La crise sanitaire bouscule les codes dans l’hôtellerie

  • Temps de lecture : 5 min

Dans un marché en pleine convalescence, certains professionnels du secteur mettent les bouchées doubles pour tirer avantage de la reprise d’activité, quitte à secouer les règles établies. Ainsi, ils élaborent de nouveaux concepts dans le but d’optimiser la rentabilité de leurs surfaces.

Crédits : L'Auvergnat de Paris.
Crédits : L'Auvergnat de Paris.

Si l’on en croit une étude publiée récemment par le cabinet spécialisé dans l’industrie touristique et hôtelière, MKG consulting, le chiffre d’affaires du secteur est en baisse d’environ 50 % sur un an par rapport à 2019, dernière année en date ayant échappé à l’épidémie de Covid-19. Le retour à la normale n’est pas attendu avant l’année 2023 ou 2024. Et ce, y compris dans Paris intra-muros à en croire les experts. En effet, malgré la réouverture des établissements, les professionnels parisiens continuent de souffrir des conséquences économiques du coronavirus. Et la cinquième vague épidémique avec le variant Omicron ne devrait pas faciliter les choses.

Pour ne rien arranger, la crise actuelle intervient après plusieurs années délicates, marquées par le mouvement des « gilets jaunes » et les grèves contre la réforme des retraites du Gouvernement. Des événements qui avaient affecté non seulement le tourisme, mais aussi les voyages d’affaires dans la capitale.

Néanmoins, d’après l’étude de MKG consulting, depuis plusieurs mois, les taux d’occupation commencent à se redresser à Paris. Ils sont soutenus par la demande domestique, en particulier sur le segment de l’hôtellerie économique. Toutefois, cela n’empêche pas la profession de faire sa révolution afin de mettre dès à présent toutes les chances de son côté pour bénéficier pleinement du léger vent de reprise d’activité.

Reprendre la main face aux plateformes de réservation

Le secteur a notamment repris son combat contre les agences de voyages en ligne, à l’image des sites internet Booking.com, Expedia ou encore Hotels.com. Ces rivaux imposent des taux de commission élevés pouvant dépasser le seuil des 20 % d’après les spécialistes. De fait, les professionnels du secteur sont de plus en plus nombreux à se retirer de ces plateformes. D’abord parce que la politique de remboursement des clients est problématique en ces temps de crise sanitaire. En effet, ces sites leur proposent des remboursements systématiques en cas d’annulation de dernière minute, au lieu des avoirs recommandés par l’État afin d’aider la profession.

Pour tenter de contrecarrer ces nouveaux acteurs qui leur amputent une part non négligeable de leurs revenus, le secteur a d’ailleurs multiplié les initiatives ces dernières années, en créant ses propres plateformes de réservation. Ainsi, l’an dernier, un collectif d’hôteliers regroupant notamment plusieurs dizaines d’établissements parisiens a lancé le portail « Sauve ton hôtel ». Ce dernier permet aux Français de réserver leurs nuitées sur la toile en se passant d’intermédiaires.

Afin d’encourager les clients à utiliser ce site internet, les établissements participant à cette opération leur ont notamment présenté des avantages non négligeables : tarif préférentiel, surclassement, activités ou repas offerts, etc. Mais cette opération a également pour but de promouvoir un tourisme plus responsable et local. Car, à cette heure, le secteur doit aussi faire face à la concurrence des plateformes de location entre particuliers, à l’image de Airbnb ou encore Abritel-Homeaway. Il faut dire que ces plateformes proposent généralement en plein cœur de la capitale des hébergements confortables et spacieux, souvent bien plus abordables pour des touristes souhaitant visiter Paris en famille.

Multiplier les nouveaux services

Bien avant la crise sanitaire, cette concurrence avait d’ailleurs obligé le secteur à s’adapter et à se réinventer afin de répondre au mieux aux nouvelles demandes de cette clientèle familiale. Elle a ainsi conduit bon nombre de professionnels à faire en quelque sorte une minirévolution de palais. L’objectif est clair : adapter son offre et ses services aux nouvelles attentes commerciales.

Aujourd’hui, comme le précise Delphine Prigent, gérante de l’hôtel Signature Saint-Germain-des-Prés, « les clients veulent par exemple pouvoir disposer d’une bonne connexion Wifi, gratuite et illimitée mais aussi bénéficier de plus de flexibilité, que ce soit pour les horaires du petit déjeuner, ou encore lors des procédures de check-in et de check-out ». Le boom de la location saisonnière les oblige ainsi à repenser l’accueil des familles. Ils proposent donc des services sur mesure comme le room service, le minibar gratuit ou encore les locations de vélos.

De nouveaux concepts émergent également, ce qui pousse les exploitants indépendants à se réinventer pour survivre. Des enseignes comme Novotel ou Ibis Styles (groupe AccorHotels) ont ainsi développé une offre famille avec des chambres pour quatre et des promotions à destination des enfants. D’autres groupes hôteliers, comme The People Hostels, un réseau d’auberges de jeunesse présent dans la capitale parisienne, ciblent une clientèle familiale et de jeunes voyageurs. C’est aussi le cas de Mama Shelter, qui dispose de chambres communicantes et offre aux moins de 12 ans des films d’animation et le petit-déjeuner gratuits. Autre axe de développement privilégié en ce moment par les hôteliers parisiens : la clientèle de proximité habitant à Paris et en région parisienne.

Miser sur la clientèle de proximité

Pour remplir leur établissement, certains professionnels n’hésitent pas à surfer sur le concept du « staycation ». Ce concept est né de la contraction entre « stay » (rester) et « vacation » (vacances), qui nous vient tout droit des États-Unis. Même s’il est généralement réservé aux établissements haut de gamme, l’idée est de proposer aux Parisiens de se déconnecter de leur routine quotidienne, en s’offrant une nuit dans un hôtel prestigieux comme pourrait le faire un riche touriste en visite dans la capitale. Au menu de ces séjours de rêve, on trouve notamment des extras luxueux : bouteille de champagne offerte, chambre avec vue sur un monument de Paris, surclassement, etc.

La formule coworking

Dans la même logique, afin de générer des sources de revenus complémentaires, d’autres hôteliers misent sur le coworking. Généralement, l’offre se compose d’un espace dédié au travail, plus ou moins formel avec notamment connectiques, imprimantes, wifi de qualité, et boissons chaudes, eau, viennoiseries, snack, moyennant des forfaits à l’heure, à la demi-journée ou à la journée complète. Pour d’autres, seules les consommations sont payantes. Les hôteliers y voient ainsi une manière de rentabiliser des espaces peu ou pas exploités de manière optimale. Cerise sur le gâteau, les investissements à réaliser ne sont généralement pas très lourds, les hôtels étant en bonne partie déjà équipés en matériel : wifi, fauteuils, chaises, tables, etc.

De plus, le personnel de l’établissement est généralement apte à superviser ce type de service. Les hôteliers optimisent ainsi au mieux leurs mètres carrés. Dans certains hôtels, l’espace de lobby peut jouer ce rôle. Pour d’autres, c’est la salle de petit déjeuner qui se transforme en espace de travail, dès le service et le ménage terminés.

Quoi qu’il en soit, il s’agit d’un moyen de faire parler de leurs établissements, tout en se démarquant de la concurrence. Les hôteliers diversifient ainsi leurs cibles de clientèles et profitent de la communication induite par ce nouveau service. Cela permet également de drainer une nouvelle clientèle, par exemple pour ceux qui disposent d’un bar ou bien d’un restaurant. Mais, c’est aussi un moyen de créer de la vie dans l’hôtel. Car commercialement plus les espaces sont remplis, plus ils attirent les clients. Néanmoins, il ne faut pas oublier que « notre cœur de métier reste les prestations hôtelières » tient à préciser Delphine Prigent.

PARTAGER