Tout faire pour éviter une nouvelle fermeture, interview du ministre Alain Griset

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Alain Griset revient sur la décision d’Emmanuel Macron d’imposer le passe sanitaire dans les cafés et restaurants, et les moyens qui seront déployés en soutien de la profession pour l’aider à passer ce nouveau cap. Selon le ministre en charge des TPE et PME, l’objectif commun est d’éviter à tout prix de devoir restreindre à nouveau l’activité économique à l’heure où la menace du variant Delta plane sur la France.

Le Président de la République a annoncé lors de son allocution du 12 juillet le passe sanitaire obligatoire, notamment dans les bars et restaurants, dès le 1er août. L’annonce a été vécue comme un coup dur par la profession. Que répondez-vous à l’inquiétude des professionnels ?

Tout d’abord, nous avons montré depuis un an notre capacité à dialoguer, à écouter et à s’adapter. Les CHR font partie des secteurs dans lesquels on a vu aboutir les résultats de ces concertations. Je les ai rencontrés à la suite des annonces du président (l’interview a été réalisée mardi 13 juillet au matin NDLR).

Par ailleurs, il faut être réaliste : nous avons affaire à un variant particulier, qui se reproduit beaucoup plus vite que les autres. Les modèles présentés laissent craindre que si on ne fait rien, vers le 15 août, les hôpitaux seront de nouveau sous forte tension, et nous pourrions être contraints d’envisager la mise en place des mesures telles que le couvre-feu, voire de nouveau une fermeture. Notre position avec Bruno Le Maire est de tout faire pour ne pas de nouveau restreindre l’activité économique. Nous avons tous vécu ces fermetures et savons ce qu’elles signifient. Nous avons l’opportunité de l’éviter grâce à la vaccination. Je le dis sans ambiguïté, je suis favorable au passe sanitaire, et je souhaite que tout le monde en soit convaincu.

L’État compte-t-il compenser la perte de chiffre d’affaires qui en découlera ? Les aides vont-elles s’adapter ?

Concernant les aides, la décision prise par le Président de la République ne change rien au cap fixé. Nous avions déjà prévu un accompagnement tout l’été via les mesures bien connues du fonds de solidarité ou les PGE, et nous nous sommes engagés à refaire le point fin août, pour observer l’état du secteur. Nous ajusterons ensuite, et verrons ce qu’il faut décider.

Le passe sanitaire sera également obligatoire pour les salariés. Y aura-t-il des aménagements, des dérogations, pour permettre aux restaurateurs de s’adapter ?

Il y a un premier travail de sensibilisation, il faut expliquer aux salariés l’intérêt du vaccin. On a demandé déjà depuis plusieurs semaines aux professionnels d’aménager le temps de travail pour permettre aux salariés d’aller se faire vacciner. Et puis il y a aussi la possibilité de faire le test.

La situation est très claire, on a un virus dangereux qui risque dans les prochaines semaines de faire beaucoup de morts et de verrouiller l’économie, c’est le constat. Si on ne fait rien, nous devrons reprendre des décisions fortes d’ici quelques mois. Il n’y a pas de raison que ceux qui sont vaccinés subissent les conséquences de ceux qui ne souhaitent pas y avoir recours. Cependant, dans le cadre des consultations que nous menons, nous avons entendu les difficultés quant à l’application du passe sanitaire pour les salariés dès début août, et avons donc décidé de laisser une souplesse jusqu’au 30 août pour avoir reçu les deux doses.

Des restaurateurs et syndicats ont pris la parole lundi 12 juillet pour dénoncer cette nouvelle mesure. Les comprenez-vous ?

Je comprends qu’il y ait un ras le bol. Après un an et demi, on préférerait vivre tranquillement et ne plus être confrontés à tout ça. Je saisis également que les entrepreneurs préféreraient éviter toutes ces contraintes pour mieux travailler. Mais il y a une situation qui nous rappelle à l’ordre. Ce n’est ni simple, ni agréable, même si je comprends la difficulté pour les entreprises et les salariés.

Beaucoup de restaurateurs craignent de perdre leur temps à « faire la police » dans leurs salles et terrasses, qu’en pensez-vous ?

Les restaurateurs ont déjà des règles d’admission pour prendre en charge leurs clients : pas d’animaux, pas de client en état d’ivresse, des règles de standing, d’habillement. On a toujours fait plus ou moins la police quand on est commerçant, on a des règles qu’on applique soi-même dans un établissement et qu’on fait respecter. Pareil si un client fume.

Désormais quand un client rentre dans un restaurant, on lui présente le menu, pendant ce temps on vérifie s’il a le passe sanitaire. Je l’ai fait en allant en visiter une discothèque, cela dure 20 secondes. Je suis persuadé que très vite les Français qui ont envie d’aller dans un restaurant feront la vaccination ou le test, il n’y aura pas de problème.

Une nouvelle fermeture resterait-elle envisageable en cas de 4e vague de même ampleur que les précédentes ? Même en sachant que ce serait probablement celle de trop ?

Un taux d’incidence du virus de 200 sur 100 000 habitants reste le taux d’alerte, cela ne change pas. Au-dessus, par département, des contraintes pourront être ajoutées par arrêté préfectoral.. On peut très vite limiter les conséquences de la diffusion du virus avec la vaccination. Ce qui est bloquant, c’est l’encombrement des hôpitaux. Donc oui, la fermeture reste possible si les Français ne jouent pas le jeu, mais nous voulons justement tout faire pour l’éviter.

Qu’en est-il des discothèques, dont le cas a toujours été traité spécifiquement ? Les patrons doivent-ils craindre une nouvelle fermeture ?

Dans les discothèques, le passe sanitaire est une garantie que le risque est maîtrisé. Tant que les discothèques jouent le jeu, on maintient que ça ira, et qu’il n’y a pas de besoin de prendre d’autres mesures.

Certains professionnels et syndicats du monde de la nuit ont soulevé qu’ils avaient été moins aidés que leurs confrères des CHR au regard du temps qu’ils ont passé fermés. Est-ce exact ?

Avant juillet 2020, les discothèques étaient en dessous du radar, elles touchaient 1 500 euros. Mais à compter de cette date, les discothèques ont obtenu un régime spécifique, jusqu’à 15 000 euros de frais fixe d’aides, puis les restaurateurs 10 000 euros. Et à partir du mois de décembre, tous sont passés au même régime de prise en charge d’une partie du chiffre d’affaires. Elles ont par ailleurs, depuis quelques mois, accès à l’aide “coûts fixes” sans critère de chiffres d’affaires. Pour le premier confinement, le fonds de solidarité avait été construit pour les plus petites entreprises parce que personne n’imaginait que l’épidémie durerait aussi longtemps. Les discothèques ont donc depuis été largement aidées.

À quoi ressemblera la rentrée ?

D’une façon macroéconomique, la reprise est très forte depuis le 19 mai, on prévoit un taux de 6 % de croissance pour 2021. On imagine avoir l’économie au même niveau qu’avant la covid à la fin de l’année, si tout se déroule bien.
En dehors de Paris, je n’ai pas de doutes sur le succès de la reprise pour les CHR. Les prévisions de réservations sont très positives. En revanche, on est bien conscients qu’il peut y avoir un problème de tourisme étranger et de tourisme d’affaires pour des restaurants et des hôtels de certains quartiers parisiens. Cela fera partie des travaux que nous mènerons, en lien avec le secteur, au mois d’août pour passer à un accompagnement territorialisé des CHR – et non plus sectoriel -, pour identifier ceux qui continuent à rencontrer des difficultés. Ce sont des pistes de travail, qui doivent encore être affinées.

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