Longtemps délaissée, balayée par la carafe, l’eau en bouteille prend un nouveau virage. De nombreux professionnels de la restauration s’engagent pour la valoriser à table. Et si avoir une carte des eaux devenait aussi important qu’une carte des vins ?
Longtemps considéré comme le parent pauvre, l’eau prend sa revanche. La France en est le sixième pays consommateur en bouteille, et l’eau est en train de s’imposer sur les tables. Le sondage BVA « Les Français et leur consommation d’eau »* fait d’ailleurs ressortir le fait que l’eau minérale naturelle reste la mieux évaluée de toutes les catégories (eau du robinet et filtrée) pour sa qualité et parce qu’elle est considérée comme saine et sûre. Au restaurant, l’importance accordée à l’origine et à la qualité des produits ne doit donc pas s’arrêter à l’assiette. L’eau minérale naturelle fait partie du patrimoine gastronomique français et en proposer sur la carte répond aux attentes des clients, en recherche de qualité, de naturalité et de terroir. C’est notamment la raison pour laquelle de nombreux professionnels s’engagent pour valoriser cette boisson en CHR. À commencer par le GNI-Synhorcat et la Maison des eaux minérales naturelles, qui ont reconduit pour deux ans leur partenariat les engageant à aider les restaurateurs à promouvoir la qualité de l’eau et l’importance de sa consommation auprès de leur clientèle. « La Maison des eaux minérales naturelles et le GNI Paris Île-de-France ont en commun la valorisation des terroirs. Dans ce contexte, les deux organisations professionnelles ont conclu un partenariat pour sensibiliser le secteur de la restauration et leurs clients autour des spécificités et de la qualité des eaux minérales naturelles dont la diversité de composition et de goût reflète les territoires dont elles sont issues. Elles font partie du patrimoine gastronomique français. Les restaurateurs et les consommateurs sont de plus en plus à la recherche de produits authentiques, naturels, de qualité, issus du terroir. Les eaux minérales naturelles répondent à cette attente : « elles proviennent de sources profondes, protégées de tout risque de pollution et se caractérisent par leur pureté originelle », souligne Béatrice Adam, déléguée générale de la Maison des eaux minérales naturelles. Un rapprochement d’autant plus intéressant lorsque l’on sait que 86 % des Français choisissent l’eau pour son goût . Et pour enfoncer le clou du message « Le bien manger ne doit pas s’arrêter à l’assiette » , 13 chefs français, dont Guillaume Gomez, se sont mobilisés au sein du collectif « Mineral Water Natural Lover ». Ils véhiculent l’idée selon laquelle l’eau minérale naturelle ne doit pas être le maillon faible des restaurants, mais, au contraire, a toute sa place dans la gastronomie française, aux côtés de produits du terroir comme le riz de Camargue, le miel des Cévennes ou encore le piment d’Espelette. Ils affichent l’écusson du nom du collectif dans leur restaurant pour informer leurs clients que chez eux, de l’assiette à l’eau, on sert des produits rigoureusement sélectionnés, purs et issus du terroir. Ce mouvement met également l’accent sur le fait que chaque région possède son eau minérale naturelle, créant par conséquent une culture régionale des eaux dont les professionnels doivent s’emparer.
« Des sommeliers d’eau ou “eaunologues” sont de plus en plus formés et on voit émerger la carte des eaux » , observe Michel Bontemps, fondateur et directeur du Concours international des eaux gourmet, dont la vocation est de « faire reconnaître l’eau comme parti prenante de la gastronomie et lui redonner ses lettres de noblesse ». La quatrième édition, rebaptisée « Gourmet challenge water », se tiendra cette année au salon Équip’hotel, sur un espace dédié aux eaux. Les prix seront remis le mercredi 18 novembre, dans l’après-midi. « Ce concours est devenu le rendez-vous important de la planète eau, il permet d’asseoir une marque sur son marché, sur les grandes tables et la faire rayonner internationalement » , poursuit-il.
Michel Bontemps, fondateur et directeur du Concours international des eaux gourmet.
Les eaux plates et gazeuses sont principalement classées selon des critères de minéralisation, mais il existe aussi des catégories pour l’eau de mer, l’eau de pluie, ou encore celles qui ont des initiatives en matière de développement durable. « Bien qu’elles se multiplient, de nombreuses eaux restent encore méconnues des clients ; il y a donc toute une démarche culturelle à faire en termes d’éducation au goût », explique l’expert. Dans ce contexte, proposer une carte des eaux au même titre qu’une carte des vins, permet, outre la possibilité de faire des ventes additionnelles, de les faire connaître mais aussi d’offrir à ses clients de nouvelles saveurs et des expériences culinaires via la proposition d’un accord encore méconnu : mets et eau(x). « L’eau peut être grasse, ferreuse, métallique, iodée, sucrée… Elle ne laisse pas indifférent et peut se prêter à de nombreux accords avec des plats » , souligne Michel Bontemps. Pour exemple, une eau un peu terreuse se marie avec la volaille et une plus citronnée avec des fruits de mer ou poissons. Ce concept innovant peut intriguer et attirer les consommateurs, d’autant que cette proposition originale est auréolée d’une image assez saine. Certains distributeurs, convaincus par ce créneau porteur, en ont même fait leur fer de lance.
Voici une sélection d’« eaux gourmet », des eaux d’ecellence venues du monde entier.
« UNE MAUVAISE EAU GÂCHE L’ASSIETTE »
À l’image du vin, un négociant s’est spécialisé dans la sélection, l’importation et la distribution des eaux premium du monde entier. Persuadé que le choix de l’eau est essentiel pour garantir une bonne dégustation des vins, mais aussi à table, Laurent David commence à s’intéresser au sujet en 2007 et fonde Eaux du monde. « Je trouvais que l’offre était pauvre en restauration, elle est souvent la cinquième roue du carrosse. Or, une mauvaise eau peut massacrer le plat, le vin et gâcher l’expérience » , souligne ce spécialiste des grands crus de l’eau. Selon lui, il faudrait pouvoir la penser en termes d’accord afin d’accompagner la dégustation. Andreas Larsson, Meilleur sommelier du monde, lance d’ailleurs la première initiative allant dans ce sens. Il propose en Suède quatre eaux différentes dont on augmente la minéralisation en fonction du vin qui lui sera associé : Min Vino n°s 1, 2, 3 et 4. « Il suit l’idée selon laquelle l’eau est un acteur qui ne doit pas déroger, mais bien accompagner le vin » , poursuit l’expert, qui commercialise une cinquantaine de marques dont une quinzaine sont françaises. Il les sélectionne en fonction de plusieurs critères : le goût particulier, l’origine ou encore le packaging.
La France compte 86 eaux minérales naturelles, reflet de la richesse des terroirs
Laurent David, fondateur de Eaux du Monde.
« Le flacon doit aussi donner envie, c’est important » , appuie-t-il. Pour aider les professionnels à la vendre, il propose une carte des eaux, qui est non seulement un support pour le client final, mais aussi un outil d’aide à la vente pour le personnel. « Si le prescripteur parvient à en parler, alors cela fonctionne. » En revanche, il conseille de rester raisonnable sur les prix et de pratiquer non pas un coefficient, mais plutôt une marge euro, car le but avant tout est « de faire voyager le consommateur, lui procurer du plaisir et lui faire découvrir un panel d’eaux ». Il ose même rêver qu’un jour, les établissements soient en mesure « de proposer de l’eau au verre, comme on le fait pour le vin » … Et si une mauvaise eau gâche l’assiette, une eau trop minérale ou trop salée peut aussi avoir un impact gustatif sur les plats, selon Romain Portha, directeur commercial et marketing de Purezza. « En proposant une eau microfiltrée qui est neutre en bouche, les plats pourront être mis en valeur , souligne-t-il. On joue sur une minéralité constante, ce qui est apprécié par les chefs, puisque ce type d’eau ne fait pas d’ombre aux plats qu’ils souhaitent mettre en avant. » Purezza a pour ambition « de casser les codes habituels, offrir une eau de qualité accessible en termes de prix et proposer une nouvelle expérience aux consommateurs à table » . L’eau est ainsi microfiltrée, refroidie, gazéifiée, puis mise en bouteille directement au restaurant, avant d’être envoyée en salle. Les avantages pour le professionnel : pas de stock, de consigne, ni de manutention, et un produit qui permet d’augmenter ses ventes et donc ses marges sur un marché de l’eau structurellement en décroissance. Le groupe recommande un tarif compris entre 3 et 4 euros pour une offre « bouteille à volonté » . Sans compter que l’eau filtrée est devenue un argument environnemental de poids. Un kit d’aide à la vente est mis à disposition des restaurateurs : PLV, chevalets, bouchons, leaflet, « tous les supports pour leur permettre de communiquer sur les produits » , conclut Romain Portha. Et si l’eau microfil-trée en bouteille à la table des chefs fait grincer des dents les géants du secteur de l’eau minérale, pourquoi ne pas plutôt envisager la cohabitation gastronomique…
« L’eau microfiltrée n’efface pas le plat » , selon Romain Portha, directeur commercial et marketing de Purezza.
NOTE
*Sondage BVA « Les Français et leur consommation d’eau », réalisé en novembre 2019, auprès de 1 500 personnes.
Pimper son eau
Avec une demande consommateur portée sur la naturalité, la santé, et donc avec moins de sucre, la consommation d’eau aromatisée ne cesse de progresser avec une croissance à deux chiffres depuis trois ans en grande distribution. Une tendance qu’on retrouve en CHR. « Pour le restaurateur, c’est l’opportunité de proposer une boisson qui trouve sa place tout au long de la journée, d’autant plus qu’elle est très simple à réaliser », relève Alice Vasseur, responsable Marketing CHD & Market Intelligence EMEIA chez Monin. Une fois le verre rempli de glaçons, il suffit d’apporter une aromatisation à des eaux plates ou gazeuses. Monin, qui a investi ce créneau, recommande fortement à ses clients de compléter leur offre boisson avec ce type de proposition, via sa gamme de sirop, qui comprend 150 parfums. En revanche, il est important de valoriser cette offre, « en proposant un visuel impactant avec la présentation en jarre ou fontaine, et de la personnaliser avec des fruits, légumes et herbes fraîches rappelant l’aromatisation principale », suggère Alice Vasseur. Il est conseillé également de choisir une aromatisation sur mesure en fonction des saisons. Le fabricant de sirops met à disposition de ses clients des outils d’aide à la vente spécifiques (recettes, chevalets de table, step recettes, fontaines, afin de présenter l’eau aromatisée sur le comptoir, verrerie dédiée, etc.).
Eaux aromatisées : estragon, concombre, fraise-pastèque, menthe-citron.
Idées de recette
Eau aromatisée framboise hibiscus
– 5 ml de sirop hibiscus Monin
– 5 ml de sirop de framboise Monin
– Eau
Décorer de framboises fraîches et d’une branche de romarin
Eau aromatisée framboise-hibiscus.
Eau aromatisée concombre menthe
– 5 ml de sirop de concombre Monin
– 5 ml de sirop Mojito Mint Monin
– Eau
Décorer de concombre et de feuilles de menthe
Eau Aromatisée concombre-mojito.