Deux races adaptées à l’élevage de demain

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L’aubrac ne s’affiche pas par hasard sur les supports de communication du Salon de l’agriculture 2018. La vache des hauts plateaux du Massif central incarne des valeurs qui tracent l’avenir d’une agriculture qui ne renie pas sa nature. Ses atouts de rusticité et d’autonomie lui assurent un rôle majeur à l’avenir.

Ces deux vaches sont les symboles de notre agriculture de montagne auvergnate. L’aubrac et la salers ont réussi à dépasser largement les frontières de l’Aveyron et du Cantal pour s’inviter sur les exploitations agricoles de divers horizons. Leur différence par rapport aux autres : la rusticité et cette capacité à être autonome, deux qualités que recherchent particulièrement les agriculteurs aujourd’hui. C’est ce qu’affirme Bruno Faure pour la race salers, président du département du Cantal mais aussi directeur du groupe Salers Évolution et du Herd-Book Salers : « Ses atouts sont incontestablement son autonomie, sa rusticité, ses aptitudes montagnardes et ses 99 % de vêlage sans intervention de l’homme. C’est également pour ses capacités à produire de veaux lourds de 300 kg. » Ces fameux veaux lourds font en partie le succès de la race Salers à l’export, mais aussi sur le territoire français. La salers est capable de nourrir et d’élever son veau avec son propre lait, tout en se nourrissant seulement d’herbe. « Pour produire un veau de plus de 300 kg, on a besoin seulement du lait de la mère et de l’herbe. Ce qui représente des conditions d’élevage intéressantes pour les éleveurs. » Cette autonomie de la vache, même durant la mise bas permet  non seulement un gain de temps mais aussi d’argent, « sa rusticité permet une certaine rentabilité. Les éleveurs ont actuellement des difficultés à agir sur les prix de vente, mais ils peuvent agir sur les coûts de production ». La réduction des frais vétérinaires, notamment au moment du vêlage, « le veau se dresse rapidement sur ses pattes pour aller prendre le colostrum de sa mère et ainsi être rapidement immunisé », et cette capacité à se contenter d’une alimentation essentiellement composée de fourrages permettent aux agriculteurs de maîtriser leurs dépenses. Des aptitudes que l’on retrouve également chez l’aubrac.

Une vache qui séduit


On compte 207 000 vaches Aubrac aujourd’hui dont 75 % sur le berceau de la race, et 223 000 vaches Salers dont 86000 dans le Cantal. Après le Cantal et le Puy-de-Dôme, ce sont  les départements de l’Orne, de l’Allier et de la Seine-Maritime qui accueillent le plus de vaches acajou. Des indicateurs qui permettent d’affirmer le développement de la race au-delà de l’Auvergne et sa vocation à séduire de plus en plus d’éleveurs. « On choisit la salers pour cette autonomie. En Bretagne, par exemple, où l’on trouve beaucoup d’agriculture hors sol, les agriculteurs recherchent des races qui se gèrent toutes seules sur leurs surfaces fourragères. » C’est exactement la même chose dans l’est du pays et ses terres céréalières. Dans cette partie de la France se développe d’ailleurs une autre manière de valoriser la salers : l’engraissement de taurillons, une piste peu exploitée dans le Cantal. « C’est beaucoup plus difficile pour faire cela dans le berceau, en zone de montagne », assure Bruno Faure. En effet, dans le Cantal comme l’Aveyron, beaucoup d’aubracs et de salers nées sur les terres volcaniques sont destinées à être exportées vers l’Italie, « qui a pour habitude d’acheter des broutards français ». Les veaux qui partent à 10 ou 12 mois de l’autre côté des Alpes y sont ensuite engraissés et mangés. Parmi les pays sensibles aux atours de la salers, on trouve également l’Irlande et l’Angleterre, deux pays historiques en matière d’exportation. « La salers est présente dans une quarantaine de pays et sur les cinq continents. Nous avons eu une grosse période d’exportation vers les États-Unis, l’Amérique du Sud et l’Australie dans les années 1970. Désormais, pour des questions de coûts, ce sont plutôt des semences qui partent vers ces destinations. Si en France on aime et on protège nos races, les autres pays ont moins cette culture et font beaucoup de croisements », signale Bruno Faure. Par ces croisements, les éleveurs cherchent cette fameuse rusticité et cette autonomie, mais aussi cette grande capacité de vêlage et les qualités maternelles de la salers.

À la recherche du gène perdu


Actuellement, « des marchés s’ouvrent, avec l’Algérie et la Turquie pour l’aubrac. L’Europe de l’Est apprécie également beaucoup sa capacité à valoriser les grands espaces », signale Marion Vernoux, chargée de communication de l’Upra Aubrac. Les Balkans sont aussi séduits par la salers. « La Croatie, la Bosnie ou la Serbie sont en train de reconstruire leur agriculture. Les habitants ont perdu les techniques agricoles et veulent revaloriser leur milieu rural. La salers comme l’aubrac se trouvent tout à fait adaptées pour cette mission. » Autre piste de développement menée actuellement du côté de la vache acajou, le travail sur la génétique pour réinsérer un gène disparu : celui des vaches sans cornes. Nous avons tous cette image des salers et de leurs belles cornes en forme de lyre au cœur des vertes montagnes, mais certaines vaches naissent depuis toujours sans  cornes. « Le problème, c’est que dans les années 1970, nous avons tout vendu aux Américains, pour nous, c’était une tare! Désormais, nous n’en avons plus. On essaie de réintroduire le gène car il existe une demande pour éviter les problèmes dans les trans- ports, à l’export notamment. Dans certains lycées agricoles français, les assureurs refusent d’assurer si les vaches ont des cornes par exemple. » La recherche génétique permettrait surtout d’éviter les techniques d’écornage des animaux, d’autant que, selon Bruno Faure, « des textes sont prêts pour interdire cela ». L’avenir de la race, Bruno Faure le voit plutôt de manière très positive. « C’est une race du xxie siècle », dit-il. Sa facilité de conduite et d’élevage, ses aptitudes façonnées sur les montagnes cantaliennes, sa capacité à se nourrir exclusivement d’herbe et la limitation des coûts de production qui en découlent, tout cela regroupe les attentes des jeunes agriculteurs qui s’installent. Du côté de l’aubrac, même son de cloche, « les agriculteurs cherchent à avoir une vie sociale, une vie de famille, c’est une vache qui n’est pas chronophage ». Le directeur de Salers Évolution l’affirme : « La salers est une race adaptée à l’élevage de demain. »

Une viande toujours au goût du jour

Au-delà des atouts qui intéressent les professionnels, dans l’assiette aussi la salers et l’aubrac mettent les amateurs de viande d’accord. Goûteuse, persillée, avec un peu de fermeté, « la salers mérite d’être correctement maturée, idéalement 21 jours en réfrigérateur pour l’attendrir. Sa couleur très rouge plaît beaucoup », mais pas seulement. Derrière les deux mots associés « viande salers » se déclenche dans l’esprit du consommateur une vision valorisante pour la race. « La salers, c’est la vache dans les prés, la vache qui mange de l’herbe. C’est la viande naturelle. » Une image qui colle aux attentes du public en quête d’authenticité et de produit de qualité qui respire le terroir français. Cette même sympathie concerne aussi l’aubrac. « C’est une viande qui a le vent en poupe auprès des consommateurs, assure Marion Vernoux, chargée de communication de l’Upra Aubrac. C’est une vache qui reste dehors les trois quarts de l’année, c’est un produit naturel. Nos éleveurs ont su garder cela au fil des années, et c’est ce qui fait notre force. » Cette tradition de l’herbe et du rapport à l’écosystème local porte aujourd’hui ses fruits.

Une race rustique

Haute, l’aubrac reine du salon

Impossible de la louper! Elle trône sur l’affiche du SIA 2018 comme une reine du plateau de l’Aubrac. Haute représente cette année fièrement non seulement sa race, mais aussi toute une région réunie derrière elle. « Il y a un an, l’Upra Aubrac a déposé un dossier pour être la race mise à l’honneur. C’est une candidature menée de manière collective avec la filière viande mais aussi le territoire », explique Marion Vernoux, chargée de communication à l’Upra Aubrac. C’est dans l’élevage de Thibaut et Florence Dijols que Haute a été sélectionnée pour ses capacités à représenter parfaitement la race de l’Aveyron, du Cantal et de la Lozère, tant sur ses caractéristiques morphologiques que sur cette fameuse productivité en matière de naissance. Haute fait son veau tous les ans, et sera d’ailleurs présente avec son petit dernier, Olympe. Pour l’apercevoir, rien de plus simple, elle sera installée à l’entrée du salon, entourée de toutes les autres belles aubracs et leurs yeux maquillés à l’entrée d’un stand de 100 m2. En incarnant l’égérie du salon, la race Aubrac espère un impact sur la consommation de sa viande, mais aussi une répercussion sur le tourisme. Haute n’est pas seulement une star de dix jours, elle incarne le dynamisme de toute une filière et d’une région de montagne impliquée dans la valorisation de ses atouts.

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