Le lait cru, le cheval de bataille d’une coopérative

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Fruit de la fusion de cinq coopératives de l’est du département du Cantal, à Pierrefort, la fromagerie des Monts du Cantal a fait du lait cru son cheval de bataille pour la fabrication du Cantal AOP, gamme haut herbage, bio ou classique. La coopérative mise avant tout sur la qualité et une bonne rémunération de ses producteurs.

Pierre Seguis
Pierre Seguis, directeur de la fromagerie pierrefortaise

Comme une sentinelle des volcans, de ce goût qui trône en bonne position dans la liste des madeleines de Proust de tout Cantalou, le Cantal AOP se doit de garder son ADN. Cette fameuse croûte, ces arômes lactés parfumés aux saveurs des herbages des montagnes, le fromage exprime particulièrement toutes ses capacités et son authenticité lorsqu’on le savoure au lait cru. Et le lait cru, c’est justement le cheval de bataille de la fromagerie des Monts du Cantal, installée à Pierrefort, côté est du département. « Dans les années 1980, les services vétérinaires ont fait pression pour supprimer le lait cru. De là, tout le monde a installé des pasteurisateurs, et la dérive de la qualité a commencé », accuse Pierre Seguis, directeur de la fromagerie pierrefortaise. Cet agriculteur, né à Montmartre d’une famille d’Auvergnats de Paris, a fait le choix de revenir au pays à 18 ans pour participer à la vie du territoire. « Toute ma famille est dans le bistrot, mais j’ai voulu revenir aux racines », dit-il, sourire aux lèvres. En Gaec avec son fils et sa fille, Martin et Angèle, il élève des vaches laitières en bio, dont le lait part automatiquement dans les cuves de la fromagerie des Monts du Cantal. Mais il n’est pas le seul. Ils sont une cinquantaine de producteurs, de Saint-Poncy à Lacapelle-Barrès, à faire vivre cette petite entreprise née de la fusion de plusieurs anciennes laiteries. À Valuéjols, Oradour, La Payre, Pierrefort et Alleuzet, les petites coopératives se sont réunies en 2006 pour prendre le taureau par les cornes et enrayer la perte de vitesse qu’elles observaient chacune de leur côté. L’objectif de ces cinq entités fortes du territoire : créer un outil de transformation, d’affinage et de commercialisation. Être libres. La coopérative de Valuéjols avait déjà affirmé sa position et son attachement aux traditions en misant sur le lait cru, et en proposant le cantal haut herbage depuis 2000, aujourd’hui véritable atout et réelle force de la fromagerie des Monts du Cantal.

Le lait cru: « indispensable pour apprécier le terroir »

Pour se différencier dans le paysage ultraconcurrentiel du lait, « il fallait trouver une valeur ajoutée ». Ainsi, le lait cru a été valorisé dès le départ pour aujourd’hui représenter 80 % de la production, « c’est notre savoir- être », prévient Pierre Seguis. Pour lui, ce parti pris « est indispensable pour apprécier le terroir, nos herbages et nos manières d’exploiter nos terres. Tout notre travail d’agriculteur est mis en valeur par le lait cru. Sinon, c’est du lait blanc. Et ce n’est pas ce qui nous intéresse », assure-t-il. Les fromages sont affinés sur place à Pierrefort, ou dans les caves de Valuéjols, mais aussi dans un site désormais emblématique : l’ancien tunnel ferroviaire situé à Saint-Poncy, près de Saint- Flour. Le Cantal AOP Haut Herbage incarne parfaitement les valeurs de ce regroupement de producteurs. Son cahier des charges englobe des producteurs situés à plus de 1000 mètres d’altitude pour garantir une herbe de montagne et des prairies naturelles sur une zone volcanique précise : le versant est du Plomb du Cantal. Dans son process de fabrication, qui reste en accord avec le cadre de l’AOP, le haut herbage prévoit un affinage de 120 jours au minimum pour l’entre-deux, et minimum un an pour le vieux cantal. 

La coopérative propose un fromage en hommage à la commune de Pierrefort.

Renforcer la présence chez les Auvergnats de Paris


Toujours dans ce souci de quête de la qualité, la coopérative s’est également spécialisée dans la fabrication de cantal bio depuis quatre ans, à la demande de certains producteurs. Si trois ans en arrière, « quand on proposait du cantal bio aux grandes et moyennes surfaces, on n’intéressait personne, aujourd’hui c’est un vrai phénomène de société. On nous rappelle car la demande des consommateurs est forte là-dessus ». La qualité, oui, mais c’est aussi la vie des agriculteurs qui est valorisée avec une meilleure rémunération des producteurs de lait. La base tourne autour de 330 euros les 1000 litres, mais, pour le haut herbage, le chiffre monte à 400 et pour le bio, il faut compter 470 euros. En 2018, malgré la sécheresse, la fromagerie devrait traiter 9,5 millions de litres de lait, dont près de 8 millions de lait cru. D’autres fromages sont également fabriqués, comme la tomme fraîche (au lait pasteurisé) ou le petit pierrefortais et la tomme des montagnes. En tout, la structure dégage un chiffre d’affaires de 7 millions d’euros. Cette année, la coopérative devrait même distribuer des dividendes à ses producteurs… Développer le volume ne fait pas partie des objectifs de l’entreprise, « nous voulons continuer à gagner en qualité, et en notoriété. Notre but est de valoriser nos produits et notre territoire. On se tire une balle dans le pied quand on court après les volumes », confie le directeur. Pour améliorer la visibilité du cantal au lait cru des Monts du Cantal, la fromagerie tient à renforcer sa présence à Paris, notamment auprès des Auvergnats. « On expédie déjà en direct auprès des brasseries, des bons crémiers et à Rungis, mais nous voulons développer notre force commerciale. Les Auvergnats de Paris sont nos ambassadeurs. Nous avons besoin d’eux pour dire que nos produits du Cantal sont bons. Le savoir-faire, c’est la première pub de notre département. » 

Sur internet
Fromages-du-cantal.com

Les cantals sont affinés en partie dans un ancien tunnel ferroviaire à Saint-Poncy.

La fromagerie des Monts du Cantal se distingue par sa production de Cantal AOP bio.

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