Moins connu que le porto, le madère fait néanmoins partie des très grands vins du Portugal. Produit sur une île relativement éloignée de la péninsule Ibérique, à près de 500 km au large des côtes africaines et à une latitude proche de celle de Marrakech, le madère jouit d’une typicité rare qui lui vaut une renommée mondiale. Cette spécificité est due au climat particulier subtropical, chaud et humide dont bénéficie cette île. C’est un des rares endroits où la vigne cohabite avec la culture de la banane ou de la canne à sucre. Cette terre est en outre soumise à de faibles amplitudes thermiques entre l’hiver et l’été. Les vignes sont cultivées sur des terrasses creusées dans le relief très accidenté de l’île.
La culture de la vigne a suivi de peu la découverte de cette terre en 1419. Ainsi, le madère est en droit de revendiquer plus d’un demi-millénaire d’existence. Il fut aussi rapidement exporté, notamment vers l’Angleterre et les États-Unis. Ce fut notamment le vin des Pères fondateurs. Georges Washington porta un toast avec un verre de madère le jour de sa Déclaration d’indépendance, le 4 Juillet. Ce commerce vers l’Amérique, mais aussi vers les Indes, accrut sa réputation lorsque l’on s’aperçut que les voyages dans les soutes des bateaux bonifiaient ce vin.
Le madère, qui dispose à la fois d’acidité et de sucre résiduel, est bien adapté au vieillissement et, naturellement, les vins de plus de cinq ans d’âge figurent parmi les plus réputés. Ils sont aussi les plus chers, car dans les fûts, sous ce climat, l’évaporation est importante (2 à 10 % par an). Mais globalement, 85 % de la production est vendue en deçà de cette barre d’âge.
LE CANTEIRO, LA MÉTHODE NOBLE
Il faut près de deux ans minimum pour commercialiser un vin. Deux méthodes de vinification sont mises en œuvre. La plus rapide consiste à chauffer le vin dans des cuves en inox durant trois mois, à une température comprise entre 45 et 50°. Après une période de repos de trois mois, il peut être embouteillé, mais il est nécessaire d’attendre le 31 octobre de la deuxième année suivant les vendanges pour le commercialiser. La seconde méthode, le canteiro, apparaît comme plus noble. Le vin, placé dans des entrepôts où règne une forte chaleur, subit un vieillissement oxydatif en fût durant deux ans. C’est ce traitement particulier qui confère au vin ces arômes de caramel et de noisette et sa couleur foncée qui s’accentue au fil du vieillissement. Celui-ci peut durer cinq, dix, vingt, trente, quarante ou même cinquante ans.
L’art de la vinification repose également sur une dizaine de cépages spécifiques, parmi lesquels on peut citer le sercial, plus adapté aux vins secs, le verdelho ou le terrantez pour les demi-secs, le boal pour les demi-doux et, surtout, le malvasia pour les doux. Ce dernier s’affirme comme le cépage emblématique de l’île. Les 500 ha de superficie, essentiellement destinés à la production de l’AOP madère, assurent une production annuelle de l’ordre de 3,4 millions de litres. Il faut savoir que la France est le meilleur client du madère, puisqu’elle absorbe près du tiers de la commercialisation du vin de l’île.
Au-delà de l’âge, il faut aussi savoir que le style des vins de Madère est en train de se renouveler. Certains vignerons de l’île s’efforcent en eff et de produire des vins plus acides, avec moins de sucre résiduel.
Des producteurs en vue
Sur l’île, plusieurs producteurs réputés se partagent le marché des madères de qualité. Connu pour son style traditionnel, H.M. Borges est connu pour son style classique et ses vieux malvoisies, qui peuvent intégrer jusqu’à 125g de sucre résiduel.
L’un des plus vieux producteurs de l’île, Henriques & Henriques, fondé en 1850, possède les plus grands vignobles de l’île. Il faut aussi mentionner Madeira Vintners, une coopérative agricole qui a déposé sa marque en 2013 et qui fonctionne avec des équipes entièrement féminines. Un parti pris qui se retrouve dans la légèreté des vins.
