Violences en cuisine : « La formation est essentielle »

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Le chef triplement étoilé Régis Marcon à Saint-Bonnet-le-Froid (Haute-Loire) est très engagé pour l’apprentissage. Il a pour ambition d’améliorer le système de formation en France pour le rendre plus efficace et plus attractif auprès des jeunes, estimant que la survie de la gastronomie française en dépend.

Vous avez visité beaucoup de centres d’apprentissage dans toute la France. Vous a-t-il semblé que la violence est un phénomène présent en cuisine ?

Régis Marcon : C’est présent, mais pas que dans l’hôtellerie-restauration. Ce problème-là, c’est un peu comme les violences conjugales : portée par les médias, la parole se libère, ce qui est une bonne chose. Dans les écoles, les stagiaires, qui passent 22 semaines par an en entreprise, peuvent l’évoquer. Il y a aussi des façons de faire qui les surprennent et ils prennent cela pour de la violence. Il est vrai qu’en cuisine il y a des habitudes qui ne sont pas toujours comprises. Si on hausse la voix, c’est rapidement interprété comme une agression. Je mettrai donc juste un bémol : c’est positif que la parole se libère et que le sujet ne soit plus tabou mais il faut juste à ce que cela ne prenne pas une portée démesurée.

Cela peut faire obstacle à l’attirance des jeunes pour la profession ?

Oui elle peut constituer un frein, tout comme les horaires décalés. Nous sommes la seule profession à avoir deux journées en une avec le service du midi et du soir, et ce dernier peut s’apparenter à une course intense impressionnante pour certains jeunes. La violence c’est comme les faits-divers, elle existe mais elle n’est pas légion. Il y a 20 ans, les chefs étaient très durs, c’était considéré comme normal pour endurcir les jeunes. Aujourd’hui, le métier a beaucoup évolué vers un accompagnement plus pédagogique et bienveillant. Je suis assez optimiste, on sortira de ces problèmes. D’abord, le sujet n’est plus tabou mais aussi on a besoin de s’appuyer sur une équipe qui adhère à nos projets.

« On intègre un tel milieu de perfection et d’exigence que dans des moments de fatigue on peut parfois péter les plombs. »

Comment expliquer que la violence existe encore aujourd’hui ?

La principale cause de violence est le stress. Un chef de partie qui devient violent s’est laissé emporter par la pression et ne la gère plus. Ce n’est pas une excuse mais il faut le savoir. On intègre un tel milieu de perfection et d’exigence que dans des moments de fatigue on peut parfois péter les plombs. La formation d’un cuisinier passe par l’apprentissage de la technique mais aussi par celle de la maîtrise de soi-même.

Quelles sont les pistes de solutions pour lutter contre les violences ?

La formation est essentielle, pour identifier le problème déjà, mais aussi pour donner des outils de référence au chef. Quand on s’installe, il y a l’envie de faire sa propre cuisine, on axe tout sur cette passion mais on oublie les questions telles que comment manager ses hommes ou encore comment les payer de façon équitable ? Il faut délivrer une formation spécifique à ces questions. Il y a dix ans, on a déjà mis en place un garde-fou avec le permis de former pour mieux accueillir les jeunes dans nos entreprises et les accompagner. Les problématiques de management et de gestion sont donc cruciales, c’est le défi de demain des managers. Faire évoluer le bien-être des salariés nous conforte dans le fait qu’ils sont bien chez nous tout en les fidélisant. Il faut trouver un équilibre entre la bienveillance et la fermeté. On peut être rigoureux mais les messages doivent être bien dits. Chez nous, on l’appelle la charte de bienveillance et de rigueur. Donner l’exemple est essentiel mais pour cela il ne faut pas hésiter à s’appuyer sur la formation. On apprend à être bon cuisinier mais pas toujours bon manager.

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