Titre-restaurant : pour la CNTR, une réforme s’impose
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Quel avenir pour le titre-restaurant ? En partenariat avec l’agence de conseil en marketing C-Ways, la Commission nationale des titres-restaurant a mené une étude. Objectif : mieux répondre aux défis. Et ils sont nombreux.
Il est urgent de réformer le titre-restaurant. C’est ce qui ressort de la conférence organisée ce matin par la Commission nationale des titres-restaurant (CNTR). Et il y a de quoi. Le 23 novembre dernier, l’Assemblée nationale a voté la proposition de loi prolongeant dérogation sur l’usage alimentaire des titres-restaurant pour les deux ans à venir. Les salariés peuvent acheter des articles non consommables immédiatement (pâtes, riz, farine, etc.). Au grand dam des syndicats, l’Umih et le GHR.
Le Sénat examine le texte la semaine prochaine (début décembre). Actuellement, des sénateurs auditent des membres de la commission.
Le titre-restaurant, c’est quoi ?
Au CNTR, nous pensons qu’une prolongation de 12 mois est suffisante. Dans le même temps, nous devons réformer le titre-restaurant. Cela est indispensable afin de préserver ce bien social. Il y a urgence !
Né en 1967, le titre-restaurant réalise un chiffre d’affaires de 9,4 milliards d’euros (Md€) en 2023. Actuellement, 190 000 entreprises y souscrivent, soit 4,5 millions de salariés.
entreprises (restaurateurs, commerçants, et autres) acceptent le titre-restaurant
du financement du titre-restaurant revient aux salariés
C'est le plafond de dépense fixé par jour
La valeur faciale est en moyenne de 8,75 %. Ce marché est en constante augmentation année après année. A titre d’exemple, il totalisait quelque 3 Md€ de chiffre d’affaires en 2002. Ce chiffre atteint les 9 Md€ vingt ans plus tard.« Soit une multiplication par trois. Je rappelle le fait suivant. Aucun rendu de monnaie n’est autorisé », souligne Vincent Gallego, secrétaire général par intérim de la CNTR. Au regard de tous ces chiffres, pourquoi cette urgence à vouloir réformer le titre-restaurant ? Les raisons sont multiples.
La GMS grignote des parts de marché
La possibilité d’utiliser les titres-restaurant en grandes et moyennes surfaces alimentaires (GMS) remonte au milieu des années 1980. Peu à peu, ce circuit n’a pas cessé de gagner des parts de marché face aux deux autres canaux, la restauration, traditionnelle et rapide, et les commerce de bouche de proximité, comme les boulangeries.
Sur les 9,4 Md€ de chiffre d’affaires obtenu l’année dernière, 4 Md€ sont revenus au monde de la restauration, 2,9 Md€ à la GMS et 2,5 Md€ aux commerces de proximité. Avec les dépenses additionnelles des salariés, les achats alimentaires globaux se montent alors à 14 Md€, dont 8,6 pour la restauration, 2,9 pour la GMS et 2,5 pour les commerces de proximité.
En un an et demi, la GMS a pris 8 % de parts de marché. Au second trimestre 2024, elle totalisait 31 % des débouchés du titre-restaurant, contre 40 % pour la restauration et 29 % pour les commerces. A ce rythme-là, il ne fait aucun doute qu’elle obtiendra la première place en 2025, voire 2026 au plus tard.
Une telle perspective pourrait remettre en cause l’équilibre financier du modèle actuel. « Depuis sa création, il est rentable, ajoute-t-il. Ce qui ne serait plus le cas s’il devenait un titre alimentaire.» Le titre-restaurant coûte à l’Etat 2,2 Md€ . Il rapporte 2,9 Md€, soit un bénéfice de 845 millions d’euros pour le Trésor public. 1 euro dépensé en GMS rapporte 10 centimes à l’Etat. Ce même euro injecté dans un restaurant, la somme monte à 50 centimes. Et Romain Vidal de poursuivre : « Si la GMS prend trop de place, un risque déficitaire peut exister. C’est une des craintes de la CNTR.» Et amener sa disparition à terme, déficit colossal du budget français oblige.
Pistes de réflexion
« Notre dispositif doit être pérennisé et modernisé », annonce Jean-Michel Rousseau, vice-président de la commission (collège des salariés, CFDT). Lequel énumère des solutions qui pourraient voir le jour. Avec comme clé de voûte, la réaffirmation de la vocation sociale du titre-restaurant. La CNTR souhaite disposer de nouveaux moyens et d’un statut ad hoc. Moyens qui pourraient servir à contrôler le respect ou non des conditions d’utilisation du titre-restaurant auprès des enseignes. « Différentes remontées du terrain nous font part d’abus caractérisés. On ne peut pas acheter de l’alcool. Nous ne possédons pas de force de contrôle », constate Romain Vidal.
Nous avons mis en place une charte où le distributeur est censé s’adosser uniquement sur la liste de produits acceptés à l'achat par la CNTR. Des progrès ont été réalisés. Néanmoins, des transgressions existent toujours.
Interrogations
La commission s’interroge sur la liste des produits alimentaires non directement consommables. Faut-il la maintenir ou non, l’étendre ? Voire créer un double plafond. L’un dédié au restaurant, l’autre à la GMS. Voire l’un aux produits à consommer de suite, l’autre à ceux qui peuvent attendre. Ce qui amènera à un fléchage des produits différenciés… Que dira alors le Conseil d’État en cas de double plafond ? « La réflexion est compliquée, reconnaît Jean-Michel Rousseau. Les quatre collèges* de la CNTR ont des appréciations différentes. Rien n’est abouti.» « Tout le monde est d’accord pour protéger le titre-restaurant, ajoute Romain Vidal. Nous devons trouver des solutions ensemble. Il est impensable de faire n’importe quoi avec le titre-restaurant.»
Des contacts ont été pris avec les équipes de Laurence Garnier, secrétaire d’État à la consommation. Aucun rendez-vous n’est programmé. Peut-être en janvier. Occupera-t-elle encore ce poste d’ici à Noël prochain ? C’est LA question.
*Les quatre collèges : employeurs ; salariés ; restaurateurs, détaillants fruits et légumes et assimilés ; émetteurs de titres-restaurant.
De nouvelles pistes de modernisation en débat. Outre la réaffirmation de la vocation sociale du titre-restaurant, Jean-Michel Rousseau, vice-président de la commission (collège des salariés, CFDT) a évoqué plusieurs projets. Pour simplifier l’usage du titre-restaurant, l’idée serait d’aller vers la dématérialisation totale.
De supprimer aussi une restriction devenue obsolète : son utilisation n’est rendue possible qu’au seul département où réside l’entreprise du salarié. Mais aussi d’augmenter sa valeur faciale, afin de se rapprocher du coût moyen d’un repas au restaurant.
Et, pourquoi pas, revoir la part salariale et celle patronale dans son financement. La dernière passant à 70 % par exemple au lieu de 55 % actuellement. Ce collège réfléchit également à l’intégration ou non des travailleurs non salariés. Autant de pistes, autant de débats.