L’ascension des energy drinks et eaux aromatisées

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Qu’ils cherchent un petit coup de boost ou une boisson rafraîchissante, les Français se laissent de plus en plus séduire par les boissons énergisantes et les eaux aromatisées.

Au pays du vin et de la bonne chère, plusieurs catégories de boissons sans alcool sont en forte progression, tant au supermarché qu’en hors domicile. En alimentaire, le chiffre d’affaires du marché des eaux gazeuses aromatisées a progressé de 25 % en un an, tandis que celui des boissons énergisantes, d’environ 10 %. Plusieurs facteurs expliquent ces croissances à deux chiffres : « Concernant les eaux gazeuses aromatisées, elles ont été portées par un contexte dans lequel les consommateurs recherchent les produits les plus sains possibles. Cette tendance va de pair avec la désaffection pour les sodas, qui s’est opérée depuis le milieu des années 2000 », explique Sophie Jean Jarry, directrice des marques d’eaux gazeuses Perrier & San Pellegrino en France. « Beaucoup d’industriels se sont donc mis à développer d’autres produits pour répondre à cette attente de produits sains, avec notamment les boissons au thé. » Très présente sur ce segment avec sa gamme aromatisée, la marque est allée plus loin en proposant le Perrier and Juice, qui mêle eau gazeuse et jus de fruits, avec une référence labellisée AB, la pomme cassis. Au début de 2021, sortait aussi Perrier Energize, un energy drink à la caféine et à la yerba maté, biologique lui aussi. Cette catégorie de produits intéresse depuis longtemps la marque. « Nos consommateurs sont majoritairement actifs, surtout urbains. Cette catégorie permet de tenir le rythme toute la journée, et on n’a pas toujours envie de boire un café ou thé au milieu de l’après-midi, surtout quand il fait chaud », complète Sophie Jean Jarry. Le résultat est une infusion de grains de café bio dans laquelle la marque a ajouté de la yerba maté pour sa saveur herbacée. Avec sept ingrédients au total et 92 % d’eau, la boisson est présentée comme une alternative sur le marché des boissons énergisantes, « notre créneau n’étant pas d’aller concurrencer des energy drinks classiques comme Red bull. On veut créer un segment spécifique de l’energy drink naturel », déclare la directrice de Perrier France. Au supermarché, Energize est référencé au rayon des eaux avec le reste de la gamme Perrier.

La boisson énergisante naturelle, une tendance montante

Perrier n’est pas seul sur le créneau de l’énergisant naturel. De nombreuses marques ont émergé ces dernières années, offre des choix plus « healthy » et souvent biologiques. C’est le cas de Gr’in, entreprise française fondée en 2017 par Lara Concas. Cette fille de torréfacteurs a eu l’idée d’utiliser le café vert dans une infusion alliant eau florale de menthe, citron vert et jaune et sucre de canne. « Un jour, en voulant faire du thé, j’ai par mégarde utilisé du café vert qui est tombé dans l’eau.

J’ai fait goûter cette recette et suite à son succès j’ai créé ma marque. C’est vraiment l’histoire d’une erreur, comme la tarte Tatin », raconte Lara Concas, fondatrice de la marque. Le café vert, plus lentement assimilé que la caféine, présente l’avantage d’offrir un coup de boost durable. Contrairement à d’autres boissons énergisantes, Gr’in est non pétillante. La première version de la boisson, non biologique, était fabriquée en Espagne et conditionnée dans des bouteilles en PET. C’est en écoutant les retours de ses clients que Lara Concas décide de réviser sa copie. « Nos clients voulaient du made in France, moins de sucre… En septembre 2019 on a lancé une nouvelle version de Gr’in en bouteille en verre, 100 % bio et fabriqué en France. » La nouvelle recette contient près de 60 % de sucre en moins. Elle a remporté le prix Food & Beverages des Snackings d’Or 2020. Une belle consécration pour Gr’in, qui va sortir deux nouvelles déclinaisons, l’une au gingembre, l’autre à la framboise. La boisson est aujourd’hui élaborée dans le Limousin, à raison de 40 000 à 50 000 bouteilles par an. « Nous souhaiterions à l’avenir nous installer en Auvergne-Rhône-Alpes et obtenir un label régional. L’objectif est également de doubler, voire de tripler notre production.

Il y a une réelle montée en puissance desboissons naturelles, les gens veulent revenir aux sources, ne pas consommer de choses chimiques », résume Lara Concas.

La tendance « naturelle » prend donc de plus en plus d’ampleur dans l’univers des boissons, y compris dans celui des energy drinks. Certaines marques sont déjà positionnées sur ce créneau alliant énergie et nature : on peut notamment citer le Club Maté, surnommé « le Red bull bio » par ses consommateurs. Cette boisson énergisante allemande, élaborée par la brasserie bavaroise Loscher, fêtera ses 100 ans en 2024. « C’est une très vieille marque, le brasseur a un jour décidé d’infuser du maté dans ses cuves à bières, d’où l’aspect pétillant de la boisson. Elle s’est d’abord fait connaître par un club de hackers, avant qu’un patron de club berlinois ne la découvre et la mette à la carte de nombreuses fêtes », expose Agathe Pageaut, responsable communication et marketing de la marque en France. La boisson est aujourd’hui distribuée dans plus de 65 pays, dont la France. Avant la pandémie, les cafés, hôtels et restaurants représentaient 75 % des ventes dans l’Hexagone. La crise sanitaire a égalisé à 50-50 la part entre ce canal et les grandes surfaces. Quant au surnom de « Red bull bio », si les deux marques présentent une boisson énergisante, la comparaison s’arrête là. « On n’est pas fan de ce surnom : pour moi ce sont deux boissons totalement différentes. Club maté, c’est une recette élaborée par une brasserie familiale : son histoire est très axée sur l’humain et la nature », affirme Agathe Pageaut. En effet, le Club Maté contient de la matéine, le « principe actif » du maté. Composée de caféine, de théophylline, et de théobromine, elle procure une énergie durable. La plante yerba matée utilisée dans le Club Maté, brésilienne et biologique, est torréfiée, puis infusée six semaines dans l’eau de la brasserie. « Le fait de torréfier permet de garder les vertus gustatives et médicinales de la plante. » En cours de conversion pour obtenir le label bio, le Club Maté est produit dans une brasserie uniquement avec des énergies renouvelables depuis le début des années 2000. Depuis cinq ans, l’unité de production a un impact zéro en carbone. En France, 80 % des bouteilles du réseau professionnel de la marque (bars, clubs, festivals, restaurants) sont récupérées, ce qui permet de les laver puis de les réutiliser une cinquantaine de fois en moyenne. Certaines boissons énergisantes tendent donc, comme de nombreux autres softs, à des listes d’ingrédients plus courtes, accompagnées d’un taux de sucre faible et d’ingrédients plus naturels, à l’instar du maté. Ces boissons sont également idéales pour multiplier les instants de consommation.

La mixologie, un atout supplémentaire

Qu’on parle d’ energy drinks ou d’eaux aromatisées, les deux types de boissons s’adaptent à des consommations variées, notamment à l’alcool. Le Club Maté, par exemple, est souvent mélangé avec de la vodka. Chez Perrier, de nombreux cocktails comme le Perrier Mojito ou Citron Fizz ont vu le jour. Ces alternatives alcoolisées permettent de consommer les boissons sous une autre forme. « Il y a un véritable vent de la mixologie qui arrive en France, notamment sur les long drinks pas trop sucrés, comme le gin tonic ou la moscow mule », affirme Mériadec Buchmuller, fondateur d’Hysope. Cette marque française propose une gamme de quatre toniques – nature, citron, fleur du sureau et concombre – ainsi qu’une ginger beer, tous labellisés AB.

Chaque recette s’appuie sur des ingrédients naturels dont les arômes sont extraits à Grasse, par macération, infusion ou hydrolat (distillat dans l’eau). La jeune marque -née à la fin de 2018 – réalise pour l’instant 50 % de ses ventes en circuit CHR, une part que son fondateur voudrait voir monter à 75 %. « L’avènement des long drinks, c’est maintenant, toutes les marques d’alcool s’y mettent. Les clients ne veulent plus boire d’alcool pur et le gin tonic séduit de 18 à 70 ans : on vise une clientèle large et plusieurs types d’établissements, du rooftop à l’étoilé. »

Cette tendance de la mixologie n’a pas échappé à Red bull. Quand on pense aux boissons énergisantes, difficile d’occulter la célèbre marque à l’emblème du taureau. Leader incontesté du marché – plus de 50 % de part de marché en 2020 -Red bull est aussi très présent dans les cafés, hôtels et restaurants. « Le CHR représente 15 à 20 % de notre total des ventes », estime Adrien Delage, responsable marketing France CHD pour la marque.

En 2018, Red bull a lancé sa gamme Organics, cinq sodas non énergisants et bio.

« Nous sommes sortis de notre métier historique, c’est une grosse innovation car en 30 ans nous avions surtout évolué du côté du marketing. » Composé d’un cola, d’une eau tonic, d’un bitter lemon, d’un soda au gingembre et d’une boisson au maté, Organics a été pensée pour une consommation telle quelle et aussi pour la mixologie. « C’est une façon d’élargir notre base de consommateurs : ceux qui n’apprécient pas le Red bull traditionnel mais aiment quand même la marque. C’est une gamme très adaptée à une consommation en CHR. » Ce type de boisson, consommable sous plusieurs formes, avec moins de sucre et à base d’ingrédients naturels voire bio, est promis à un bel avenir.

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