Tourisme : Évian revit la Belle Époque

  • Temps de lecture : 5 min

La moitié de la clientèle touristique d’Évian-les-Bains vient de l’étranger. C’est bien moins qu’au cours de la Belle Époque, qui a conféré toute sa notoriété à la ville d’eaux. La station s’est appuyée sur cet héritage pour retrouver son rayonnement d’antan, tout en séduisant une plus grande diversité de publics.

1 500 curistes sont accueillis chaque année à Évian-les-Bains. Crédits : Ville d'Évian-les-Bains.
1 500 curistes sont accueillis chaque année à Évian-les-Bains. Crédits : Ville d'Évian-les-Bains.

Difficile d’oublier la Belle Époque dans cette ville construite à flanc de coteaux au bord du lac Léman en Haute-Savoie. Cette période, qui s’étend entre les années 1870 et le début de la Première Guerre mondiale, représente l’âge d’or ultime de la ville d’eaux. C’est à ce moment-là qu’Évian-les-Bains devient le lieu de toutes les mondanités et où la bourgeoisie internationale se presse. À la fin du XVIIIe siècle, il s’agit localement du deuxième plus gros bourg, juste après Thonon-les-Bains.

Ce sont les eaux qui propulsent la ville au rang de station thermale à la mode. Le comte Laizer, un Auvergnat qui fuyait la Révolution française, se serait réfugié chez Monsieur Cachat, et aurait consommé une eau plate minérale aux propriétés curatives, qui aurait soigné ses calculs rénaux. Il s’agit de celle d’Évian. Les médecins se mirent alors à la prescrire, et l’engouement fut très rapide. À tel point que la ville déploie son action sanitaire en proposant non seulement une eau potable bienfaisante, mais aussi des thérapies thermales. Il faut toutefois attendre 1826 pour qu’un établissement thermal soit construit le long de la rue Nationale, à l’emplacement de l’actuelle Buvette Cachat.

iLa Belle Époque d'Évian s'étend de 1870 jusqu'à la Première Guerre Mondiale. Crédits : Andréa Deconche.
La Belle Époque d'Évian s'étend de 1870 jusqu'à la Première Guerre Mondiale. Crédits : Andréa Deconche.

Les cures de l’époque associent toutes sortes de distractions, puisque l’endroit comprend en plus d’un hôtel et de quelques appartements, des salons destinés aux jeux, à la musique, à la lecture ou encore à la danse. À ce moment-là, plus de 20 000 visiteurs s’y pressent annuellement. Pour répondre à la demande d’une clientèle aisée, de grands et prestigieux hôtels s’implantent. C’est le cas du Splendide, avec sa vue imprenable sur le lac et la pointe de la Dent d’Oche, mais aussi le Royal Hôtel sur les hauteurs de la ville ou encore l’Ermitage. On y servait en guise de « verre de la nuit » des cruchons d’eau d’Évian. Toujours pour satisfaire les nombreux visiteurs, d’autres infrastructures voient le jour, comme le golf, le casino et le funiculaire qui conduit vers le centre-ville.

Déclin de l’enclave pour fortunés

La station thermale est entrée dans un cercle vertueux. Grâce aux recettes de l’eau vendue qu’elle perçoit sous forme de participation et de loyers de la part de la Société des eaux d’Évian, elle peut se permettre de magnifier autant ses infrastructures et son offre. Mais la ferveur touristique ne bat son plein que jusque dans les années 1930, date à laquelle la localité va commencer à se vider de ses têtes couronnées et autres célébrités. Comme pour d’autres stations thermales, son activité chute considérablement avec la crise de 1929, suivie par le deuxième conflit mondial. « Après les accords d’Évian signés en 1962, les grands hôtels se sont effondrés », ajoute Sébastien Buet, le propriétaire de l’hôtel Les Cygnes.

Il explique que la clientèle de pieds-noirs a, entre autres, stigmatisé la ville à la suite de la signature des accords d’Évian en 1962. La clientèle israélite a emboîté le pas, car l’Allemagne qui payait des séjours de cure de trois semaines aux déportés de la Seconde Guerre mondiale pour compenser les dommages vécus, a progressivement changé la cadence passant de chaque année à une année sur deux. La saison d’été, sur laquelle reposait l’intégralité de l’activité des établissements hôteliers, s’est alors radicalement ralentie. « Comme il y avait de moins en moins de monde, la saison s’est réduite comme peau de chagrin jusqu’à ne s’étendre que du 15 juin au 15 septembre », témoigne Sébastien Buet.

Après les accords d'Évian signés en 1962, les grands hôtels se sont effondrés.
Sébastien Buet, Propriétaire de l'hôtel Les Cygnes

Évian-les-Bains ne s’appelle alors plus qu’Évian, puisque l’établissement thermal d’antan, devenu le Palais Lumière, devient un temple culturel. Il est tout à la fois médiathèque, salle d’expositions et centre des congrès, simple héritage de ce passé thermal avec sa façade, son vestibule et son hall d’entrée classés. Marc Francina, maire de la ville d’eaux de 1995 à 2019, se plaisait à rappeler qu’ « Évian n’est pas qu’une bouteille » .

Les élus locaux travaillent alors à ce que l’attractivité de la ville se refonde non plus uniquement sur la cure thermale, mais également sur un panel d’activités et sur sa richesse patrimoniale, tirée de la Belle Époque. « J’ai pu me rendre compte avec mon mandat à la région, que les cures s’essoufflaient au niveau national. Nous nous sommes donc tournés vers ce que nous appelons la “station thermale de pleine santé”. Comment apporter autre chose que la cure médicalisée classique ? C’est la question qui nous anime aujourd’hui », détaille Florence Duvand, première adjointe à la ville d’Évian-les-Bains, chargée de l’attractivité et conseillère régionale déléguée au thermalisme, au tourisme et à l’événementiel. Si jadis il fallait se rendre dans cette région frontalière pour goûter à l’eau d’Évian, aujourd’hui ses bouteilles viennent aux clients, peu importe l’endroit dans le monde où ils se trouvent.

Station de bien-être

Le thermalisme reste pour autant important localement, puisque l’usine des eaux d’Évian, rappelons-le, est le cœur du bassin d’emplois local. Si l’établissement des thermes s’installe en 1984 sur les quais de la ville, c’est désormais un peu moins de 1 500 curistes qui sont accueillis chaque année. « Nous proposons des cures thermales, donc en ce sens, Évian-les-Bains a récupéré son statut de station thermale. L’eau soigne certaines pathologies, mais maintenant, c’est davantage une station de bien-être », note Florence Duvand. En effet, les représentants de la ville œuvrent à en faire une station touristique de bien-être et de l’art de vivre. La situation frontalière attire autant que le cadre et les paysages entre lacs et montagnes.

La ville a conquis toutes les clientèles grâce à la diversité de ses logements : du deux-étoiles au palace, il y en a pour tous les budgets. Labellisée « Famille plus » en 2019, Évian-les-Bains a même réussi à élargir la saisonnalité, en restructurant son patrimoine. « La population touristique de la ville monte crescendo pour l’été. Cependant, avec l’activité événementielle ainsi que les hôtels et les commerces qui sont ouverts à l’année, la saisonnalité n’est plus la même. La ville s’anime sur l’ensemble de l’année », affirme la première adjointe. La crise sanitaire a par ailleurs constitué un rebond de taille, en attirant un flux sans précédent de clientèle plus locale, qui avait tendance à bouder la destination.

PARTAGER