nos clients un tarif autour de 3 ou 4 € par repas, à volonté », souligne Romain Portha chez Purezza. Certains restaurateurs préfèrent appliquer un tarif à la bouteille plus ou moins symbolique, mais loin des niveaux constatés sur l’eau en bouteille.

BRITA

– Cinq modèles de fontaines et huit modèles de filtres professionnels à brancher directement sur les équipements (machine à café, four, lave-vaisselle).

– Technologie : pour les fontaines, filtration par charbon actif et résine échangeuse d’ion (eau chaude) ; pour les filtres équipements, réglage supplémentaire de la minéralité en sortie 2 à 4 litres/min d’eau plate tempérée/réfrigérée, gazeuse (fine et forte sur Vivreau extra).

– De 90 € à 250 € par mois service inclus, en location.

Le plus : sur les nouveaux modèles, buses de sortie chauffantes antimicrobiennes, cloud pour suivi des consommations et notifications de maintenance, débit rapide. Chaîne de recyclage des cartouches en interne.

CASTALIE

– Deux machines

– Technologie : membrane au charbon actif et ions d’argent (désinfection), traitement post-filtration ; quatre entretiens par an.

– 250 € à 300 € par trimestre ; eau plate (température réglable), gazeuse (bulles réglables).

Le plus : prédosage, connectivité.

CRYO

– Fontaines sur mesure

Technologie : adsorption (sic) au charbon actif haute densité ; eau plate, gazéifiée ou chaude.

– À partir de 300 €.

Le plus : équipé d’un groupe eau chaude, prestations personnalisées, désinfection UV.

PUREZZA

– Quatre modèles de fontaines sur et sous comptoir

– Technologie : microfiltration par membranes au charbon actif, maintenance incluse (SAV en propre) ; eau tempérée, réfrigérée et gazéifiée (fines et fortes bulles).

– 5 à 6 €/jour en location-entretien.

Le plus : bouteilles personnalisables.

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