Les terrasses en effervescence

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Le 11 juin, l’une des grand-messes du football débutera sous les vivats des supporters. L’Euro 2021, qui a la particularité cette année d’être disputée dans différents pays européens, est l’occasion rêvée pour les exploitants de faire le plein dans leurs établissements. Mais le protocole sanitaire et le couvre-feu refroidissent quelque peu l’engouement des patrons qui devront composer avec d’importantes contraintes.

À chaque compétition d’envergure, c’est la ritournelle. Le bar est, avec le stade, ce lieu où le sport s’apprécie dans tout ce qu’il a à offrir : du spectacle, du suspense et surtout du partage. Avant chaque événement sportif international, The NPD Group réalise une étude sur les retombées attendues pour les CHR : pourquoi, quand et comment les Français comptent-ils consommer sont les principaux points abordés. Sans surprise, la motivation clé pour consommer (et voir le match sur l’écran d’un bar) était la sortie avec les amis. La notion de convivialité, de joie (ou de peine) partagée et le sentiment d’union et d’appartenance à un groupe sont les facteurs qui ont déterminé la décision de sortir plutôt que de rester chez soi. Malgré tout, cette année la donne a évolué et les bars vont faire face à la rude concurrence des services de livraison à domicile. Après plus d’un an de crise, et ses multiples confinements, l’impact de la Covid sur la manière qu’auront les Français de consommer durant cet Euro 2021 va évoluer par rapport à 2016 et 2018. Le déconfinement pourrait cependant se révéler un facteur fort de ruée vers les terrasses et les bars.

Des exploitants partagés 

C’est pourtant une drôle de mouture qui attend les exploitants de bar à l’occasion de cet Euro. Ces derniers seront contraints de ne remplir leur salle qu’à moitié tandis que le couvre-feu sera fixé à 23 h. D’un côté, le potentiel de chiffre d’affaires pourrait être réduit ; de l’autre, il faudra prévoir du personnel supplémentaire pour gérer le flux de clientèle et assurer la fermeture de l’établissement avant 23 h. Une équation difficile à résoudre pour certains professionnels. « L’Euro devrait permettre de conserver un peu de clientèle en ville. Traditionnellement, durant cette période les gens pensent à partir en vacances. La crainte qui va de pair, c’est que si la France progresse dans la compétition il va être compliqué de gérer la clientèle. En 2018, les clients étaient trop nombreux et nous avions enlevé des tables. Ici, il va falloir recevoir une clientèle en progression alors que la jauge est resserrée », explique Baptiste, responsable du Sunset Boulevard (Paris 9e). Celui-ci redoute l’excès d’entrain de la clientèle des matchs avec qui « nous allons avoir beaucoup de mal à lui faire comprendre qu’elle doit rester assise » . L’an passé, l’exploitant devait composer avec un maximum de dix personnes par table. Cette jauge étant aujourd’hui abaissée à six convives, il craint de devoir passer ses soirées à faire appliquer les consignes sanitaires.

« L’Euro représente pour nous une opportunité de booster notre chiffre d’affaires. »

Au Bal Rock, temple de la retransmission des événements sportifs à Paris, on se réjouit davantage de l’arrivée de l’Euro. L’établissement est équipé d’une cinquantaine d’écrans, devrait faire le plein tout au long de la compétition. Il dispose même d’une fosse pouvant accueillir 150 clients devant un écran géant. « Il s’agit du principal événement avant une longue période estivale ! se félicite le responsable de salle. L’Euro représente pour nous une opportunité de booster notre chiffre d’affaires. Nous disposons d’une salle de 1 000 m2 qui facilitera la distanciation ; au début de la compétition nous devrons nous contenter de 50 % de notre capacité (soit entre 250 et 300 personnes), mais nous pourrons accueillir tout le monde en juillet. Il n’y a plus qu’à espérer que la France aille en finale. » Pour séduire et attirer la clientèle, le Bal Rock mise sur des prestations taillées sur mesure pour l’Euro. Pour suivre un match dans l’établissement, le client devra s’acquitter d’une formule comprise entre 20 et 30 € comprenant des pintes de bière et des hamburgers maison. Des goodies distribués par les brasseurs seront aussi proposés au public.

Du côté du Corcoran’s des Grands Boulevards (Paris 9e), l’Euro 2021 apparaît comme un événement à double tranchant. « La compétition devrait attirer beaucoup de monde dans l’établissement, mais nous ne disposons que de la moitié de nos places. Les matchs les plus importants seront retransmis à 21 h et finiront à 22 h 50… Cela va être très compliqué pour évacuer tout le monde avant 23 h et rentrer notre terrasse dans le même temps », déplore José Lozano. Ce dernier prévoit déjà de renforcer ses troupes en engageant des extras pour assurer le service à table ainsi que du personnel de sécurité pour gérer le va-et-vient des clients. Des dépenses supplémentaires donc, même si José Lozano s’attend à une hausse de la consommation durant l’Euro. Selon les matchs, l’effectif du Corcoran’s grimpera jusqu’à 20 personnes. Six écrans et quatre rétroprojecteurs retransmettront les matchs, tandis que des burgers et des bières seront présentés aux supporters (10 € la pinte et un snack).

Les fournisseurs sur le pied de guerre

Alors que le service en intérieur dans les bars et restaurants reprend et que les beaux jours sont de plus en plus nombreux, les fournisseurs se tiennent prêts aux côtés des CHR en prévision de l’afflux de clients venus assister aux matchs de l’Euro de football. Contexte oblige, l’accompagnement des professionnels du secteur reste la priorité. « L’objectif est de soutenir la réouverture du CHR sur le premier et plus important événement fédérateur en 2021, d’accompagner nos partenaires dans cette reprise et en amont de la saison estivale, et de faire revenir les consommateurs en point de vente en toute sécurité », détaille Philippe Collinet, directeur de la communication de Kronenbourg. Pour cela, le groupe va réaliser des événements dans environ 2 000 établissements avec les marques 1664 dans les bars et brasseries et Carlsberg dans les pubs. Des animations sont prévues, adaptées aux mesures sanitaires. Des jeux concours via QR code sont ainsi organisés. L’entreprise prévoit « des moyens d’animation et de visibilité (chevalet, sous-bock, guirlande, vitrophanie, etc.), des goodies, des dotations nationales et des offres promotionnelles pour les aider à faire revenir les consommateurs et à travailler le recrutement, la fidélisation ainsi que le boost volumes » . Les prévisions de vente restent malgré tout floues dans le contexte actuel. Mais Kronenbourg avance que « ce type d’événement génère historiquement environ 1 à 2 % de volumes incrémentaux sur l’année ».

Paul Haber, gérant de Haber France, distributeur de boissons en région parisienne, s’attend à une augmentation des ventes : « À chaque événement, il y a toujours des ventes en plus, surtout lors des coupes d’Europe et du monde. » Pour l’heure, le distributeur annonce une hausse de 50 % des commandes. Commandes qui devraient s’intensifier avec la reprise du service en intérieur et le passage du couvre-feu de 21 h à 23 h. « Comme cela, il y a plus d’espace pour les clients et donc plus de consommations. Deux heures de plus par rapport au couvre-feu, c’est deux heures de consommation en plus », se satisfait-il. Paul Haber pointe néanmoins du doigt la problématique liée à la production des boissons, qui ne pourrait pas suivre la cadence et la forte demande. « Les usines ne produisent pour l’instant pas assez pour fournir tous les bars et restaurants », s’inquiète-t-il.

La retransmission des matchs

La compétition européenne de football organisée par l’UEFA du 11 juin au 11 juillet est diffusée en intégralité sur les chaînes BeIN Sports. Un abonnement à Canal+ Business est à prévoir. Sur les 52 matchs prévus, 23 seront disponibles en clair, sur les antennes de TF1 et de M6, dont le match d’ouverture, les demi-finales, la finale et évidemment toutes les rencontres disputées par l’équipe de France. Pour les établissements qui ont l’habitude de retransmettre les matchs, aucune demande de licence de projection publique n’est à effectuer auprès de l’UEFA, « à condition que leur mode de fonctionnement ne soit pas directement lié à la projection des matches de l’UEFA EURO 2020 ». Une demande d’autorisation auprès de la Sacem se trouve par ailleurs nécessaire.

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