Le Pastis s’émancipe

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Le pastis se réinvente. Des innovations pour Ricard – une grande première depuis 86 ans -, nouveau design pour la bouteille iconique de Pernod, renforcement de l’ancrage régional pour Bardinet la Martiniquaise et un positionnement grand cru pour Bardouin… Bousculer les codes pour regagner sa place à l’apéritif, telle est la stratégie du pastis.

Pastis 51
Pastis 51

En France, le marché des anisés reste un poids lourd : il est la deuxième plus grosse catégorie en France, avec 22 % de parts de marchés sur le total spiritueux, derrière les whiskies avec 41 % PDM1. Du fait de la perte d’acheteurs qui se dirigent vers les bières et les vins rosés à l’apéritif, les anisés subissent une décroissance à long terme. Néanmoins, le groupe Pernod indique que tout n’est pas noir : « Le moment apéritif reste très fort en France avec 27 millions d’apéritifs (alcool + sans alcool) par semaine (source : Kantar – CAM P9 2019) les anisés répondent à la nouvelle attente de fraîcheur des consommateurs. 45 % des consommateurs prennent un apéritif pour boire quelque chose de rafraîchissant versus 34 % en 2011 (source : BEM 2016) ». On en observe déjà les effets en CHR : cette année la catégorie est en légère croissance, à + 0,1 %2 versus – 7,3 % en 2018, « une vraie première », se réjouit le directeur commercial de Bardinet La Martiniquaise, Jean-Louis Denis. Les volumes écoulés se stabilisent autour de 3,25 millions de litres. En ayant pénalisé la grande distribution au profit des circuits cash et grossistes, l’effet égalim aide le CHR à mieux résister.


Bardinet La Martiniquaise
Bardinet La Martiniquaise mise sur un portefeuille d’anisés de marques régionales.

« Le Pastis est en croissance cette année de + 0,1 %, une vraie première. »


Pour faire face à l’évolution des habitudes des consommateurs au restaurant, le pastis s’est adapté et n’a de cesse depuis quelques années de se réinventer. La tendance à la naturalité étant venue rafraîchir tous les secteurs de la grande consommation, certaines marques ont choisi de s’y atteler. C’est par exemple le cas de Ricard, dont la restauration représente 35 % de ses volumes, qui a lancé Plantes fraîches en 2018 et qui vise les 30-40 ans. Une première innovation depuis 86 ans qui présente un profil végétal. E
n partenariat avec des producteurs sur le plateau de Valensole, en Haute-Provence, elle est élaborée à partir d’anis de fenouil. « Cette nouvelle référence contribue à notre belle performance sur l’année 2019 [Ricard affiche des volumes en croissance de + 2,6 %, NDLR]. On l’a fortement installé en CHR avec plus de 1 000 points de vente, explique Isabelle Pernet, manager innovation sur la marque Ricard. C’est un produit stratégique qu’on va continuer à défendre, car il est en ligne avec les attentes du consommateur qui est à la recherche de produits de qualité en circuit court. »


Ricard
Ricard Plantes fraîches a conquis un public d’amateurs
de spiritueux qui veulent explorer l’anis.

D’autres marques misent sur un positionnement premium et une communication fondée sur la tradition : Henri Bardouin en est le légitime représentant. En effet, ce pastis est composé de 65 plantes et épices rigoureusement sélectionnées. Le P-DG de l’entreprise centenaire Distilleries et Domaines de Provence, Alain Robert, explique d’ailleurs qu’ils insistent sur « le fait-main, on rappelle qu’il concentre tout un savoir-faire provençal et que la distillerie elle-même est héritière d’une tradition ancestrale. C’est un pastis de travailleurs, d’herboristes et de cuisiniers. » La marque est portée par ce positionnement premium et, ainsi, progresse en CHR, qui représente 30 % de ses ventes. « Nous avons la chance de compter parmi nos clients des restaurants étoilés, ce qui a un impact sur l’image du produit », se réjouit-il.


pastis Henri Bardouin
Le pastis grand cru Henri Bardouin est très présent à Paris, dans la région lyonnaise et en Provence-AlpesCôte d’Azur. Ⓒ Snouz Dop

L’enracinement local de marques régionales est l’autre fer de lance des producteurs. Casanis (+ 1 % en volume à la fin décembre 2019) en est la parfaite illustration : « Elle reste une marque avec des ancrages régionaux [Paca, Corse et Paris, NDLR] très marqués », informe Jean-Louis Denis (Bardinet La Martiniquaise. Pour garder ce cap initié depuis environ trois ans, le groupe français indépendant de vins et spiritueux met en avant l’usage de la mauresque qui provient de Corse et identifie chaque année un établissement partenaire, installé dans l’une de ses régions, et le personnalise aux couleurs de la marque. De quoi évoquer l’histoire de la marque et son appartenance au patrimoine corse. Au-delà de Casanis, le groupe place un portefeuille de marques locales et régionales, mais « qui ne se chevauchent pas, chacune ayant son périmètre », au centre de sa stratégie. Suite à la reprise de la distribution Marie Brizard Wine and Spirits, de nouveaux anisés enrichissent l’offre en CHR. Traditionnellement, l’apéritif des pieds noirs, l’anisette à base d’anis vert est consommé dans le sud-est et à Paris. La marque Berger (blanc et jaune), quant-à elle, qui pèse 20 000 litres en restauration, est très présente dans le sud, en Languedoc-Roussillon, mais aussi à l’ouest, en Normandie. Enfin, pour remettre le pastis sur le devant de la scène, l’innovation et les nouveaux usages de consommation qui en découlent sont au cœur de la stratégie des producteurs.


Casanis pastis

Un établissement sélectionné par Bardinet La Martiniquaise fait l’objet d’une mise en avant particulière,
autour d’animations et d’une fresque qui reste sur les murs à la suite de l’opération.

S’affranchir des codes

Ricard accélère le rythme de ses innovations, en suivant les tendances du bio et du fruité. Un pari audacieux car le bio n’est pas le plus vendu au rayon des spiritueux. « On décline une palette d’anis, réglissé pour la version classique de Ricard, végétal avec Plantes fraîches, et désormais fruité », explique Isabelle Pernet. Citron et amande sont les deux référence de la nouvelle gamme certifiée en agriculture biologique et qui vise en priorité les 23-30 ans. « Il faut valoriser la catégorie des anisés qui reste assez monolithique et casser les codes », poursuit-elle. Ce lancement doit être accompagné du programme pastisologie pour mettre en valeur le savoir-faire autour de l’anis. Ainsi, des masters class pour les clients de la marque seront organisés pour que, à leur tour, ils soient à même de parler du potentiel de cet ingrédient à leurs clients.


Ricard
Ricard fait le pari audacieux du bio.


Par ailleurs, le Pastis 51 (Pernod), deuxième marque du marché des anisés derrière Ricard en CHR (12 % de ses volumes sont écoulés en hors domicile), « adopte un ton original et décalé pour transmettre la fraîcheur à ses consommateurs “ Y’a pas de règle tant que c’est frais ! ”», expose Marie-Camille Lesueur, chef de produit de la marque. Pour ce faire, sa stratégie consiste à « briser les codes de consommation en proposant trois modes de consommation : 51 classique (2 cl de Pastis 51, 10 cl d’eau et quelques glaçons), Demi 51 (3 cl de Pastis 5, 22 cl d’eau et beaucoup de glaçons), et 51 Piscine (2 cl de Pastis 51, 14 cl d’eau cascade de glaçons) ». 
Le lancement de la nouvelle bouteille Pastis 51 s’inscrit dans ce positionnement fraîcheur, une attente forte de son cœur de cible : les hommes de plus de 35 ans.


Pastis 51
Pastis 51 (Pernod) donne un coup de frais à son iconique bouteille.

Notes :

1. Source IWSR 2018 : total France (GD + CHR).

2. Source panel Nielsen CHR – CAM P13 2019.

Ricard change de look

Le siège mondial de Pernod Ricard est désormais à côté de la gare Saint-Lazare, à Paris, au carrefour de la rue de Londres et de la rue d’Amsterdam. Cette construction a été réalisée par l’agence Ferrier Marchetti Studio. En parallèle de cette nouveauté, Ricard revoit le look de sa bouteille originale dont le design avait déjà été renouvelé il y a une dizaine d’années. Cette fois-ci le il a été retravaillé en collaboration avec l’agence Dragon rouge pour répondre à quatre objectifs : « modernisation, valorisation, narration et différenciation de la bouteille Ricard ». La feuille d’acanthe a été retravaillée à la main, la couleur jeune emblématique de la marque a été accentuée et l’origine 100 % naturelle des ingrédients est désormais affichée.


Ricard

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