Une institution qui marque le pas

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Depuis plusieurs années déjà, les paris hippiques du Pari mutuel urbain (PMU) sont en repli en France. Même si la situation est nettement plus contrastée à Paris, force est de constater que l’opérateur de paris hippiques a vu son activité reculer de 1 %, à 2,52 milliards d’euros, au premier trimestre 2018. En cause, le vieillissement de la clientèle, un retard sur la digitalisation et la concurrence exacerbée des paris sportifs en ligne.

Les obstacles semblent difficiles à franchir pour France Galop et Le Trot, les deux entités régissant le groupement d’intérêt économique (GIE) composé de 57 sociétés de courses que constitue le Pari mutuel urbain (PMU). Dernier problème en date, le rapport de la Cour des comptes, publié en juin, qui égratigne la célèbre institution de paris hippiques ; les sages de la rue Cambon plaident en faveur d’une remise à plat et d’un changement de statut du PMU. La Cour des comptes se penche notamment sur les deux maisons mères des sociétés de courses. Ces dernières contrôlent le PMU, et donc la manne des parieurs, soit plus de neuf milliards d’euros en 2017 (77 % de cette somme est reversée aux parieurs, l’autre part est dédiée au financement de la filière hippique en France). Selon ce rapport, le PMU connaît une situation financière dégradée. Le pari hippique souffre en effet de la concurrence d’autres formes de paris et jeux, et n’a pas su se renouveler, certains le qualifient même de « ringard ».

Ainsi, le résultat net reversé par le PMU aux sociétés mères est en baisse régulière depuis le début des années 2010. Il s’établissait à 793 millions d’euros fin 2017 contre 876 millions en 2011. La Cour des comptes note « l’essoufflement de la stratégie de croissance du PMU » et dénonce « des masses salariales des sociétés mères qui ont fortement progressé ». Elle pointe également des dépenses mirobolantes, à l’instar de la reconstruction « très coûteuse » de l’hippodrome de Long-champ « sans que celle-ci s’accompagne de réformes structurelles permettant de réduire les charges de l’institution ».

Enrayer la chute

Alors que l’allure du PMU a ralenti considérablement, un nouveau duo a pris les rênes de l’institution cette année. Lors d’une assemblée générale en avril, Cyril Linette et Bertrand Meheut ont rejoint le GIE. Cette nouvelle gouvernance est en rupture avec le principe d’une nomination d’un numéro deux issu des rangs de Bercy. Bertrand Meheut occupe la présidence de l’opérateur historique de paris hippiques et Cyril Linette est devenu directeur général après avoir quitté le quotidien L’Équipe.

Le nouveau directeur général veut diminuer le nombre de courses pour séduire plus de turfistes. Selon le Figaro, le 11 octobre, il a présenté son plan stratégique au conseil d’administration de l’opérateur de paris hippiques. « J’avais l’image d’une belle endormie, qui est confirmée par ses performances. Depuis cinq ou six ans, les enjeux ont reculé de 1,6 milliard d’euros, à raison d’une baisse annuelle de 3 %. Actuellement, même notre activité de paris hippiques en ligne recule », a-t-il confié au quotidien. Les profits sont donc lourdement impactés. Cette année, le groupe espère réaliser un résultat net de 780 millions d’euros.

Situation contrastée

« Je suis fils de détaillant. Le PMU, je le connais depuis longtemps. Je l’ai découvert dans le point de vente de mon père. J’ai baigné dedans et j’ai assisté àla transformation des réseaux hippiques : la course du dimanche après-midi, par exemple, est devenue beaucoup moins attractive, la clientèle n’a cessé de reculer ces dernières années, déplore Fayçal Djelbani, président de la délégation de Paris Centre à la cham bre syndicale des buralistes de la région de Paris et gérant du Long-champ (Paris 2). Ces dix dernières années, l’institution n’a pas su se moderniser alors que la clientèle est vieillissante. À Paris, il y a entre 300 et 400 points de vente. Ici, depuis 2014, je suis à – 20 % de chiffre d’affaires sur le PMU. C’est une perte considérable : une entreprise du CAC 40, si elle subit une telle érosion, elle met la clé sous la porte. Aujourd’hui, j’ai peur pour l’avenir, d’autant plus qu’il n’y a pas de compensation à ces pertes. Quand on signe un partenariat avec le PMU, on est titulaire d’un point de vente et on a un pourcentage de 1,9 % sur le chiffre d’affaires. » La situation de Fayçal Djelbani est étroitement liée à la typologie de son établissement : les jeux représentent 30 % de son chiffre d’affaires, le bar 10 à 15 % et le tabac entre 40 et 50 %. « Tout baisse hormis les jeux de la FDJ pour moi. D’autres confrères subissent aussi des baisses », se cabre-t-il.

A contrario, au Surène, un bar-tabac-PMU du 8 arrondissement parisien, le chiffre d’affaires est plutôt stable et le PMU représente une activité complémentaire : « Le chiffre d’affaires n’évolue pas, mais ne représente que 10 % de notre activité. C’est un petit plus. Je conserve le PMU car j’ai une petite clientèle pour ça, sinon je le supprimerais. » Le constat est radicalement opposé aux Gagnants (Paris 6) où le patron est très enthousiaste. « Une baisse ? Quelle baisse ? L’année dernière, notre chiffre d’affaires lié au PMU a augmenté pour se fixer à 3,2 millions d’euros. Nous ne fermons jamais, nous n’avons pas pris de vacances l’an passé », se félicite-t-il.

Il n’empêche, à en croire Fayçal Djelbani, d’autres acteurs sont en grande difficulté, notamment au Café des sports (Paris 13) où l’établissement est équipé d’au moins six bornes PMU (un indicateur du volume de clientèle liée aux paris hippiques). « Le PMU doit se diversifier. Une course hippique, c’est quel que chose de noble et on manque de sensations en points de vente pour mettre ça en valeur. On manque d’une vision valorisée de la course. Les télés ne suffisent plus, même si les anciens s’en contentaient. La nouvelle génération, celle des smartphones, en demande beaucoup plus. Il faut mettre en valeur les points de vente et surtout aller davantage vers le digital et l’animation », assène-t-il.

D’après les professionnels interrogés, Cyril Linette travaille activement pour redorer le blason du PMU. Au mois de décembre, il y aura un « congrès des jeux » destiné aux détaillants, sous l’égide de Philippe Coy, président de la Confédération des buralistes. Il s’agira de discuter de l’avenir du PMU, perçu comme « un partenaire incontournable » par de nombreux détaillants. Contacté par L’Auvergnat de Paris, le PMU n’a pas souhaité s’exprimer dans l’immédiat, arguant qu’un important plan de relance allait être mis en place. Ce plan, qui devrait accorder une large place au digital et donner une meilleure lisibilité des courses, sera dévoilé dans les prochaines semaines, selon le service de presse de l’institution hippique.

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