Le rebond du salers tradition

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Installé entre Allanche et Neussargues, dans le Cantal, Géraud Delorme fabrique du salers AOP tradition. Un parti pris pour l’authenticité et la défense des salers traites dans le département.

Géraud Delorme, producteur du salers AOP tradition, dispose de 60 têtes.
Géraud Delorme, producteur du salers AOP tradition, dispose de 60 têtes.

Un fromage comme un symbole. Une tradition comme une signature. Un savoir-faire qui aurait pu se perdre, sauvé par quelques irréductibles éleveurs de salers laitières. Le salers tradition a cette faculté de refléter à la fois l’histoire d’un fromage auvergnat et l’avenir d’une production laitière. C’est en tout cas ce que les producteurs de l’AOP salers tradition véhiculent. Avec des valeurs d’amour du territoire, du métier d’agriculteur et de cette fameuse vache qui s’affiche en véritable emblème du département. Géraud Delorme, installé à Joursac, entre Neussargues et Allanche, contribue chaque jour, avec envie, à cette valorisation du terroir. Avec ses 60 vaches salers laitières, il fabrique quotidiennement une fourme, deux lors des pics de lactation. Certes, la productivité n’est pas le maître mot, mais la qualité, oui. « La productivité ? Avec les vaches salers, on ne sait pas le faire. Elles donnent moitié moins, voire trois fois moins de lait que certaines autres races. On ne peut pas faire de volume. Par contre, on peut travailler de manière intelligente, surtout en élevant de manière naturelle et en nourrissant les animaux à l’herbe l’été et au foin l’hiver », dit-il.



Une vraie pépite recherchée par les connaisseurs

Aujourd’hui, comme lui, ils sont sept à produire du fromage AOP salers tradition sur la zone de production, « et un jeune devrait bientôt s’installer du côté de Riom-ès-Montagnes ». Une vraie victoire pour le collectif d’éleveurs réuni dans l’association Salers tradition, qui voit le fromage repartir après plusieurs années de péril. « On était sur une grosse hémorragie auparavant, aujourd’hui, on est un peu moins malade, sourit le producteur. Dans les années 1990, le nombre de producteurs de lait de salers fondait comme neige au soleil », désormais, la tendance s’inverse, même s’ils restent peu nombreux, faisant du fromage salers tradition une vraie pépite, rare, recherchée par les connaisseurs, en particulier les crémiers-fromagers, affineurs et chefs sensibles à cette sauvegarde fromagère.

Dans la famille de Géraud Delorme, les salers ont toujours été présentes dans l’étable et le quotidien. « Mon arrière-grand-père et mon grand-père avaient des salers. Avant, comme dans tous les villages, il y avait une petite coopérative à laquelle on livrait le lait, et puis ces laiteries ont fermé, pour qu’à la fin, notre lait soit livré chez les industriels, au même prix que celui des autres vaches », nettement plus productives, comme la montbéliarde ou la Prim’Holstein. Petit détail : le travail déployé pour obtenir un litre de lait de salers n’est pas exactement le même que pour une vache laitière classique. La présence du veau est indispensable et nécessite une main-d’œuvre appliquée. Le veau tête pour déclencher le lait et l’agriculteur peut ensuite brancher la trayeuse. Une véritable mécanique vivante.



« Le moyen le plus rentable de valoriser la vache salers »

Installé sur la ferme depuis 2008 en GAEC avec son père Gilbert Delorme, l’homme de 34 ans fabrique du salers tradition sur place depuis seulement trois ans, mais le rameau laitier a toujours fait partie de la ferme familiale. « On était conscients d’avoir un trésor à la maison, qui n’était pas valorisé. La seule solution, c’était de transformer à la ferme » , se remémore-t-il. La réflexion, mais aussi la rencontre avec Hervé Mons, fromager-affineur ambassadeur des fromages françaidans le monde entier, va convaincre les Cantaliens de passer à l’action. Depuis, les fourmes sont produites sur l’exploitation tout au long de la lactation des vaches, de février à novembre environ. Durant les beaux jours, elles portent le nom de salers tradition et, durant l’hiver, elles se vendent sous l’appellation cantal AOP fermier. La majorité est destinée à Hervé Mons et à la fromagerie Bonnal. Après ce passage du côté de la production fromagère, aucun regret pour Géraud Delorme, véritable amoureux de cette race cantalienne. « Faire du fromage, c’est le moyen le plus rentable de valoriser la vache salers », assure-t-il. Car non seulement les fromages, par leur rareté, se vendent à bon prix (aux alentours de 18 ou 20 € le kilo), mais les veaux, indispensables, qui permettent d’activer la lactation, sont ensuite vendus. « Par contre, cela représente plus de travail », prévient le producteur auvergnat.

Pour ne rien perdre et apporter encore un peu plus de valeur ajoutée à sa production, le Cantalien fabrique aussi du beurre à base de crème de lactosérum. Après la traite, le lait se retrouve dans la gerle, ce gros tonneau en bois indispensable à la fabrication du salers tradition. « Et lorsque l’on tranche le caillé, un peu de matière grasse sort et se mêle au petit-lait. On passe ce lactosérum à l’écrémeuse et on en fait du beurre », résume l’agriculteur. Un beurre unique, qui a déjà charmé quelques palais exigeants, jusqu’à trouver sa place sur la table triplement étoilée de chez Troisgros, du côté de Roanne. L’avenir du salers tradition ? « Je ne suis pas pessimiste, analyse rapidement Géraud Delorme. On ne passera pas tout le département à la production de lait de salers, mais notre objectif est de toujours tirer la qualité vers le haut », assure-t-il. Et chercher la valeur ajoutée pour mettre en avant cette spécificité auvergnate.

Dans le Puy-de-Dôme se prépare actuellement une nouvelle initiative collective pour valoriser le lait de la vache acajou, avec le lancement prochain d’une fruitière du côté de Tauves, dans le Sancy. Six ou sept producteurs devraient s’unir pour fabriquer un tout nouveau fromage, « qui ne fera pas concurrence à la production de l’autre coopérative, qui traite le lait de salers à Saint-Bonnet-de-Salers », assure Géraud Delorme. Les salers traites continuent leur reconquête des terres volcaniques auvergnates.

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