La saga des eaux d’Évian

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Plus qu’une eau minérale naturelle, la marque Évian est une expérience spatiale, sociale et industrielle unique, ancrée sur le territoire local. Si son origine est millénaire, son ambition s’inscrit au service de l’avenir.

En dix ans, la production d'Évian a été multipliée par quatre, en 1964. Crédits : Hervé Schmelzle.
En dix ans, la production d'Évian a été multipliée par quatre, en 1964. Crédits : Hervé Schmelzle.

Ce n’est pas rare de retrouver une collection de bouteilles d’eau minérale Évian issues des séries limitées éditées pour les fêtes de fin d’année sagement alignées sur un buffet ou posées sur une étagère au domicile des Évianais et autres Haut-Savoyards. La « millénium » en forme de goutte d’eau ou « la montagne » aux allures de sommet, ravivent plus d’un souvenir chez les habitants de la région. Le brumisateur Évian, geste fraîcheur développé dans les années 1960, passe même à présent inaperçu, tant il est lui aussi entré dans les habitudes.

Au niveau national, la marque est également bien connue. La publicité des bébés nageurs en 1998 a durablement marqué les esprits, tout comme les slogans« La force de l’équilibre »et plus récemment « Live Young » (Vivre jeune), nouveau chapitre marketing de la marque.« La marque Évian, c’est plus qu’un processus et des produits. Nous racontons une énergie, des générations, des projets, des succès et des échecs, c’est en cela que la marque se distingue »,note Amale Zarhloul, responsable communication chez Évian.

L’emblématique bouteille bleu glacier, produite à 7 millions d’exemplaires par jour et que tout un chacun a déjà empoignée pour se désaltérer, est le produit fini d’une saga qui a débuté en 1789.« L’histoire raconte qu’il s’agit de la date à laquelle le comte de Laizer a“pris les eaux”de la source qui jaillissait chez monsieur Cachat pour soigner sa gravelle, une maladie qui entraîne des calculs rénaux »,rapporte Amale Zarhloul. Après quoi, il se serait rapidement rétabli et son médecin aurait alors recommandé cette eau à ses patients.

250 ans d’histoire

Aux fondations de cettesuccess story, il y a la fontaine de la source Cachat, libre d’accès, véritable lieu emblématique. Dès le début du XXe siècle, les gens s’y retrouvent pour s’hydrater ou juste battre le pavé. La station thermale d’antan bat quant à elle son plein ; et c’est pour permettre aux curistes de prolonger leur séjour, qu’en 1826, l’industrialisation et la mise en bouteilles en verre sont lancées. La société SAEME (Société anonyme des eaux minérales d’Évian) est parallèlement créée et s’associe avec les verreries de Givors et l’usine BSN (Boussois-Souchon-Neuvesel), future Danone.

iIllustration de la Buvette Cachat.
Illustration de la Buvette Cachat.

Après l’ouverture de « La Manutention », qui désigne la première usine Évian, une autre est inaugurée en 1954 à côté de la gare.« En l’espace de dix ans, la production a été multipliée par quatre, passant de 100 millions de bouteilles la même année à 450 millions de litres d’eau en 1964. La marque Évian est le socle incontesté du groupe Danone »,souligne Christophe Grange, directeur de l’usine depuis juin 2021. Ce dernier, originaire de Marin, un village voisin, est particulièrement fier de revenir sur ses terres natales pour piloter l’usine dans laquelle il a commencé sa carrière en tant que responsable maintenance et fabrication en 1990. Il indique que l’usine de la gare, qui ne suffi sait plus à suivre la cadence, a été remplacée par celle actuellement en place sur la plaine d’Amphion en 1965.

Un développement exponentiel

La marque connaît un fort développement à l’international dans les années 1980. En 1985, 15 % des volumes produits sont exportés vers l’Europe, le Japon et les États-Unis. Puis, en 1994, ce sont plus de 40 % des volumes qui partent à l’extérieur et la bouteille d’Évian est aujourd’hui vendue dans 140 pays à travers le monde.

i300 contrôles sont effectués chaque jour pour assurer la qualité de l'eau. Crédits : Hervé Schmelzle.
300 contrôles sont effectués chaque jour pour assurer la qualité de l'eau. Crédits : Hervé Schmelzle.

En 2011, le groupe opère une cure de jouvence et mène un chantier considérable pour rénover son usine évianaise. Un atelier de fabrication de bouteilles est entièrement bâti et de nouvelles lignes, à la pointe de la technologie, sont installées dans le but d’atteindre une production comprise entre 40 000 et 72 000 bouteilles par heure. L’usine représente le plus important employeur du Chablais avec une équipe de près de 1 200 salariés. Devenue un emblématique lieu de Danone, « la Cachat » – comme les locaux surnomment l’usine d’Amphion – est tout à la fois« un outil industriel, une aventure humaine et la meilleure des vitrines pour la marque Évian »,selon le directeur du site.

Le parcours de la goutte

Quinze années sont au minimum nécessaires pour que l’eau naturelle acquière sa minéralité dans les roches souterraines. À la mission d’embouteillage d’Évian prévaut la récupération de l’eau. Le cheminement de celle-ci est très long, avant qu’il n’aboutisse aux canalisations en acier inoxydable qui mènent jusqu’à l’usine d’embouteillage. L’eau est recueillie 60 mètres sous terre au griffon de la source Cachat, l’endroit où elle jaillit.« La vraie usine, c’est celle située à 800 mètres d’altitude : l’Impluvium »,explique Christophe Grange. Cet espace de 35 km² capte et conserve les eaux de pluie et de neige. Il se situe sur le plateau de Gavot, entre 600 et 1 000 mètres d’altitude.

Les eaux passent ensuite dans les couches de sable et de gravier que les glaciations et déglaciations successives du glacier des Alpes ont acheminé jusqu’ici. C’est au cours de cette étape que le liquide se charge naturellement de ses propriétés minérales. La constance de sa composition minérale naturelle est unique, ce qui la rend accessible à tous.« Le bâtiment Ciel est dédié à la recherche et au développement sur le site, c’est une usine résolument tournée vers l’avenir »,précise-t-il. Pour assurer la qualité, pas moins de 20 audits sont réalisés sur site tous les ans et 300 contrôles sont effectués chaque jour.

Une eau écoresponsable

La SAEME et l’Association pour la protection de l’Impluvium de l’eau minérale Évian (APIEME), qui voit le jour en 1992, ainsi que les 13 communes que la ressource en eau alimente, œuvrent ensemble à la préservation de ce territoire et de ses écosystèmes riches et variés. La marque pionnière affirme avoir toujours nourri d’ambitieux engagements environnementaux. Le site d’Amphion a subi une transformation de 2011 à 2017 afin de s’inscrire dans une démarche neutre en carbone. Soucieux de son impact sur l’environnement, la marque d’eau minérale naturelle Évian a également engagé de longue date sa transition vers des emballages plus durables. Entre 2008 et 2002, elle a réduit ses consommations énergétiques industrielles par litre de 34 % et depuis 2020, chaque innovation est faite en PET (polyéthylène téré-phtalate) recyclé. D’ici 2025, Évian envisage même de concevoir ses bouteilles en matières 100 % recyclées.

Des emballages respectueux de l’environnement

Au fil du temps, Évian n’a cessé d’innover. En 1978 déjà, le pack de six bouteilles plastiques se substitue au carton de 12 en verre. Un peu plus tard, la poignée et le code-barres détachable vont faciliter le quotidien des consommateurs au moment de leur passage en caisse. Alors que le marché est en pleine croissance, la gamme s’enrichit dans les années 1980 : le bouchon à vis et les petits formats comme la bouteille 50 cl et 33 cl, ainsi que les gobelets 14 cl et 33 cl fleurissent à cette période. En 2020, la bouteille sans étiquette en matière 100 % recyclée et recyclable est inventée. Cette même année, toutes les petites bouteilles sont conçues à partir d’anciennes préalablement triées et recyclées. Quatre ans plus tôt, Évian avait déjà mis au point un emballage sans film afin de réduire l’utilisation de plastique.

L’Évian (re)new, une bulle de cinq litres d’eau intégralement composée de plastique recyclé, a également été lancée en 2019. Le format utilise 66 % de plastique en moins par rapport à une bouteille de 1,5 litre. Enfin, l’an dernier, une bonbonne de six litres, là aussi 100 % recyclée et recyclable a rejoint la gamme.« La bouteille de cinq litres répond à une demande sociétale d’avoir un accès à une plus grosse quantité d’eau et de diminuer les matières utilisées dans le packaging »,ajoute Christophe Grange.

Dans le même temps, Évian s’est diversifiée et d’autres produits spécifiques à certains marchés ont été commercialisés, à l’instar de la canette d’eau gazeuse aromatisée. Finalement, si Évian a personnalisé ses offres selon les marchés mondiaux, tous les acteurs passés par l’écosystème local et ceux actuels en place contribuent à maintenir un management d’usine précurseur unique au service de la marque.

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