Mocktails : les cocktails sans alcool offrent la vedette aux jus de fruits
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Exit le temps où le cocktail sans alcool se limitait à un jus de fruits agrémenté d’un trait de grenadine, voire à l’ersatz d’un classique rebaptisé « virgin ». Bienvenue dans l’ère des mocktails où l’équilibre des saveurs le dispute à la complexité de la recette. Un marché où les fabricants de jus de fruits rivalisent d’innovation.
Il ne suffit plus de retirer le rhum au mojito ou à la piña colada pour prétendre avoir une offre de cocktails sans alcool digne de ce nom. Le palais du consommateur s’affine et son attente aussi. Nielsen On Trade s’est d’ailleurs penché sur le phénomène cocktails en CHR, relevant que les professionnels ont pris conscience de cette tendance forte. Plus d’un établissement sur deux qui proposent des cocktails disposent de déclinaisons sans alcool. Ces boissons « zero proof » sont désormais dans le top 3 des cocktails proposés. Et ce, sans surprise, en réponse aux attentes des clients. « Aujourd’hui, le cocktail se consomme à tout âge, mais il va séduire malgré tout plus particulièrement les 25-44 ans, souligne Mathieu André-Febrero, directeur Nielsen On Trade. Cette tranche d’âge constitue une cible mature, disposant d’un pouvoir d’achat plutôt élevé et recherchant une consommation de boissons plus élaborée, qualitative et novatrice. » Et si 67 % des consommateurs de cocktails consomment à l’occasion des cocktails sans alcool, 16 % d’entre eux, principalement des femmes, ne boivent que des cocktails sans alcool. Quels leviers pourraient être actionnés pour inciter les clients à commander ces boissons non alcoolisées ? Les Français interrogés par Nielsen répondent : « S’ils étaient faits avec des saveurs qui me plaisent » à 36 %, mais aussi, « si leur prix était similaire à une boisson sans alcool », pour 20 %, ou encore « si on me le conseillait ».
Créativité à 360 degrés
L’idée serait donc d’offrir un moment particulier de dégustation. « Le consommateur ne recherche pas forcément un vir-gin, mais plutôt une création, relève Alice Vasseur, responsable de marque CHD chez Monin. Il s’agit de proposer un moment plaisir qui participe à l’expérience client. Il faut apporter un service en plus, pousser la créativité à 360 degrés, sur le garnish, les ingrédients, le verre… et ne pas ignorer l’aspect instagramable du cocktail ! » Côté recette, l’important est de veiller à l’équilibre. « Les trois piliers d’un mocktail sont le sucré, l’amer et l’acide. La base peut être un jus, mais aussi un soda ou un tonic, du thé qui rapportera de l’astringence, ou du café pour de l’amertume… Puis, utiliser des ingrédients suscitant la curiosité, comme notre sirop d’acérola Monin ou de baies roses, ou jouer la gourmandise avec le Fruit poire, ou encore ramener des notes végétales avec des feuilles de basilic. » Le tout étant de maîtriser sa composition. Et s’il fallait une preuve de l’intérêt que porte la profession à cette vague sans alcool, il suffit de regarder du côté des compétitions. Ainsi, The Bartenders Society, organisé par Saint James et Caraï bos, est le premier concours international qui accorde autant d’importance aux cocktails alcoolisés qu’aux cocktails sans alcool. L’édition 2019, dont la finale internationale se déroulera les 20 et 21 mai à l’école de cuisine Alain Ducasse à Paris, fait plancher près de 200 candidats sur le thème de la pâtisserie. « Il faut prouver que le cocktail sans alcool peut présenter les mêmes qualités organoleptiques qu’avec alcool, revendique Jean-Louis Denis, directeur commercial hors-domicile Bardinet La Martiniquaise.
Le rituel – verre, topping, etc. – doit d’ailleurs être traité avec la même exigence. L’expérience doit être tout aussi riche qu’avec un cocktail alcoolisé. Dans un établissement, la carte doit susciter curiosité et appétence. »
Concentré green tea par Monin.
D’ailleurs, Caraïbos ne cesse d’accompagner les professionnels en multipliant les références et en imaginant des recettes de cocktails, notamment sans alcool, à l’instar de son Cario’Caraïbos. « C’est une stratégie que l’on développe depuis plusieurs années, afin de répondre aux attentes du client, qui réduit sa consommation d’alcool pour des raisons sanitaire, religieuse, etc., mais qui souhaite vivre un moment festif », souligne Jean-Louis Denis.
Cario’Caraïbos.
Parmi les inspirations du moment, les cocktails tiki. Caraïbos a ainsi fait appel à deux bartenders porte-étendards de cette culture, Guillaume Leblanc et Scott Schuder, du Dirty Dick (Paris 9), pour développer deux références de base cocktail se rapportant à deux recettes emblématiques : le Mai Tai (raisin, citron vert, ananas) et le Zombie (raisin, pamplemousse, fruit de la passion et citron vert). La communication de la marque va d’ailleurs se teinter d’inspiration polynésienne, qui fera écho à son Festival de surf, le Caraïbos Lacanau Pro, qui se déroule chaque année en août sur le littoral girondin.
Le Mai Tai de Caraïbos.
Le Zombie de Caraïbos.
Des recettes ludiques
Tous les fabricants de jus de fruits accompagnent d’ailleurs ce mouvement mocktail. Granini a ainsi développé des recettes, notamment autour de son prémix mojito, dont la praticité du produit est largement plébiscitée. De leur côté, les smoothies de Pago ont rapidement trouvé leur place sur la station cocktails comme base pour des créations ludiques et faciles à réaliser. Mathieu Teisseire prévoit de créer pour l’année prochaine des formations dédiées afin d’accompagner le professionnel dans la création de sa carte. Et la marque, qui appartient désormais au groupe britannique Britvic, scrute les courants qui se dessinent outre-Manche sur la scène cocktails. « Nous voyons émerger deux tendances : celle des zero proof2 cocktails, avec un travail sur des recettes moins sucrées, à base d’infusions de plantes, de jus de légumes ou de verjus… Mais aussi celle des low ABV3, mettant en œuvre des produits avec une faible teneur en alcool, comme le vin cuit, le sherry… », relate Julie Pouquet, chef de groupe.
Red Moment, le cocktail de Granini.
Cet été, Mathieu Teisseire misera sur le smoothie, en déployant douze recettes mariant ses différentes références de purées de fruits avec de la glace ou des produits laitiers. Leaflets à placer sur le chevalet de table, recettes pour le professionnel et verrerie dédiée accompagneront cette opération. En avril, la gamme Velours de fruits a par ailleurs été enrichie des saveurs pomme verte et myrtille. L’année passée, le groupe avait fait le pari de repositionner sa marque historique de sirops, créée en 1720, en retravaillant ses bouteilles et son nom, avec une volonté claire de monter en gamme.
Velours de fruits saveur pomme verte par Teisseire.
Velours de fruits saveur pomme verte par Teisseire.
Résultat : Mathieu Teisseire a accru ses volumes et recruté de nouveaux clients. Et depuis le début de l’année, l’entreprise questionne ses utilisateurs afin de répondre à leurs attentes et « leur apporter de la valeur ajoutée en termes de mixing ».
Au programme, de l’innovation produit tantôt classique, tantôt signature, à l’instar du (re) lancement de la référence Ratafia, qui avait conduit à la renommée de Mathieu Teisseire au XVIIIe siècle.
Deux autres parfums ont fait leur entrée : pistache et caramel au sel marin. Et la marque a déjà donné rendez-vous à ses clients l’année prochaine pour ses 300 ans, avec la promesse d’une « année incroyable ».
1. Étude Cocktail 2018 Nielsen On Trade.
2. Sans alcool.
3. Low alcohol by volume : faiblement alcoolisé.