Le Gin et son Tonic, un duo gagnant en pleine croissance

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Les ventes de gin connaissent une envolée en CHR, surfant sur le « made in France » et sur le succès retentissant du cocktail Gin Tonic. Une aubaine pour les restaurateurs.

(Photo Jez Timms / Unsplash)

Après avoir été confiné à une image vieillotte pendant quelques décennies, le gin a au-jourd’hui pris sa revanche et se décline en des milliers de marques dans le monde. En 2019, le marché français des spiritueux pèse 29,6 millions de litres en CHR, soit une hausse de 3,43 % par rapport à 2018. Si le gin ne représente que 4,4 % de l’ensemble de la catégorie, il connaît la plus forte progression à + 17,91 % * , soit sa plus forte croissance depuis trois ans.

Ce renouveau, le gin le doit à la consommation exponentielle de spiritueux français : « Il y a une très forte production française, le gin n’échappe pas à ce phénomène. Beaucoup de distilleries nouvellement créées commencent par produire du gin, avant le whisky qui doit au minimum vieillir trois ans. Cet alcool permet de commencer son activité rapidement » , analyse Franck Poncelet, cofondateur d’Amuse-Bouche, organisateur notamment du salon France Quintessence qui a accueilli une vingtaine de marques en 2019. « C’est l’une des plus grosses catégories représentées au salon avec le cognac », poursuit-il.

Il faut dire que le goût légèrement amer ainsi que son mode de consommation en verre ballon répondent aux nouvelles attentes des clients. Le pionnier dans l’Hexagone est la Maison Ferrand qui a lancé dès 1996 l’un des tout premiers gins artisanaux du monde, Citadelle qui n’intègre pas moins de 19 plantes.

Mais le succès n’est pas venu d’où on l’attendait : une vingtaine d’années auparavant la catégorie ne séduisait guère, Citadelle aurait pu rester dans l’ombre si le médiatique chef espagnol Ferran Adrià n’avait pas été inspiré par ce gin artisanal français pour créer un Gin Tonic gastronomique. La révolution gin s’enclenche alors en Espagne avec comme chef de file Citadelle, une fièvre qui atteint ensuite le sol français. Le propriétaire Alexandre Gabriel revendique d’ailleurs fièrement sa fabrication française, et son gin sera même prochainement élaboré avec les baies de genièvre issues de son Château de Bonbonnet en Charente. S’il fallait plusieurs années pour atteindre l’autosuffisance, l’objectif est fixé. Depuis, la collection s’est étoffée avec le Réserve, un gin vieilli en ex-fût de cognac, ou encore des gins élevés dans différents types de fûts, acacia, merisier ou châtaignier.

Marchant sur les pas de ce précurseur, les producteurs sont de plus en plus nombreux à créer leur recette. À la tête de Maison Villevert, Jean-Sébastien Robicquet a créé il y a plus de dix ans les gins G’Vine, après la vodka Cîroc. Fabriqué à partir de raisin et de fleur de vigne, G’Vine est déjà présent dans plus de 30 pays et figure dans le top 5 des gins « super premiums » (au-delà de 40 €) les plus vendus dans le monde, selon IWSR. Ces très beaux succès ont naturellement encouragé d’autres producteurs à se lancer sur ce marché. C’est le cas de Guillaume Drouin, à la tête de la maison de calvados Christian Drouin et représentant la troisième génération d’une lignée de fabricants de calvados, qui s’est lancé sur le segment en 2015, misant également sur le savoir-faire régional mais aussi sur un packaging clivant et différenciant.

Le gin de la distillerie de Coudray-Rabut (Calvados) est ainsi élaboré à partir d’un mélange d’alcools de grains et de distillat cidres dans lequel ont macéré du genièvre mais aussi des pommes de la région et d’autres ingrédients. Plus récemment Miko Abouaf, un jeune Franco-Australien a installé sa microdistillerie, Audemus Spirits, non loin de Cognac, pour créer Pink Pepper, un gin atypique au poivre rose. Ce spécialiste dans l’élaboration de spiritueux « haute couture » s’est même lancé dans une nouvelle aventure en créant le gin d’Anne-Sophie Pic en collaboration avec elle. Définis comme une « senteur à boire » , les arômes ont été soignés pour coller à la cuisine de la cheffe trois étoiles. On y trouve des agrumes rares comme le cédrat et le citron Meyer qui ont poussé dans les Landes. Il y a aussi des baies de la passion d’Éthiopie et du poivre cubèbe d’Indonésie (poivre à queue). Enfin un thé noir japonais apporte sa note fumée. Si on doit le succès des gins « made in France » à tous ces producteurs visionnaires, on le doit aussi bien sûr à son abondante utilisation dans les cocktails.

JAMAIS SANS UN TONIC

La résurrection d’un classique du cocktail, le Gin Tonic, participe fortement au succès de ce segment. En effet, 90 % du gin consommé l’est par ce biais en France. Il existe donc, en parallèle, un nouveau marché de tonics haut de gamme, peu dosés en sucre, pour laisser libre cours à la créativité des barmans. Fever-Tree, créé en 2005, est un acteur incontournable puisque leader en France sur la catégorie des premiums mixers. « Nous avons ouvert la voie, une quinzaine de marques se sont développées depuis, observe Arthur Faguer, country manager France. L’ambition initiale était de passer d’une consommation du tonic au pistolet et à la bouteille en plastique à une consommation à la bouteille en verre de 20 cl qui garde la qualité et qui constitue la dose idéale pour la réalisation d’un long drink », poursuit-il.

Ainsi, la marque possède 6 références, classées selon quatre catégories de profils aromatiques, afin d’être en mesure de proposer le tonic qui sublimera le mieux le gin du bartender. Les ingrédients sont 100 % naturels. Si Fever Tree dispose du soutien des bartenders, il l’a aussi de la part des chefs. Huit d’entre eux ont imaginé des recettes d’association entre cocktail et amuse-bouche, en sélectionnant chacun un mixer Fever-Tree, pour donner naissance à un livret d’accord disponible gratuitement sur le site de la Maison du Whisky. The London Essence Company (groupe Britvic France) est un autre acteur important puisqu’il pèse 10 à 12 % du marché des tonics premiums. « La gamme a été créée en association avec des barmans dans le but d’accompagner des spiritueux de qualité. Elle est la moins sucrée du marché et élaborée à partir d’essence botanique distillée, détaille Julie Pouquet, marketing manager chez Britvic France.

Le mixer vient sublimer l’alcool et non le noyer sous une couche aromatique artificielle. » La marque, qui comprend 4 références (Classic London, Orange amère-fleur de sureau, Pamplemousse-romarin et Original Indian Tonic) est présente dans 300 établissements en France. Le tonic premium poursuit donc un but : s’assurer que chaque gin ait son équivalent en tonic afin que ce spiritueux puisse s’exprimer pleinement.

NOTE* Fédération française des spiritueux, part des ventes 2019, hors départements d’outre-mer.

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