Petits formats, la carte gagnante du dîner

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Les assiettes à partager représentent la catégorie de menu en pleine expansion. Leur succès tient à l’évolution des habitudes alimentaires des consommateurs. Elles permettent aux restaurants d’améliorer leurs propositions culinaires et de mieux capter l’attention de leurs clients.

En restauration, la tendance est aux petites portions et aux repas à partager. Image d'illustration.
En restauration, la tendance est aux petites portions et aux repas à partager. Image d'illustration.

Les classiques entrée-plat ou plat-dessert s’effacent progressivement au profit de menus composés de petites assiettes à partager essentiellement au moment du dîner. Les clients ne sont plus soumis à l’organisation traditionnelle d’une carte établie par défaut ; ce qui les conduit parfois à saliver sur le plat de leur voisin. Aussi, ils ne sont plus contraints à se limiter au seul plat de résistance. Ces restaurants de petites assiettes, raciones en espagnol (« rations ») ou portions à partager, selon la nomination apposée, plaisent grâce à la grande liberté de composition qu’ils off rent. Ces offres culinaires inventives ainsi que la convivialité qui s’en dégage s’inspirent en eff et des bars à tapas espagnols. Pour autant, ces établissements et leurs prestations culinaires ne doivent pas être caractérisés comme tels ! Si les petites assiettes sont à partager, elles ne se composent toutefois pas de tapas, les petites bouchées individuelles habituellement consommées avec les doigts.

Des tapas à la française

De fait, si les restaurateurs ont perçu dans ces portions à partager un concept, ils leur ont conféré une identité propre. « On dit tapas parce qu’on ne savait pas comment appeler nos assiettes au départ. J’ai vu là un format qui allait pouvoir s’adapter à toutes les cultures, et non pas forcément une identité », émet Philippe Baranes, créateur et propriétaire de Braisenville (Paris 9e), un restaurant de petites assiettes à partager. Il voulait un endroit capable de casser les codes de la convivialité formelle. Néanmoins, il a complètement pris le contre-pied du concept espagnol : « J’ai retrouvé une grande linéarité d’assaisonnement en Espagne. Le même jus d’aubergine et de poivrons agrémentés d’huile d’olive était versé partout. Or, ce format de portions réduites conduit à l’obligation de proposer une cuisine intense », ajoute-t-il.

iLes chefs qui optent pour cette formule cherchent à décupler leur cuisine habituelle.
Les chefs qui optent pour cette formule cherchent à décupler leur cuisine habituelle.

Les chefs qui optent pour cette formule cherchent à décupler leur cuisine habituelle ; non pas quantitativement mais bien gustativement, en explorant toutes les associations de condiments et les jeux de saveurs. Ils n’oublient pas le côté visuel en proposant des assiettes graphiques et colorées.

Le but ? Provoquer une expérience nouvelle à chaque assiette et pour chaque client. « Les clients vont au restaurant pour passer un moment singulier et les petites assiettes induisent une certaine liberté. Rien n’incite les clients à consommer. Ils peuvent s’attabler trois heures comme s’installer pour prendre un cocktail et se laisser aller avec une de nos assiettes », atteste David Bottreau, propriétaire du Comptoir des Fables (Paris 7e).

L’établissement s’inscrit dans le registre des tapas et affiche une carte qui ne comprend pas moins de 30 petites assiettes à partager. Il est possible d’y déguster un cromesquis de cochon, siphon béarnaise et ses pickles d’oignons rouges ou un chou-fleur rôti, crème légère au concombre et pistaches.

Un bonus de convivialité

La convivialité a été le fil conducteur du projet imaginé par Jean-Michel Rotelli-Bihet. Ce dernier a ouvert le restaurant Gosier, rue Rodier (Paris 9e), en juin 2019. « Le concept des petites assiettes s’est naturellement imposé. Il s’agit d’un gage unique de partage et d’échanges. C’est un véritable appel à la convivialité qui me ressemble », livre-t-il. Au Gosier, les clients adhèrent au concept et se l’approprient. Cela permet d’encadrer la prise de risque de ceux qui ont parfois dû mal à se projeter sur les portions et sur les assemblages de saveurs présentés à la carte.

De manière générale, les petites portions sont regroupées par thématiques sur les cartes des restaurants. Les catégories les plus fréquentes sont : « terre », « mer », « viande », « végétarien » ou encore « douceur » pour la touche sucrée. « Dans ce type de modèle, si on veut que les clients puissent s’y retrouver, il faut fonctionner sous forme de thématiques. On leur indique ensuite simplement un ordre de dégustation pour respecter et apprécier la variété des goûts recherchés », poursuit David Bottreau.

Le Comptoir des Fables a ouvert un mois et demi avant le premier confinement engendré par la crise de la Covid-19. David Bottreau possédait déjà Les Fables de la Fontaine, un restaurant étoilé qu’il a tenu pendant 12 ans. « J’avais envie de changer et d’ouvrir ma cuisine au plus grand nombre. Nous travaillons de la même façon qu’un étoilé, mais le format est plus détendu et accessible. Nous recevons aussi bien des étudiants et des familles que des étrangers et des clients d’hôtels », relate-t-il.

iCe concept permet un renouvellement permanent de l’offre.
Ce concept permet un renouvellement permanent de l’offre.

Le restaurant Circonstances, localisé rue de Montmartre (Paris 2e), a également mis en place une carte d’assiettes à partager, uniquement le soir. Karin Rouet, la cogérante, s’aperçoit avoir « touché une plus grande clientèle avec les petites assiettes à partager » . Elle poursuit et ajoute que « ce concept a permis d’attirer une autre clientèle, plus jeune, très friande de ce genre d’ambiance conviviale et encline à la découverte ». L’ordre de service de la trentaine d’assiettes en suggestion reste aléatoire mais la carte, elle, évolue chaque jour.

Ce concept permet un renouvellement permanent de l’offre. Au restaurant Braisenville, deux assiettes de la carte changent au minimum chaque semaine. Au même titre qu’Au Comptoir des Fables, où un changement de carte a lieu tous les dix jours. « Le principe des petites assiettes permet de ne pas s’ennuyer et recouvre des possibilités infinies », témoigne David Bottreau.

Une rotation régulière

Au restaurant Gosier, le chef Raoul invente, quant à lui, sept nouveaux petits plats tous les 15 jours. Jean-Michel Rotelli-Bihet affirme que « la régularité au niveau du changement de carte plaît et rend une fidélisation naturelle de la clientèle ». Le Gosier est exclusivement ouvert le soir. Le patron de l’établissement a songé à optimiser l’espace. En effet, derrière le comptoir sont dissimulés la plonge, les cuisines et le bar. De plus, le balai des serveurs ainsi que les gestes de chacun sont millimétrés.

iLes petites portions sont regroupées par thématiques sur les cartes des restaurants.
Les petites portions sont regroupées par thématiques sur les cartes des restaurants.

Par ailleurs, les assiettes sont exécutées sous les yeux des clients. Une rotation régulière de la carte rend le concept plus rentable. « Quand les portions prévues pour un plat arrivent à bout, on passe immédiatement sur une autre proposition. On n’a jamais d’invendus », confie Karin Rouet.

Le Braisenville expérimente les petites assiettes depuis déjà onze ans. Ce recul permet en outre à Philippe Baranes de remarquer : « Si l’on ne renouvelle pas ses recettes, il y a forcément une baisse d’activité à un moment donné. » Ainsi, les clients passent leurs commandes au fur et à mesure et les plats arrivent au compte-gouttes sur la table. La formule des petites assiettes permet donc également d’éviter le gaspillage.

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