En l’espace d’un week-end, après le discours du président de la République et deux décisions du Premier ministre, tous les cafés et restaurants français sont à l’arrêt. Une profession entière, soit près de un million de personnes, est condamnée au chômage technique pour une période indéterminée.
L’ensemble des CHR français est à l’arrêt depuis le 14 mars, à minuit. Quelques heures plus tôt, le Premier ministre Édouard Philippe sifflait la fin de la récréation. Constatant que les mesures, pourtant drastiques, prises la veille (interdiction de recevoir plus de 100 personnes) n’avaient pas suffisamment d’effets sur le comportement des Français, l’hôte de Matignon a décidé de durcir d’un cran les mesures en imposant la fermeture des cafés et des restaurants. C’est historique : même pendant les deux guerres mondiales, la France n’avait pas assisté à une fermeture de cette ampleur.
Seules les livraisons de plats et la vente à emporter sont encore tolérées. Les hôtels ont encore la possibilité d’accueillir du public, mais leurs bars et restaurants doivent être fermés, avec la possibilité toutefois de ravitailler leur clientèle via le room service. Les commerces non alimentaires ou non indispensables se sont également vus imposer une fermeture. Les tabacs font partie des exceptions. Mais s’ils peuvent maintenir leurs guichets ouverts, les tabacs humides ne peuvent en aucun cas recevoir du public.
UN TUNNEL NOIR
L’allocution du 12 mars du chef de l’État, Emmanuel Macron, avait fait réaliser à ceux qui en doutaient encore la gravité de la situation. L’augmentation du nombre de personnes infectées est préoccupante et il faut contenir coûte que coûte une épidémie qui pourrait faire des ravages. D’ailleurs, les responsables syndicaux de l’hôtellerie-restauration soutiennent cette mesure. Roland Héguy, président de l’Umih, se montre satisfait des mesures annoncées par le président de la République, qui témoignent d’une volonté de défendre les salariés et les entreprises et de les protéger : « Il faut garder nos salariés et s’apprêter à rebondir le plus tôt possible. » Il reconnaît que la visibilité fait défaut : « On peut maîtriser beaucoup de choses, mais pas une grande épidémie. Nous avançons dans un tunnel noir. » Au GNI, Didier Chenet soutient lui aussi ces mesures de confinement et demande de respecter la décision du président de la République pour que « tout soit mis en œuvre pour protéger nos salariés et pour protéger nos entreprises, quoi qu’il en coûte ».
Mais le représentant syndical s’inquiète néanmoins pour l’avenir des entreprises du secteur et réclame des mesures d’aide urgentes. Les menaces économiques sont certes secondaires par rapport au risque sanitaire, mais il faut cependant s’attendre sur ce plan à un choc durable qui devrait se faire ressentir au-delà de la durée de ce que l’OMS qualifie désormais de « pandémie ». Le jour de la prise de parole du président de la République, le CAC 40 dévissait de 12,3 %, accusant ainsi la plus forte baisse de son histoire. Le précédent record à la baisse (9 %) datait du 6 octobre 2008, à l’époque de la crise des subprimes. Déjà, depuis un peu plus de un mois, la profession doit faire face à la baisse du trafic touristique qui a impacté l’hôtellerie, mais aussi la restauration. Il y a deux semaines et demie, le passage au stade 2 de la lutte contre l’épidémie a sonné comme un nouveau coup dur pour les CHR. La limitation des événements de plus de 5 000 personnes, puis de plus de 1 000 personnes a provoqué l’annulation de très nombreuses manifestations Même des réunions de moindre importance ont été annulées au nom du principe de précaution. De très fortes baisses de fréquentation ont été enregistrées, avec, naturellement, des disparités d’un établissement à l’autre. Roland Héguy estime que la baisse de fréquentation des hôtels en France était de l’ordre de 40 % la semaine dernière et bien davantage dans les « clusters » de l’épidémie. Le secteur des traiteurs était déjà littéralement sinistré. Les annulations de réservation du carnet de commandes atteignent 70 %. La semaine dernière, Butard Enescot, traiteur basé à Colombes, annonçait une perte de 3,5 M€ depuis le début des événements.
APPEL À LA CRÉATION D’UN FONDS DE SOLIDARITÉ
Mais avec ces nouvelles mesures, on entre dans une phase beaucoup plus douloureuse. Disneyland, la tour Eiffel, le Louvre et même Orly sont fermés.
L’offre de transports va se réduire comme une peau de chagrin. En montagne, les stations de sports d’hiver qui songeaient déjà à anticiper leur fermeture ont stoppé leurs remontées et leurs activités. La France, déjà lourdement impactée, tourne désormais au ralenti et ne dispose d’aucune visibilité sérieuse pour la reprise. Didier Chenet comme Francis Palombi, président de la Confédération des commerçants de France, ne cachent pas leur inquiétude et ont plaidé dans de nombreux médias pour que, dans ces circonstances exceptionnelles, le Gouvernement fasse pression sur les banques et les assurances afin de soutenir les entreprises en difficulté. Enfin, le président du GNI rappelle que les entreprises qui n’ont plus de recettes ne sont plus en mesure d’avancer les salaires de leurs employés en attendant l’indemnisation du chômage technique. Il en appelle à la création d’un grand fonds de solidarité. Il réclame enfin l’abandon provisoire des recettes de TVA.
Emmanuel Macron a annoncé que l’intégralité des entreprises pourra reporter « sans justification, sans formalités, sans pénalités » les paiements des cotisations et impôts pour le mois de mars. « Les échéances dues dans les prochaines semaines seront suspendues pour tous ceux qui en ont besoin », a-t-il martelé. Un accompagnement des exploitants qui va bien au-delà du décalage du paiement des charges sociales au 15 mars, annoncé le 9 mars par le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire. Le chef de l’État a également indiqué des mesures d’annulation ou de rééchelonnement, sans autre détail. « En parallèle, j’ai demandé au Gouvernement de préparer d’ores et déjà un plan de relance national et européen cohérent avec nos priorités et nos engagements pour l’avenir. La Banque centrale européenne a, déjà aujourd’hui, fait part de ses premières décisions. Seront-elles suffisantes ? Je ne le crois pas », a ajouté Emmanuel Macron. Dans le détail, le Gouvernement a donc annoncé le report de paiement des charges sociales, patronales et salariales pour les mois de mars, avril, mai et plus si nécessaire ; le report des charges et taxes fiscales (impôts directs) dans les mêmes conditions. La TVA ne fait pas partie de ce report, elle devra être payée. Bruno Le Maire a précisé que des dégrèvements pourraient être accordés aux entreprises au terme de la crise, au cas par cas. Par ailleurs, l’Umih et le GNI ont obtenu la suspension auprès des banques des remboursements des crédits et crédits-baux et autres formes de crédits, pour six mois, de mars à août, sans frais pour les entreprises.
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La BPIFrance propose des solutions dédiées aux entreprises impactées par la fermeture.
Outre les banques traditionnelles, le ministre de l’Économie a détaillé de nouveaux engagements de la BPI, dont la garantie par la BPI à hauteur de 90 % des découverts confirmés par les banques sur douze à dix-huit mois, ainsi que des prêts bancaires de trois à sept ans. Concrètement, la BPI propose la mise à disposition de prêts de trois à cinq ans, de 10 000 à 10 millions d’euros ; la mobilisation de toutes les factures, la BPI y rajoutant un crédit de trésorerie de 30 % du volume mobilisé ; et la suspension de toutes les échéances de remboursement de ses propres crédits auprès de votre établissement. Enfin, et comme le GNI l’exigeait, le Gouvernement a annoncé la création du Fonds national de solidarité. Ce dernier sera doté par l’État et les régions et pourra accueillir des fonds privés. Il viendra en aide aux professionnels dont l’activité est à l’arrêt, ainsi que ceux dont le chiffre d’affaires a chuté d’au moins 70 %. Il sera ouvert aux structures les plus petites dont le chiffre d’affaires ne dépasse pas un million d’euros.
Explosion du chômage partiel
L’onde de choc du coronavirus sur l’économie française se révèle de plus en plus sévère. Depuis samedi, après l’annonce du Premier ministre Édouard Philippe de la fermeture « des lieux non essentiels à la vie du pays » pour tenter d’enrayer la diffusion du coronavirus dans l’Hexagone, les témoignages d’exploitants se multiplient. Tous font part de leur tristesse de devoir baisser le rideau et leur inquiétude quant au futur de leur entreprise et de leurs salariés.
Lorsqu’une entreprise est confrontée à une situation exceptionnelle qui l’oblige à réduire ou à suspendre son activité économique, elle est habilitée à solliciter la mise en place de la procédure de chômage partiel. Pour éviter des licenciements massifs, le Gouvernement a décidé de renforcer le dispositif du chômage partiel.
Mon message à tous les chefs d’entreprise :
— Muriel Pénicaud (@murielpenicaud) March 15, 2020
➡Si votre activité est impactée #coronavirus : ne licenciez pas, demandez le chômage partiel.
➡Si votre activité continue, privilégiez le télétravail et modifiez l’organisation du travail.
Ensemble, protégeons la #santé et l’#emploi! pic.twitter.com/U4Ah3pE2hv
« L’activité partielle ou chômage technique vise les entreprises qui ne peuvent pas maintenir leur activité à cause du coronavirus. À ce moment-là, le contrat de travail est suspendu, il n’est pas rompu. Les salariés ne deviennent pas demandeurs d’emploi », a détaillé Muriel Pénicaud, ministre du Travail. Cette dernière a assuré que « 100 % du chômage partiel » sera pris en charge sur le budget du ministère du Travail.
Jusqu’ici, l’État ne remboursait qu’à hauteur du Smic. Dorénavant, le Gouvernement remboursera tous les montants.