Au revoir André Daguin

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Chef étoilé internationalement connu comme le chantre du terroir du sud-ouest, emblématique président charismatique de l’Umih, André Daguin est mort à 84 ans dans sa maison d’Auch.

Depuis près de trente ans, André Daguin n’avait pas manqué un congrès de l’Umih et son absence à Biarritz du 19 au 21 novembre était dans tous les esprits. Le vieux chef était apparu en public une dernière fois, il y a quelques semaines plus tôt, pour valider les modifications statutaires de l’organisation. Très diminué, il n’avait pas caché à ses amis qu’il se savait condamné. Un cancer du pancréas a eu raison de cet homme hors du commun. Il est décédé le 3 décembre, dans sa maison d’Auch, veillé par les siens.

André Daguin a largement marqué son fief d’Auch où il est né, il y a 84 ans. Ancien élève de l’école hôtelière Médéric, il prend la suite de ses parents à l’Hôtel de France à Auch (Gers) dans les années cinquante et obtient une première étoile en 1960 et une seconde dix ans plus tard. Mais surtout, André Daguin va s’attacher à populariser les produits du terroir du sud-ouest et notamment le canard gras. C’est notamment lui qui, dès 1959, fait la promotion du magret, viande jusqu’alors méprisée. Il met cette viande à sa carte et en quelques décennies, elle est devenue une des meilleures ventes de la restauration en France. Les producteurs de vins du Gers lui doivent également une fière chandelle pour avoir été leur porte-parole en France ou à l’étranger. Ce cuisinier fut en effet un des premiers chefs Français avec Paul Bocuse ou les frères Troisgros à prendre son bâton de pèlerin pour aller exporter la gastronomie française au Japon ou aux Etats-Unis. 

André Daguin, en famille à l’occasion de la publication du livre 1 canard 2 Daguin, en compagnie de ses filles Anne et Ariane, son épouse Jocelyne et son fils Arnaud.

Mais la cuisine était sans doute trop exigüe pour que ce grand gaillard s’y réalise pleinement. Il a mené parallèlement d’autres vies. Il fut président de la CCI du Gers. Tenté par la politique, il a échoué en 2001 à la mairie d’Auch. Ce Gascon fut souvent comparé aux mousquetaires. Il aimait ferrailler verbalement. Ancien 2e ligne de rugby, il ne répugnait pas à l’affrontement. En 1997, il a pris la présidence de la FNIH (devenue par la suite l’Umih) à l’issue d’une homérique campagne qui reste encore dans les mémoires. Ses 12 ans passés à la tête de l’Umih furent marqués par une seule idée forte : la baisse de la TVA. Pour l’obtenir, il a fait descendre la profession dans la rue et a recouru à des opérations coups de poing comme la prise symbolique de l’Arc de Triomphe. Chef charismatique, il disposait au sein de l’Umih d’une forte autorité et distillait avec talent dans les medias des messages renforcés par les formules truculentes dont il avait le secret. Son dynamisme en étonnait plus d’un.

A soixante-dix ans passés, Il était capable d’enfourcher une moto taxi pour filer 100 km plus loin, vers un plateau télévision où on lui proposait de défendre ses idées. Même au pire moment, il n’a pas douté. Quelques mois après son départ de l’Umih, en juillet 2009, Christine Pujol qui lui avait succédé à la présidence de l’Umih, annonçait à ses troupes que la TVA en restauration passait à 5,5 %.

« Il a su préserver ses valeurs, son savoir-faire, une certaine idée du bien manger et du bien vivre à la française »

La profession n’a peut être pas pleinement mesuré ce qu’elle lui devait. Roland Héguy, l’actuel président de l’Umih qui fut un de ses compagnons de route vient de lui rendre pleinement hommage en évoquant « ce meneur d’hommes qui s’est battu sans relâche pour que la profession unie parle d’une seule voix auprès des politiques. Il a mis sa faconde, son aisance dans les médias au service de l’Umih et de tous les professionnels pour sensibiliser l’opinion publique. Il a su préserver ses valeurs, son savoir-faire, une certaine idée du bien manger et du bien vivre à la française, tout ce qui participe à la culture et à l’attrait touristique de notre pays ».

En quittant l’Umih, André Daguin, commandeur de la Légion d’Honneur depuis 2004, est allé siéger au Conseil économique et social, une institution peut-être un peu trop sage pour ce bouillant homme. Il y réalisa un rapport intitulé De l’assiette aux champs, qui dix ans après sa publication, résonne de façon très actuelle.

Sa vie fut aussi pleinement réussie sur le plan familial. Ses trois enfants, Ariane, Anne et Arnaud ont connu des carrières de premier plan dans les métiers de bouche. Ariane dirige la société d’Artagnan, une vaste entreprise de commercialisation de foie gras, aux Etats-Unis. Anne a créé l’enseigne de confiserie Le Petit Duc, revendue il y a quelques années à Laurent Palanque. Quant à Arnaud, après avoir été chef étoilé à Biarritz, il est devenu dans les médias le porte-parole d’une alimentation alternative et respectueuse de l’environnement. 

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