L’art du rotin noue les époques

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Héritière d’une longue tradition française du meuble en rotin, la maison Drucker oscille en permanence entre sa responsabilité patrimoniale et sa soif de modernité.

Il faut être à la fois solide et flexible pour perdurer dans la création de meubles en rotin. Depuis 1885, la maison Louis Drucker a été témoin des remous de l’Histoire et avec eux, ceux de l’entreprise. Bruno Dubois, l’actuel P-DG, a rattrapé au vol l’entreprise en 2006, alors qu’elle était en liquidation. Et préservé des savoir-faire qui ne s’apprennent dans aucune école. « Lorsqu’on recrute quelqu’un, il est suivi par un tuteur pendant trois ans pour apprendre le métier [la préparation du rotin, le montage ou le tissage des chaises, NDLR] . » Grâce à la trentaine d’artisans de l’atelier de Gilocourt (Oise), la maison bénéficie du label d’Entreprise du patrimoine vivant. On y travaille pour le luxe, pour de grands décorateurs (Starck, Wilmotte, Grange), et beaucoup pour l’étranger, qui représente plus de 50 % du chiffre d’affaires. Acheter une chaise en rotin, c’est s’offrir un petit bout de la carte postale parisienne. Sur son site, un simulateur donne un avant-goût de l’étendue des possibilités de conception. Pour le tissage, la marque a choisi de travailler avec une entreprise allemande très en pointe sur les tissus techniques. « Les tissages en Rilsan [une fibre de polyamide utilisée historiquement, NDLR] nous limitaient en matière de coloris. Avec l’entreprise Rehau, nous avons mis au point une gamme en polyéthylène beaucoup plus adaptable [le Raucord, NDLR], ce qui nous permet d’ajouter 3 ou 4 coloris par an à la gamme, mais aussi d’en concevoir pour coller à l’identité d’un établissement. Cette entreprise conduit par ailleurs des tests de vieillissement accéléré en laboratoire, ce qui nous permet de garantir que nos coloris ne bougent pas. »


MÉTAL ET TRESSAGE

Le développement de l’entreprise passe également par des positionnements alternatifs, notamment en diversifiant les supports (lampes, têtes de lit, etc.), mais aussi en innovant sur le siège, son cœur de métier, avec des modèles aux structures métalliques. Drucker est le premier fabricant à proposer des assises en tissage noué sur du métal sans colle ni agrafes. Plusieurs modèles emblématiques ont été repensés dans cet esprit. « C’est une manière de répondre aux futurs enjeux de notre métier, notamment la disparition du rotin qui est un matériau non renouvelable, mais aussi le besoin de simplifier l’entretien pour les professionnels. » Ces modèles, à l’instar d’une majorité de la collection en rotin, sont fabriqués dans l’atelier que Drucker a ouvert en Indonésie et où travaillent 130 artisans. « Les Indonésiens sont capables de prouesses techniques, ils ont une vraie expertise dans le travail du rotin et du bois. Cet atelier fabrique le stock et des séries limitées, afin d’offrir des prix plus abordables pour la même qualité que dans notre atelier français. Cette organisation, “haute-couture” d’un côté, “prêt-à-porter” de l’autre, nous permet de préserver le savoir-faire en France. » Le site de l’Oise devrait d’ailleurs déménager à Crépy-en-Valois en 2021 dans un atelier plus spacieux, doté d’un centre logistique et d’un musée dédié à l’histoire du meuble en rotin.


tressage Maison Drucker


FAUTEUIL : RENAISSANCE DU SALON N° 86

Le modèle, très représentatif de l’époque Arts-Déco, a été extirpé d’un catalogue de 1919 pour être remis au goût de 2020. Drucker a repris la silhouette caractéristique et les techniques d’origine, notamment les coutures en Raucord arrondies. La collection est déclinée en fauteuils hauts et bas, en porte-sac et en guéridon, dans des tons bleu et vert en tissage naturel ou synthétique.


Maison Drucker fauteuil rotin

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