Rhums : les règles du jeu se resserrent

Le 25 mai 2021 a représenté une petite révolution dans le monde du rhum puisque la nouvelle législation européenne sur l’appellation de ce produit entrait en vigueur. Votée deux ans plus tôt, elle impose désormais aux fabricants plusieurs critères assez rigoureux, comme un taux de sucre inférieur à 20 g par litre, ne pas contenir d’additif à l’exception du colorant caramel et du sucre dans les proportions précédemment citées. La vanilline est désormais proscrite. Le taux d’alcool doit être supérieur à 37,5 °. Enfin, c’est l’âge du plus jeune alcool de l’assemblage qui doit être exprimé sur l’étiquette ; ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent dans tous les pays. Le législateur s’est aussi penché sur l’appellation rhum arrangé. Ces boissons doivent présenter une teneur en alcool d’au moins 15 ° et un taux de sucre résiduel inférieur à 100 g/litre. Enfin, seuls les arômes naturels sont tolérés. Si cette nouvelle législation ne devrait pas trop perturber les rhums français, elle touche en revanche un certain nombre de produits parfois bas de gamme, mais aussi des marques plus réputées telles que Don Papa, qui traditionnellement évoluaient sur certains produits avec un taux de sucre supérieur à ce qui est désormais toléré.

Des nouvelles expériences de dégustation

Ce tour de vis représente la rançon du succès de ce marché. Il devenait donc urgent de réglementer les usages. Les Français consomment près de 40 millions de bouteilles de rhum (dont un tiers dans les DOM-TOM) par an. En outre, une croissance des ventes de près de 10 % était observée en 2019. Le phénomène n’est pas nouveau. Les rhums blancs ont influencé la consommation avec l’engouement des Français pour les cocktails. Trois marques Bacardi (Bacardi Martini), Havana club (Pernod Ricard) et Saint James (Bardinet la Martiniquaise) dominent largement ce marché. Il faut noter que depuis quelques années, des rhums blancs bio émergent, notamment en France avec la marque Bologne et plus récemment avec une déclinaison bio de Saint James. Dans le sillage des blancs, les rhums bruns ont aussi profité de la tendance. Dans cette catégorie, de nouveaux produits sont apparus. On a pu voir arriver des rhums épicés comme Kraken spice qui connaît un beau succès actuellement en mixologie avec le cocktail Dark N’Stormy. Les rhums arrangés prêts à l’emploi se sont développés à l’image de la gamme HSE.

Mais le rhum brun prend désormais ses lettres de noblesse avec la multiplication de cuvées de vieux rhums. Les vieux alcools voient leur valeur monter et les marques créent l’événement avec des vieillissements dans des fûts spéciaux ayant déjà contenu d’autres alcools. De nombreux produits dans le monde produisent du rhum, mais il y a encore une dizaine d’années, certains d’entre eux n’étaient pas représentés sur notre marché. Aujourd’hui, les consommateurs avisés recherchent ces bouteilles d’origines lointaines afin de découvrir de nouvelles expériences de dégustation. À tel point que le rhum est venu s’ajouter aux spécialités normandes. Le château du Breuil, distillerie de calvados réputée, travaille depuis quatre ans sur d’autres spiritueux dont le rhum. Son dirigeant Frédéric Dussart a même accolé au nom du château l’entité La Spiriterie française. Depuis près d’un an, il propose Rum Explorer, une marque à partir de laquelle il décline huit rhums achetés de par le monde et vieillis six à neuf mois dans les chais de son château. « Nous avons les compétences et le climat doux et humide se prête bien au vieillissement, » assure Frédéric Dussart. Pour l’instant, Rum Explorer se décline à travers deux gammes. La première, Origines, propose sept origines géographiques aussi diverses que la Thaïlande, les Barbades, la Guyane et même l’Australie. L’autre gamme, Caribbean, résulte d’un assemblage de rhums issus de plusieurs pays de la zone caribéenne, mais également vieillis en pays d’Auge…