Les amers, nouveaux faire-valoir des cocktails

  • Temps de lecture : 3 min

La scène des spiritueux assiste à un renouveau des bitters. Bien qu’ils ne datent pas d’hier, les amers offrent des profils plus contemporains, que ce soit à travers les nouvelles propositions de marques emblématiques ou l’émergence de nouveaux flacons, plus audacieux.

Les amers
La marque nantaise Beeter modernise l'offre de bitters concentrés avec des créations innovantes. Crédit : DR.

La consommation et le goût pour les bitters en France évoluent. Soutenue par une tendance de fond autour de l’amer, aussi bien dans les boissons que dans la cuisine, l’offre se développe avec une modernité inédite pour ce segment. Angostura, la marque emblématique de concentrés de bitters, avait notamment fait sensation, en 2020, en dévoilant un bitter au cacao. Elle récidive cette année avec la sortie, fin octobre, d’une édition anniversaire à l’occasion des 200 ans de la maison. Alors que son grand classique, aromatic bitter, présente des notes franches plutôt herbacées et épicées, ce nouveau flacon propose un profil plus racé, emmené par la cardamome, l’orange et des notes tourbées.

Ce parti pris très aromatique se retrouve également chez d’autres fabricants, et notamment de petits distillateurs français qui viennent répondre à une demande grandissante, aussi bien en bitters concentrés que du côté des amers d’apéritif. Dans la lignée de l’Aperol, la marque Lutèce entend «remettre la lumière sur les apéritifs français qui ont cédé beaucoup de place à des alcools italiens, malgré la tradition de la France sur le sujet des alcools amers et la gentiane», estime Joshua Fontaine, à l’origine du projet et co-fondateur des bars à cocktails Le Mary Céleste et Candelaria (Paris 3e). La boisson décline donc la plante star des amers, mais à plus faible dose pour laisser la coriandre, le fenouil et les baies roses amener de la fraîcheur, «plus moderne». Le sucre est également réduit, tendance suivie par la plupart des nouveaux fabricants. C’est le cas de Baccae, marque parisienne de spiritueux, dont l’amer est l’une des premières créations. Avec 130 g de sucre par litre seulement, la recette mise surtout sur un goût prononcé autour de la gentiane, du pomelo de Corse et d’un bouquet d’herbes (armoise, absinthe, sauge), qui permet à ce bitter de plaire aussi bien seul qu’en touche sur un cocktail.

À Nantes, la marque d’amers Beeter a choisi de déployer une gamme sophistiquée et inédite en France. «Lorsque nous avons ouvert notre bar à cocktail, nous ne trouvions pas les parfums adaptés à nos créations, explique Marine Lelièvre, directrice générale de la marque et du bar Medusa. Et surtout, parmi toutes les marques spécialisées, aucune française.» Dans ses flacons, des amers concentrés anis-menthe, vanille fumée ou encore rose. «Nous avons choisi de titrer à 30° d’alcool, ce qui est moins que la majorité des bitters. Nous ne travaillons pas des plantes amères mais à partir des zestes. L’apport en sucre est donc limité, ce qui implique un temps de macération plus long et une meilleure extraction des arômes.» Des fragrances amères, en spray, complètent la gamme pour développer l’expérience olfactive autour des cocktails. La mixologue, ancienne cuisinière, voit aussi grandir l’intérêt des chefs pour les bitters pour condimenter des sauces ou des crèmes en pâtisserie.

Ouvrir de nouveaux horizons, c’est aussi l’objectif des producteurs de bitters sans alcool. Les références se multiplient en réponse aux attentes sur le no-low. Sober Spirits, marque française d’alternatives aux spiritueux multirécompensée, a lancé fin août son premier bitter sans alcool. «On s’est rendu compte d’une énorme demande des professionnels pour de nouveaux alcools amers», note Calixte Payan, fondateur de la marque. Elaboré à partir d’un amer italien au profil similaire au Campari, il reprend tous les marqueurs du genre – notes d’orange sanguine, de gentiane, de genièvre, d’angélique -, et s’utilise comme la version alcoolisée. La recette a le mérite d’être sans sucre ajouté, essentiellement réalisée par extraction de l’alcool pour préserver les arômes. En 2025, un deuxième bitter sans alcool, au profil d’Aperol, viendra compléter l’offre. Monin, spécialiste des sirops, s’est aussi positionné sur le créneau depuis quelques années avec son Concentré de bitter, et décline désormais le concept à travers les cordials Paragon, des sirops acides sans alcool, explorant les arômes des baies, des poivres et de plantes rares comme le vétiver.

PARTAGER