Un an à l’épreuve du Covid avec Roland Héguy, président confédéral de l’Umih

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Le président confédéral de l’Umih, Roland Héguy, qui pilote le syndicat de la rue d’Anjou aux côtés d’Hervé Becam, est aussi un exploitant. A Biarritz, il gère l’hôtel de Windsor, la brasserie Bleu Café et le restaurant le Galion. Roland Héguy fait le point sur quinze mois de crise sanitaire qui ont vu les établissements français baisser le rideau. Il salue notamment l’action du Gouvernement.

Quels furent votre pire moment de découragement et votre meilleur souvenir ?

Pour moi, le pire moment s’est finalement déroulé en deux temps. Il y a tout d’abord eu l’annonce qui a été faite à la mi-mars 2020, avec la fermeture des établissements. Cela a été trop violent, un coup très brutal. Le deuxième temps, c’est la seconde fermeture que nous avons connue en octobre 2020. Malgré la mobilisation dont a fait preuve l’ensemble de la profession, il a fallu accepter notre sort alors que nous étions parmi les seuls commerces fermés. Je retiens tout de même un moment heureux ; celui qui a montré que nous étions tous solidaires. Dès le début de la crise, les organisations syndicales se sont ressoudées et nous avons mis beaucoup d’énergie pour pouvoir résister, négocier avec le Gouvernement, ou encore débattre des différents sujets, notamment des aides de l’Etat. L’un des fils rouges de notre lutte était aussi de conserver un contact avec nos clients. Le rôle des corps intermédiaires a été très important.

L’esprit d’équipe a-t-il résisté à l’épreuve ?

En tant qu’exploitant, j’ai la chance de travailler en famille. L’hôtel Windsor est une affaire familiale et nous nous soutenons car nous sommes soudés. Cela nous a permis d’être plus proches de nos salariés. Dans ce désarroi, nous avons cultivé la proximité qui nous unit à nos salariés. L’enjeu était de conserver la passion et d’aller de l’avant. Nous n’avions pas le droit de nous apitoyer, c’est ce qui nous a permis d’avancer et de maintenir le contact et d’entretenir la flamme.

Comment avez-vous utilisé ce temps libre inattendu ?

En tant que président confédéral de l’Umih, j’ai été noyé par le travail. Avec toutes les équipes et les différents présidents de branche, nous avons été mobilisés 7 jours sur 7 et 24h/24 h. Ma vie d’exploitant a été mise entre parenthèses et j’ai fait face à mes responsabilités.

La livraison et la VAE ont ils été de nouveaux moteurs ?

Nous nous sommes aperçus que les restaurateurs ont fait ça essentiellement pour maintenir le lien avec leurs clients. La livraison et la VAE représentent une nouvelle façon de travailler pour les restaurateurs et je pense que ces créneaux vont se développer. Les clients se sont rendus compte qu’il était agréable de consommer des plats de restaurants à la maison. Mais nous n’en sommes qu’aux prémices de ce nouveau modèle économique : les professionnels qui se sont lancés n’ont gagné que très peu d’argent ; il s’agissait surtout de maintenir un semblant d’activité.  C’était une façon de survivre intellectuellement et psychologiquement.

Avez-vous des regrets ou des choses inaccomplies durant cette période ?

Les regrets sont derrière moi, maintenant il faut avancer. Nous sommes dans une période où toutes les entreprises peuvent rouvrir leurs portes en respectant le protocole sanitaire. Nous sommes donc dans un moment de vérité, mais les entreprises sont endettées et l’enjeu est de payer ces dettes.

Comment jugez-vous l’action du gouvernement face à la pandémie ?

Depuis le début de la crise aux côtés des autres organisations syndicales, nous avons été en contact avec le Gouvernement quotidiennement. Nous avons fait figure de baromètre qui remontait au plus haut sommet de l’Etat les difficultés de nos adhérents hôteliers, restaurateurs ou exploitants. J’ai le sentiment que c’est grâce à nos interventions que le Gouvernement s’est porté au chevet de nos entreprises et les mesures massives d’aides compensatoires ont permis aux entreprises de garder la tête hors de l’eau. Jusqu’à maintenant, l’action gouvernementale a été à la hauteur de ce que les exploitants attendaient. En revanche, encore une fois, je suis inquiet du niveau de dette des entreprises. Il va falloir juger toutes les aides sur la durée, nous devons être accompagnés jusqu’à la fin de l’année, car tout ce que l’Etat a investi jusqu’à présent ne doit pas être vain. Je rappelle qu’au début le dispositif n’était que de 1500 euros puis que nous avons obtenu le fonds de solidarité et des compensations financièrement à hauteur de 20 % du chiffre d’affaires. Concernant les remboursements des PGE, je plaide pour une consolidation et un étalement de la dette sur douze ans.

Pensez-vous que les entreprises vont survivre ?

Les entreprises qui vont survivre sont celles qui étaient en bonne santé avant mars 2020. Celles-ci ont pu s’adapter grâce aux PGE et beaucoup en ont profité pour investir ou rénover leurs établissements. C’est d’ailleurs assez étrange. Cela montre finalement que les entrepreneurs sont dans la confiance et se sont dits que cette crise aurait forcément une fin. Toutes les entreprises sont endettées, mais certaines vont être en grande difficulté assez rapidement. Les plus fragiles vont malheureusement couler. 

Quel(s) enseignement(s) tirez-vous de cette crise ? Sortez-vous plus fort de cette épreuve ?

En tant que président de l’Umih, je salue le rapprochement qui s’est dessiné entre les différentes organisations professionnelles. Cela nous a permis de réfléchir à l’ensemble de nos métiers et de notre profession. Je pense notamment au développement durable, au numérique, ou encore à l’emploi et à la formation. Nous nous sommes posés les bonnes questions et cette crise nous a donné du temps pour réfléchir. En parallèle, les Français ont pu mesurer à quel point nous étions des commerces essentiels pour leur vie quotidienne. Il n’y qu’à mesurer le succès de la réouverture des terrasses qui ont été prises d’assaut.

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