Titres-restaurant : les émetteurs historiques enterrent la CRT

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La CRT (Centrale de règlement des titres) a traité son dernier titre-restaurant le 28 février 2023. A partir du 1er mars 2023, l’ensemble des titres des émetteurs historiques (Edenred, Up, Sodexo et Bimpli) seront transmis à un prestataire commun aux quatre entités.

La solution dématérialisée d'Edenred.

A partir du 1er mars 2023, la Centrale de règlements des titres (CRT) ne sera plus. La CRT, une association sous loi 1901 et créée en 1972, regroupait « l’ensemble des émetteurs de titres-restaurant et titres de service sous format papier afin de simplifier la remise des titres pour les partenaires », explique Edenred, opérateur à l’origine du Ticket restaurant. Parmi ses membres, on peut aussi citer Up, Sodexo ou encore Bimpli (anciennement Natixis).

La CRT avait ainsi la charge de la relation avec les restaurateurs, depuis l’affiliation jusqu’à la préparation du remboursement. « La CRT avait un rôle très important pour nous, confesse Jean-Cyrille Girardin, directeur des services marchands chez Edenred. Il s’agissait de l’interface avec les marchands depuis 1972. Elle avait pour rôle de simplifier les processus de remboursement et d’optimiser l’expérience pour les restaurateurs. » Pourquoi, alors, la supprimer ?

Edenred, comme ses comparses, justifient cette décision par l’explosion du digital. « Il y a quelques années, il y a eu une accélération de la digitalisation. Nous avons d’ailleurs été parmi les précurseurs en 2014 avec le lancement de nos cartes. Nous étions déjà convaincus que le papier allait s’arrêter, donc cela va dans le sens de l’histoire que de refondre l’intégralité de notre relation avec les commerçants. C’est une décision qui ne date pas d’hier », détaille Jean-Cyrille Girardin. Forts de ce constat, les quatre émetteurs historiques ont estimé, face au poids croissant du digital, qu’il n’y avait plus lieu d’avoir une structure spécifique pour traiter les titres papiers.

« C’est une bonne nouvelle, car cela nous permet de reconstruire la proposition de valeur et de construire une offre qui répond aux marchands avec lesquels nous travaillons », assure Jean-Cyrille Girardin. Edenred, qui représente le principal émetteur de solutions dématérialisées en France, note ainsi que moins de 30% de ses Tickets restaurants sont encore au format papier. Le groupe souhaite d’ailleurs faire atteindre la part des titres dématérialisés à 80% et, à terme, tirer une croix sur le papier.

Des taux harmonisés

Malgré tout, de nombreux commerçants ont toujours recours aux titres papiers, mais Edenred se dit convaincu que, progressivement, les exploitants migreront vers le digital. Avec la disparition de la CRT, les émetteurs vont traiter par eux-mêmes les titres papiers, comme ils le font déjà avec les titres dématérialisés : « Ce qui est nouveau, c’est que nous allons reprendre la contractualisation avec les marchands. Auparavant, ces derniers demandaient un agrément à la CRT. Aujourd’hui, ils n’ont plus un « package » pour quatre émetteurs mais doivent assurer la démarche contractuelle pour chacun d’entre eux. » Autre particularité, et pas des moindres, les émetteurs historiques ont tous les quatre opté pour le même prestataire en ce qui concerne le traitement des titres. Ce sous-traitant a proposé une solution technique mutualisée, ce qui signifie que les restaurateurs pourront adresser l’ensemble de leurs titres-restaurant à la même adresse.

« Il suffit, en plus de l’envoi physique, d’effectuer une déclaration en ligne de l’ensemble des titres sur le portail de l’un des quatre émetteurs. En retour, il y a cependant quatre flux de paiement contre un seul, celui de la CRT », ajoute Jean-Cyrille Girardin. A noter également que les émetteurs ont adopté une facture unique auprès des commerçants, tant pour le digital que pour le papier.
« La lisibilité des taux a également été simplifiée. Auparavant, plein de petits frais s’accumulaient : des frais de remise, de gestion, etc. Cela pouvait représenter entre 0,5 et 1% », assure Jean-Cyrille Girardin, qui annonce qu’Edenred pratique désormais le même taux de commission pour la carte et le papier.

Ce taux sera révélé le 1er mars 2023. Le remboursement, quant à lui, se fera sous un délai moyen de sept jours maximum à compter de la réception des titres, dans des conditions équivalentes au remboursement des cartes titres-restaurant.

« Un rendez-vous manqué »

Romain Vidal, patron de la brasserie Le Sully (Paris, 4e) et représentant des restaurateurs au sein de la Commission nationale des titres-restaurant (CNRT), voit dans ces annonces « un rendez-vous manqué avec les commerçants. » Il fustige notamment une certaine opacité dans la mesure où ces derniers seront avisés au dernier moment des nouveaux taux de commission pratiqués après la disparition de la CRT. Il estime par ailleurs que les émetteurs sabordent le papier pour imposer le digital aux restaurateurs, ce qui pénalise les salariés qui détiennent encore des titres physiques.

Enfin, le délai de remboursement à 21 jours avait le mérite de contenir le taux de commission de l’émetteur sous la barre des 2,5%. L’annonce de nouveaux taux harmonisés et leur simplification ne sauraient faire oublier que, dorénavant, les taux devraient tous graviter autour des 5%. « Ce sont des frais dix fois plus élevés que pour une carte bancaire par exemple. Et je m’oppose largement à l’argument que les émetteurs seraient des « apporteurs d’affaires », c’est la défiscalisation des titres qui apporte des affaires », conclut Romain Vidal.

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