Sodas régionaux, une alternative dans l’air du temps

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Présents partout dans l’Hexagone, les sodas régionaux demeurent une alternative séduisante aux géants du secteur grâce à une offre de plus en plus diversifiée, qui insiste sur l’artisanat et le boire sain.

Oléron Mojito
Oléron Mojito

Les sodas revendiquent aussi leur terroir. C’est au début du nouveau millénaire que sodas et colas régionaux ont commencé à faire parler d’eux en France. L’acte fondateur : en 2002, Stéphane Kerdodé et Éric Ollive s’associent à la brasserie Lancelot dans le Morbihan pour lancer leur Breizh Cola. Dix-sept ans après, leur boisson est incontournable dans le paysage des softs à connotation régionale et continue localement à titiller les leaders américains. Autre exemple, autres latitudes, mais même époque : nous sommes en 2003, quand le Corsica Cola fait fureur sur l’île de Beauté, profitant de la canicule qui sévit alors. Depuis, nombreux sont ceux qui se sont engouffrés dans la brèche, espérant capitaliser sur l’engouement retrouvé pour le terroir et l’envie de consommer localement. Certains n’ont pas tenu le cap, d’autres se lancent encore aujourd’hui, dynamisant le marché des colas régionaux qui quadrille aujourd’hui le territoire.

Artisanat et naturalité

Dans la course à la différenciation face aux géants industriels, il s’agit évidemment pour ces acteurs de proposer des boissons qui valorisent au maximum les notions d’artisanat et de produits naturels. En Alsace, chez la société Lisbeth, qui produit le Elsass Cola, on utilise l’eau des sources de Soultzmatt et du sucre naturel. En Savoie, le Yaute Cola se décrit comme un soda bio, tout comme la Maison Savouré en Eure-et-Loir, qui va bientôt décliner son Beauce Cola dans une version bio spécialement destinée aux épiceries fines et aux restaurants.

Parfois, c’est ouvertement une démarche écologique militante comme avec le Meuh Cola en Normandie et sa recette « sans caféine, sans acide phosphorique, à base de sucre de canne équitable » .

Sébastien Bellétoile, gérant de l’entreprise Solibulles, qui chapeaute cette boisson originaire de Saint-Pair-sur-Mer, explique : « C’est aussi un savoir-faire que l’on défend.

Aujourd’hui, quand on tape “limonade-rie” sur un ordinateur, on vous souligne le mot en rouge ! Avant la guerre, la Normandie comptait 500 limonade-ries : c’est cette tradition que l’on veut réhabiliter ! »

On peut également évoquer le cas du ColAdoré de la brasserie Germanoise, dans la Loire, qui travaille sur un produit « plus naturel et 10 % moins sucré que les autres colas » en s’associant notamment avec leurs voisins les caramels Nigay. Pour Stéphane Lemieux, créateur de la Bullerie à l’origine de l’Oléron Cola et de limonades artisanales, il faut avant tout tracer sa propre voie : « Pour nous, il n’est pas question de copier Coca Cola ou de s’en rapprocher, au contraire même.

Par exemple, notre produit joue beaucoup sur les arômes de citron. Et c’est d’ailleurs ça qui fait la différence chez les professionnels de la restauration.

Certes, on est en moyenne 30 ou 40 centimes au-dessus des concurrents habituels, mais on apporte une alternative qualitative et locale. Dans notre cas, de plus en plus d’établissements sont prêts à jouer le jeu et même, parfois, à nous donner une exclusivité. »

Le CHR : un marché à conquérir

Si quelques marques se cantonnent encore exclusivement aux supermarchés, beaucoup investissent de plus en plus le CHR. Les patrons comme les réseaux de distribution ont compris que les clients étaient friands de ces offres, qui se démarquent du tout-venant. Dans le Pas-de-Calais, à Hénin-Beaumont, Jean-Claude Del forge prévoit ainsi de totalement réinventer son Chtila Cola : « Je suis un tout-petit et, après avoir eu des difficultés financières, j’ai décidé de mettre la marque en stand-by pour 2019. Le Chtila Cola sera de retour de l’année prochaine avec une unique bouteille de 33 cl destinée aux cafetiers et aux restaurateurs. » En Lorraine, les emblématiques limonades Lorina, récemment rachetées par le groupe danois Royal Unibrew, optent elles aussi pour la diversification. Le directeur commercial, Stéphane Lemoine, nous en dit plus : « Lorina a pendant longtemps été peu présente sur le CHR, alors que l’on peut répondre à ce désir d’une prémiumisation de l’offre des softs. Nous allons développer de nouveaux produits, de nouveaux formats et faire un travail de fond sur la distribution. Nous visons les grandes brasseries et les établissements qui mettent en avant la gastronomie française. » Chez Lisbeth, la présence en CHR a toujours été dans l’ADN de leurs boissons, comme le souligne Francis Staerck, responsable des ventes : « Dès le lancement en 2004 du Elsass Cola, nous avons opté pour le verre consigné, pour être au plus près du consommateur. Nous sommes aujourd’hui présents dans un périmètre très local, mais avec une diversité de profils intéressante, de l’établissement gastronomique au bar traditionnel, aussi bien en ville que dans des territoires ruraux. »

Un plus non négligeable pour les brasseurs et les minéraliers

Dans de nombreux cas, les colas régionaux sont un moyen pour des entreprises de boissons de diversifier leurs activités en mettant à profit des moyens techniques et une force de production déjà établis. On parlait plus haut des sources de Soultzmatt avec la société Lisbeth, dont le cola représente 4 % de la production globale. On peut également évoquer la brasserie Mira à Arcachon, qui en 2018 a agrémenté sa gamme de bières d’un cola et de limonades, dont ils écoulent 1 000 hectolitres par an de Bordeaux à La Rochelle et même jusqu’à Toulouse. Même démarche pour la Brasserie d’Olt dans l’Aveyron, avec le Colt Cola ou le Berry Cola grâce à l’Atelier de la bière à Villedieu-sur-Indre. Pour les Brasseurs Savoyards, c’était aussi une question de continuité : « Nous avons racheté la brasserie en 2014, précise Sébastien Tissu, chargé du marketing et de la communication. Nos prédécesseurs avaient ce passif de limonadier ; ils faisaient d’ailleurs l’Alp Cola.

Pour des raisons de droits, nous n’avons pas pu garder cette appellation. On a pris deux ans pour revoir en profondeur l’offre des softs et, notamment, imaginer le Yaute Cola ! »

Perspective bâtiment : Lempdes, Audebert Boissons

Il y a presque cent vingt ans, Audebert Boissons lançait son activité de limonadier et de grossiste en vin du côté de Bort-les-Orgues. Aujourd’hui, l’entreprise a fortement diversifié ses activités (torréfacteur, brasseur), notamment sous l’impulsion de Philippe Audebert, qui s’est également réapproprié en 2011 la production de l’Auvergnat Cola. Désor mais à l’étroit dans le site corrézien, la société a récemment posé la première pierre de sa nouvelle usine à Lempdes, où sera produite toute la gamme de softs (dont l’Auvergnat Cola), les bières, mais aussi du whisky, qui devrait être commercialisé à partir de 2022.

L’ouverture est prévue pour juin 2019. Le site de 4,5 hectares disposera d’un bâtiment de 8 200 m. Au total, 15 millions d’euros ont été investis.

Audebert Boissons continue son expansion.

Le tour de France des colas

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