Un an à l’épreuve du Covid avec Célia Tunc, secrétaire générale du Collège culinaire de France

  • Temps de lecture : 5 min

Après avoir traversé un tunnel de plus d’un an, entre inactivité et réouverture sous contrôle, les cafés-restaurants voient le bout du tunnel. Cette période pénible a laissé des séquelles mais aussi ouvert de nombreuses opportunités. Nous sommes partis sur le terrain pour prendre le pouls de cette profession convalescente. Entretien avec Célia Tunc, secrétaire générale du Collège culinaire de France.

Quel a été le pire moment de découragement ? Le meilleur souvenir ? 

Je pense que le pire moment de découragement a été fin octobre, quand nous avons su qu’il fallait fermer une seconde fois. Nous avons pensé à tous nos producteurs et restaurateurs, qui commençaient tout juste à aller mieux. Pour autant, nous n’avons pas baissé les bras, au contraire, nous avons redoublé d’efforts pour soutenir nos membres. Quand on représente un collectif, ce n’est pas pareil que quand on est individuel. Le Collège Culinaire de France compte plus de 2500 membres, qui ont été touchés de plein fouet par cette crise sanitaire. 
Le meilleur souvenir… c’est vraiment de voir la créativité et la coopération dont les restaurateurs et les producteurs ont réussi à faire preuve. Finalement ce sont des centaines de jolis souvenirs. Les membres se sont fait la courte échelle entre eux pour avancer pendant cette crise. On aurait pu voir des gens qui se referment sur eux, au contraire, il y a eu beaucoup de créativité, et de nombreuses initiatives. Par exemple, nous avons mis en place des « marchés des ravitailleurs », des marchés éphémères d’action organisés après l’initiative de Guillaume Pire, du Château de Fosse-Sèche à Vaudelnay. Il s’agit de restaurants qui ont mis leurs espaces à disposition pour en faire des marchés de producteurs, ou de producteurs artisans qui ont organisé des marchés directement sur leur exploitation.

Qu’est-ce qui a changé chez vous durant cette parenthèse ? 

Cette période est aussi une source d’inspiration incroyable. Nous sommes plus que jamais à l’écoute de nos membres. Ils ont des choses riches à s’apprendre les uns des autres. Ce qui a été mis en place pendant le confinement est voué à rester. De notre côté, nous avons publié des carnets d’Inspiration, avec les idées partagées lors des groupes de travail que nous avons organisés notamment pendant le premier confinement. L’idée est de rendre cette documentation accessible au plus grand nombre, avec des modèles d’inspiration. Nous avons aussi mis en place un nouveau rendez-vous en ligne pour les nouveaux venus et nous allons le garder. Un mercredi par mois nous présentons le collectif aux nouveaux membres, cela permet de créer un premier lien. On démultiplie aussi le nombre d’événements locaux, pour se retrouver et partager nos expériences. 

Avez-vous des regrets ?

Oui, forcément… D’abord, on se rend compte que même si notre secteur d’activité s’est mis en quatre pour respecter les normes sanitaires, s’il a investi, il a quand été le plus impacté par la crise. Nous regrettons que les grandes surfaces soient sorties les grandes gagnantes de ces confinements. Nous avons aussi observé une prise de conscience et un élan de la part du public pour aller se sourcer chez les petits producteurs lors du premier confinement, mais cela n’a pas forcément perduré dans le temps. La prise de conscience a été incroyable, mais pour le moment nous ne constatons pas de changements d’habitude massifs. Toutefois, je crois aux petits pas, et il y en a eu de nombreux. 

Comment jugez-vous l’action du gouvernement face à la pandémie ?

Je connais des restaurateurs dans d’autres pays que le nôtre, et c’est une catastrophe. Aux États-Unis par exemple, ou en Espagne, où les restaurateurs n’ont pas été aidés. Avant de nous demander si le gouvernement a agi parfaitement, nous devons d’abord regarder ailleurs. On ne peut que saluer les actions qui ont été entreprises, elles ont permis à tout le monde de garder la tête hors de l’eau. Toutefois, malheureusement, certains sont passés entre les mailles du filet, et pour eux les aides ont parfois été insuffisantes. Certains de nos producteurs ne rentraient pas dans les critères pour obtenir des aides, donc cela a été très dur pour eux aux. Maintenant, il va falloir être très vigilant et espérer une belle reprise. 

Et si la crise avait aussi du bon ? Finalement, quels enseignements tirez-vous de cette crise ?

Les crises sont toujours violentes, d’un point de vue collectif ou individuel. Tout le monde ne réagit pas de la même façon, mais dans tous les cas, cela peut aussi créer des opportunités. Pour nos membres, cela a permis de dégager des réflexions, mettre en place des actions, commencer à travailler différemment. Des producteurs s’en sont tiré en dépensant une énergie folle. Pour beaucoup, cela a permis de prendre du recul et de la hauteur, peut-être même mener de nouveaux projets. Nous avons aussi vu la solidarité des restaurateurs, notamment envers les soignants, et cela est très positif.

Comment entrevoyez-vous l’avenir ?

Finalement, cela nous a montré que la diversité et la richesse de la coopération sont l’avenir de la gastronomie et de la restauration en France. Nous faisons tous partie de cet écosystème, cette crise nous montre que nous sommes sur le bon chemin. Le travail artisanal et la restauration de qualité que l’on défend au Collège Culinaire de France sont des éléments attractifs pour les clients, mais aussi pour donner envie de venir travailler dans notre secteur. Nous savons aujourd’hui que les clients cherchent une cuisine de marché, de saison, des bons produits. Ils sont sensibles aussi aux bouche-à-oreille, donc cela montre bien la valeur du collectif. À plusieurs on est mieux que tout seul. 


PARTAGER