Hôtellerie-restauration : le Cantal en panne de transmission
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Malgré ses atouts naturels et le cadre écologique privilégié qu’offre le Cantal, les établissements peinent à trouver repreneurs une fois mis en vente. Une centaine d’affaires dans le secteur CHR sont aujourd’hui à vendre et une vingtaine d’hôtels risquent de mettre la clé sous la porte, faute de candidats sérieux.
La vente et la transmission d’un établissement se révèlent toujours être une étape délicate. Et dans les zones rurales, cette problématique s’avère de plus en plus compliquée à résoudre. Nombreux sont les professionnels dans l’impasse qui, à l’âge de la retraite, se retrouvent coincés dans leurs affaires, faute de repreneurs. Continuer? Brader? Mettre la clé sous la porte ? Trouver une solution temporaire? Mettre en gérance? Les hôteliers peinent à trouver une solution. Dans le sud-est du département du Cantal, quelques-uns des établissements incontournables ont déjà fermé leurs portes. À l’image du Panoramic, en contre-haut du viaduc de Garabit; de l’Auberge du Pont de Lanau, près de Chaudes-Aigues; ou encore de l’Hôtel Saint Jacques à Saint-Flour. Un constat que regrette Thierry Perbet, président de l’Umih 15 : « Nous avons une belle hôtellerie dans le Cantal avec 120 hôtels et une majorité de deux et trois étoiles. Ce sont des affaires plutôt familiales, qui se transmettent normalement d’une génération à l’autre, et qui sont aux normes. Mais il existe un réel problème de transmission actuellement. Les gens arrivent à l’âge de la retraite ou ont des soucis de santé, et ils ne trouvent personne pour reprendre. Ce sont des familles qui ont investi beaucoup d’argent, dans les fonds et les murs, et c’est un peu la cagnotte qui leur permettrait d’assurer leurs vieux jours. » Ce qui peut faire peur? Les taux de remplissage des hôtels plutôt faibles : ils oscillent entre 35 % et 38 % en moyenne sur la totalité du territoire. En revanche, ce chiffre monte à 50 % – 60 % pour la ville d’Aurillac.
Manque de repreneurs
Cette fin d’année 2018, à Vic-sur-Cère, l’Hôtel des Voyageurs va par exemple fermer ses portes. Pour les rouvrir le 31 mars. « Les propriétaires ont pris la décision de devenir saisonniers pour limiter les coûts », commente Thierry Perbet. Du côté de la Truyère et de Ruynes-en-Margeride, le Garabit Hôtel, avec ses 40 chambres, ses trois salles de restaurant et ses deux bateaux, a lui aussi fermé ses portes depuis le mois d’octobre et ne pourra pas les rouvrir. Ses propriétaires, Marie-Thérèse et Louis Cellier, respectivement âgés de 76 ans et 82 ans, attendent un éventuel repreneur avec impatience : « Depuis quinze ans, nous cherchons à vendre. L’établissement a l’avantage d’être saisonnier avec le viaduc. Et avec les groupes, cela peut marcher fort. » L’acheteur a en effet un bel emplacement touristique, avec la rivière, l’œuvre de Gustave Eiffel juste au-dessus, et l’A75 à deux pas. Un éventuel classement à l’Unesco du viaduc, dont les démarches ont été entamées par le territoire, pour- rait rebooster la fréquentation de ce lieu iconique du département. Car aujourd’hui, « le viaduc n’est pas exploité à sa juste valeur, disent-ils. Une reconnaissance au Patrimoine mondial pourrait faire revivre le lieu mais pas avant 2020! On ne peut pas attendre tout ce temps ». Et d’ajouter un constat criant : « Il y a quelques années, on était cinq établissements autour du viaduc. Nous ne sommes plus que deux. Et si le nôtre ne rouvre pas, il n’en restera qu’un. » Actuellement, le couple n’a pas encore eu d’offres sérieuses. « Nous avions une personne du coin qui aurait aimé mais qui ne trouve pas de financement. Nous avons eu une autre personne intéressée seulement pour les bateaux, et une autre que pour l’hôtel. » Des dossiers se montent auprès des banques et, finalement, n’aboutissent pas. À Chaudes-Aigues, à l’Auberge des Templiers, Simone Gascuel, qui œuvre toujours aux fourneaux pour faire filer son fameux aligot et son incontournable mille-feuille, est certes confrontée au fléau du manque de main-d’œuvre, mais aussi au manque de repreneurs. À 61 ans, la restauratrice n’a pas d’autres choix que de continuer, seule, pour faire tourner la boutique. « Le bâtiment doit continuer à vivre. Je n’avais pas cinquante solutions. Soit je mettais la clé sous la porte comme certains de mes collègues, soit je trouvais une manière de continuer. » La Cantalienne a donc transformé son hôtel-restaurant en chambres et table d’hôtes. Une nouvelle organisation qui permettra, peut-être, de trouver un acheteur plus facilement grâce à l’engouement actuel pour les reconversions et l’ouverture de ce type d’hébergements en pleine nature, loin de l’agitation citadine. « Je vise ainsi les gens qui souhaiteraient mener un second projet de vie avec une maison d’hôtes », détaille-t-elle.
« Nous sommes un pays d’avenir »
Mais qui est ce repreneur idéal justement? « Il doit être un professionnel de l’hôtellerie ou de la restauration, et avoir un apport personnel », assure Thierry Perbet. Cet apport doit s’élever à 25 % ou 30 % du projet. Quand la personne n’est pas un professionnel du secteur, les risques sont forcément plus grands et les banques plus frileuses. La demande d’apport peut alors dépasser les 40%. Cependant, « il reste encore de très bonnes affaires dans le Cantal. Les prix sont attractifs, murs et fonds cumulés. À partir de 300000 euros, on peut trouver des choses », confie le président de l’Umih 15. Aujourd’hui, dans le Cantal, on compte une centaine d’entreprises CHR à céder, dont une vingtaine d’hôtels « qui urgent. Car si personne ne reprend, les portes seront closes ». Et pourtant, « nous sommes un pays d’avenir, alerte Thierry Perbet. Le tourisme va se développer dans les années à venir sur notre territoire, c’est sûr. La mondialisation nous rapproche finalement de l’écologie, du bien-être et du bien vivre. Avec nos produits, nos campagnes, on a tout. C’est du pain béni ». Les actions des institutions locales pour attirer de nouvelles populations fonctionnent, mais « ces initiatives d’accueil d’actifs ne suffisent pas. Il faut mieux communiquer ». Si la fatalité n’existe pas, il reste un nouveau souffle à aller chercher pour le Cantal en matière d’attractivité. « Il y a encore de beaux établissements à sauver », signale Thierry Perbet. Parmi les tendances sur lesquelles le département se doit de surfer, le slow tourisme paraît tout à fait adapté aux atouts du territoire. Avec ses grands espaces, sa nature préservée et son terroir gourmand bien ancré, le Cantal garde une véritable carte à jouer. Des réussites comme l’Hôtel des Carmes à Aurillac, le Château de Salles à Vézac, l’Auberge des Montagnes à Pailherols ou Le Bailliage à Salers le prouvent.
Au Relais des Templiers de Chaudes-Aigues, Simone Gascuel a transformé l’établissement en chambres d’hôtes.
Les propriétaires du Garabit Hôtel, Marie-Thérèse et Louis Cellier, respectivement âgés de 76 ans et 82 ans, attendent un éventuel repreneur avec impatience.