Face aux violences dans la restauration, des écoles encore trop timides

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Alors que la parole se libère concernant le harcèlement et les violences en cuisine et en salle, les écoles qui forment les professionnels de demain ont plus que jamais un rôle à jouer.

« Le sexisme, les inégalités, le harcèlement sont des problèmes qu’il faut régler, sinon les jeunes ne se dirigeront plus vers nos métiers », lance d’emblée Véronique Hasselweiler, directrice de la communication du groupe Vatel. Au sein des neuf écoles Vatel en France, Belgique et Suisse, elle assure que la question des violences et du harcèlement est traitée de façon globale, puisqu’il s’agit pour le groupe de « valeurs transversales » . « Les étudiants sont sensibilisés au savoir-être, par exemple dans notre restaurant d’application, nous sommes très soucieux de parler clairement de ces sujets avec les étudiants, détaille-t-elle. De même dans tous nos cours, notamment ceux de ressources humaines. » Au retour de leurs stages, les étudiants remplissent un rapport et en cas de problème, « l’établissement peut être radié ».

Les lycées encore peu engagés

Au lycée hôtelier de La Rochelle (17), l’infirmière occupe le poste de référence concernant l’égalité hommes-femmes. « Nous avons mis en place plusieurs actions, notamment une semaine thématique sur le sexisme et le harcèlement, avec la venue d’une compagnie de théâtre et l’organisation de débats, explique-t-elle. Des affiches de sensibilisation sont également présentes dans l’établissement. » Le proviseur Cyrille Jeannes assure, quant à lui, que le suivi des stages est très rigoureux. « Si nous sommes prévenus d’un problème avec les maîtres de stage ou des membres de l’équipe, ou que l’on s’en aperçoit, nous agissons immédiatement », assure-t-il. Toutefois, selon lui, les cas de harcèlement ou de non-respect du code du travail « ne sont pas monnaie courante ». Au CFA hôtelier François-Rabelais à Dardilly (69), la CPE Mme Sagnols indique que les élèves sont invités à échanger sur ces sujets dans le cadre du l’enseignement de prévention-santé-environnement (PSE) donné aux classes de première et terminale préparant au baccalauréat professionnel.

« Nous n’avons pas encore mis en place de réelles actions concernant ces sujets, mais nous souhaitons le faire dès la rentrée prochaine car de plus en plus de cas sont révélés,en salle, en cuisine ou en boulangerie, nous voulons alerter les jeunes » , détaille-t-elle. Du côté de l’école hôtelière Savoie Léman à Thonon-les-Bains (74), l’équipe assure être très sensible au bien-être des jeunes en formation.

« Les actions de sensibilisation ont lieu pendant les cours et nous sommes très vigilants à ce qu’il se passe pendant les stages. Les lycéens et étudiants savent venir vers nous le cas échéant de manière à relater une situation de discrimination et à trouver les solutions ad hoc », indique le proviseur Bernard Lambert. Le dispositif « Sentinelles et Référents » mis en place dans l’établissement contribue à sensibiliser au sexisme, aux violences et aux discriminations.

À Toulouse, au lycée des métiers de l’hôtellerie et du tourisme d’Occitanie (31), la proviseure Nathalie Florentin assure avoir monté une politique de prévention. Avant chaque départ en stage, une équipe composée du personnel de santé de l’établissement (médecin et infirmière), du professeur référent des stages, de la référente égalité filles-garçons, réunit les classes et met en garde contre les éventuelles situations problématiques qui pourraient subvenir en entreprise. « Les élèves sont sensibilisés à ce qui est interdit par la loi, discrimination, sexisme, racisme, homophobie, harcèlement », ajoute-t-elle.

Au lycée Val-de-Loire à Blois (41), une assistante d’éducation a travaillé sur la notion de consentement avec les élèves de terminale bac pro. À l’initiative de Claire Musial, professeure en service, le lycée Vauban à Aire-sur-la-Lys (62) a fait appel aux services de l’association Bondir.e pour sensibiliser les élèves aux violences en cuisine. Sous forme d’ateliers de mise en situation, les intervenantes ont pu déconstruire les comportements qui n’ont pas leur place dans le monde professionnel.

« Nos élèves d’aujourd’hui sont les restaurateurs de demain. C’est important de les sensibiliser avant qu’ils n’entrent vraiment dans le métier, étaye Claire Musial. Ça devrait faire partie des premiers enseignements de manière systématique, comme la sécurité routière. »

Note

Sur 62 lycées hôteliers français contactés par La Revue des comptoirs, seuls 16 ont répondu à notre demande. Parmi eux, six ont pris le temps de détailler les actions mises en place (voir article), six ont tout simplement décliné la demande, soit par manque de temps, soit parce qu’ils ne voulaient pas s’inscrire dans la démarche. Quatre lycées ont expliqué ne pas avoir d’interventions programmées sur le sujet et ne pas avoir l’intention d’en mettre en place. Concernant les écoles, Ferrandi et L’institut Paul-Bocuse n’ont pas répondu à nos sollicitations, malgré plusieurs relances.

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