Un bonus-malus pour réguler le recours aux CDD

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Dans le cadre de la réforme de l’assurance chômage, le Gouvernement veut dissuader les patrons de recourir trop fréquemment aux CDD en mettant en place un système de bonus-malus.

À l’occasion de la réforme du système d’assurance chômage, le Premier ministre, Édouard Philippe, et la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, ont annoncé la mise en place d’un système de bonus-malus qui va directement concerner les contrats courts établis dans le secteur de l’hôtellerie-restauration, comme dans six autres secteurs de l’économie : l’agroalimentaire, les activités scientifiques et techniques, les eaux et la gestion des déchets, le transport et l’entreposage, la fabrication de caoutchouc et de plastique, le travail du bois, de l’industrie du papier et l’imprimerie. Il faut noter au passage que le bâtiment et la santé, qui recourent eux aussi abondamment aux CDD, sont dispensés de ce bonus-malus. Cette mesure sera en vigueur dès le 1er janvier, mais ne s’appliquera pas aux entreprises de moins de 11 salariés. Elle concernera donc 38 000 entreprises, qui emploient 2,4 millions de personnes.

Le CDI est aujourd’hui devenu une denrée rare et 87 % des embauches se réalisent sous forme de CDD. Les employeurs ont largement recours à cette latitude de flexibilité. En dix ans, la durée moyenne d’un CDD a pratiquement été divisée par deux. Elle tourne aujourd’hui autour de quarante-cinq jours.

Le Gouvernement estime que le recours au CDD coûte cher à l’assurance chômage. Celle-ci intervient comme un filet de sécurité pour le salarié entre deux périodes d’activité. Certains experts estiment que cela engendre un coût de l’ordre de 8 milliards d’euros pour l’Unédic, d’où cette idée de distribution de bons et de mauvais points. Actuellement, le taux de prélèvement des entreprises des cotisations chômage des CDD s’établit à 4,05 % du salaire brut. Désormais, il sera variable. Plus les entreprises affichent un turnover de leurs employés supérieur à la moyenne du secteur, plus ils seront taxés. Mais le prélèvement ne pourra en aucun cas excéder 5 %. A contrario, les bons élèves pourront passer sous la barre actuelle des 4,05 % et voir leur cotisation baisser jusqu’au plancher de 3 %.

Côté patronat, la levée de boucliers est plutôt timide ; l’Umih salue cette « réforme qui doit faire évoluer le marché du travail, encourager le retour à l’emploi à travers un accompagnement des demandeurs d’emplois adapté aux territoires, baisser la précarité des salariés et faire des économies dans le budget de l’État », mais « regrette que cette réforme fasse supporter sur seulement sept secteurs le poids de la dette de l’assurance chômage en instaurant le bonus-malus. Cette mesure apparaît comme discriminatoire. Le recours au contrat court est inhérent au pic d’activité dans l’hôtellerie-restauration.

Plus incisif, le GNI, dans un communiqué, évoque sa « colère » et son président Didier Chenet rappelle que la profession « n’a pas d’autres alternatives que de recourir à ces contrats courts, sauf à aller vers plus de précarité pour nos collaborateurs en les recrutant sous statut d’auto- entrepreneur, un statut où la protection sociale est réduite à peau de chagrin ». Il estime que cette taxe flottante va contribuer à une augmentation inévitable de la masse salariale : « Pour des entreprises comme les traiteurs organisateurs de réceptions et d’événements, c’est une attaque en règle contre leur compétitivité, car aujourd’hui, le marché est international. » On se souvient qu’il y a quelques mois, l’Umih avait proposé l’instauration d’un CDI de mobilité qui fonctionnerait autour d’une plate-forme permettant aux employeurs de trouver des réponses ponctuelles à leurs besoins de main-d’œuvre. Mais cette suggestion reste pour l’instant très hypothétique. Elle a au moins le mérite de montrer que la précarité engendrée par le recours trop fréquent aux CDD nuit à l’attractivité de la profession.

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